Chapitre 19

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On avait réouvert les portes ce matin.

Les deux grands pans salis avaient crissé. Le sable avait glissé le long de la forteresse comme le dernier souffle de ceux qui partaient. Il avait glissé à contre-courant de la marche des brancards blancs. C'était un flot de mort qui s'en allait hors des douves. Il n'y avait pas de chant funèbre. Le soleil devait pleurer la bête aux mille pattes qui sortait pour la première fois depuis des ans.

Thomas s'était couvert la tête d'une capuche noire. Le brancard qu'il soutenait à bout de bras parmi les autres, il l'avait saisi dans la cohue sans savoir quel enfant y dormirait pour toujours. Sa figure par dessous le tissu dessinait des montagnes enneigées. Elles rejoignaient la terre.

On avait maudit la nuit d'hier.

Thomas avait maintenant les pieds dans un désert sans fin. Il marchait sur la terre brulée, celle qui l'avait bercé une fois. Au loin chaque trou dans le sable attendait son cadavre. Thomas et les trois autres porteurs y déposèrent le leur. Tous les autres enfants vivants firent de même. Les corps descendaient dans les tombes. On les regardait s'étendre avec des yeux rougis par la poussière.

Puis on donna aux gens des pelles pour recouvrir les dormeurs. Bientôt le cimetière fut plat et beau. Si la tempête passait cette nuit, ce serait le désert. Encore.

« Appel à tous les alphas, retour au dortoir » avaient rappelé les voix des mégaphones.

Certains regardèrent une dernière fois leurs camarades ou du moins leurs tombeaux et y laissèrent, une fois le dos tourné au ciel bleu et chaud, un salut de la main.

Thomas ne pensait pas retrouver là Newt et Minho, à l'orée de la route, le front brillant. La gorge de Thomas se serra plus fort.

-Tu étais là aussi. Content d'avoir revu la terre brulée ?

-Non, c'est trop morne.

Sur l'épaule nue de Newt, un petit carré de tissu était scotché. Thomas se souvint de la veille.

-Où on t'a conduit hier ?

Newt sourit en passant son doigt sur son pansement.

-Oh ça. On m'a conduit à l'infirmerie où j'ai passé la nuit en quarantaine avec d'autres gars. Me demande pas pourquoi nous spécialement, j'ai demandé de dizaine de fois à l'infirmier et j'ai jamais été autant ignorée ma vie ! Je dois repasser demain de toute manière, je verrais bien à ce moment-là... Le tuyau qu'on nous a planté là, je crois que c'était une genre de sonde...Pourtant on était pas si amochés... C'est Alby qui aurait dû y aller si tu veux mon avis... Ou Aris ... Tu as vu son visage à Aris ?

Thomas acquiesça. WICKED avait bien soigné Aris.

-Je sais pas vraiment ce qui s'est passé pour tous les autres, continua Newt. Je sais qu'ils ont dormi tous ensemble dans le réfectoire. Mais Minho peut te raconter lui...

Newt fronça du nez. C'était Minho qu'il observait par-dessus l'épaule de Thomas. L'autre s'était retourné pour contempler les rayons du soleil qui, plus bas que le mur, s'amoindrissaient dans la largeur des portes, retombant comme un voile d'or sur les derniers enfants qui rentraient en trottinant. Puis le métal figea les deux battants, l'ombre effleura les dalles bétonnées et les gamins soufrèrent d'une gerbe de sable froid, soudaine et triste. On rentrait déjà les trousses pharmaceutiques, les éponges imbibées, les brancards vides.

-Est... Est-ce qu'on peut marcher un peu ?

Il avait les yeux en vitraux Minho, comme mouillés d'une multitude de reflets des murailles grises. Comme un caléidoscope.

Terre, sous la flamme de trois bougiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant