Terre, sous la flamme de trois bougies

Chapitre 6

-Tu es au courant de ce qu'endurent les bétas, Zart ?

Thomas était sorti de sa profonde réflexion sur son devoir et s'était relevé en tailleur sur son lit perplexe. L'échange avec l'autre l'avait perturbé.

Zart était de ces garçons qui savaient tout mais s'abstenaient de délivrer quoi que ce ne soit si aucune question ne leur était posée.

-Tu veux parler de leurs tests journaliers ?

-Mmmmh...

-C'est grave hein ? De savoir que notre apprentissage est fondé sur des examens passés aux autres....

Cela ne surpris pas Thomas. Où trouver des supports pour les cours si ce n'était pas directement avec l'aide du sang des immunes ?

-Tu en penses quoi ? Hésita-t-il à demander.

-... Que tôt ou tard, ça va merder.

Zart était un peu plus âgé que Thomas. Sa maturité faisait qu'il pesait ses mots, comme toute les autres choses qu'il entreprenait. Le choix de ceux-ci frappa le garçon de bon entendement tant ils semblaient froids et hostiles. Ils s'opposaient à l'attitude inflexible de Zart, en brisaient le mythe.

-Comment ça ?

-Dis donc, t'es pas aussi curieux d'habitude, chambra Zart. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

-Qu'est ce que tu entends par « merder » ? Insista Thomas.

-Je pense que ces gars craquent complètement, et si ça n'est pas encore le cas, ça ne saurait tarder. Met toi à leur place, ils passent leurs repas avec des gens qui s'instruisent depuis le sang dont ils se vident.

C'est justement ce sur quoi Thomas avait décidé de fermer les yeux. Se mettre à sa place, à celle de celui qui souffrait de l'autre côté de la passerelle, dans l'autre bâtiment. Il avait trouvé plus facile d'ignorer son corps maigre et les poches de ses yeux. Il se rendit à l'évidence, il avait eu peur de ce qu'il aurait pu ressentir en les gardant ouverts.

-Quels étaient les critère de chaque groupe ? Comment est-on alpha ou béta ?

Zart tapota sur sa tempe comme s'il s'agissait d'une certitude.

-Il était question pour eux de contracter les meilleurs d'entre nous pour les cours. Je pense que la sélection avait déjà été établie avant notre arrivée ici. Pour ce qui est du surplus, il a été gentiment redirigé vers les rats de laboratoire.

-Les bétas...

Dans le silence Thomas tenta de replonger dans ses feuilles. Cependant il abandonna bien vite. Il devenait frustré des chiffres qui depuis sa place prenaient un autre aspect. Ils n'étaient plus que le triste désir convoité du dehors de cet immeuble, l'écran réfléchissant la honte de sa propre prévalence.

-Zart... bredouilla-t-il hésitant. WICKED est-il aussi bon que l'on dit ?

Cette phrase, Thomas l'avait tournée multiple fois dans sa bouche pour en trouver les mots justes. Au final, il n'y en avait pas de bons. Les mots venaient lui bruler la langue et déchiraient ce que le garçon avait appris dans WICKED même. Et cela, il ne pouvait que le maudire.

L'autre s'étira, il ne tarderait pas à s'endormir.

-Tu sais ce n'est pas facile, dit-il, de se faire une idée sur WICKED ; comme ça n'a pas été facile de s'en faire sur l'origine du virus d'ailleurs. Nous vivons dans un temps Thomas où rien n'est plus jamais blanc ou noir. C'est bien plus compliqué tu vois ? Les raisons de WICKED sont louables, tu ne peux pas le nier. Cela excuserait leur méthode ? Je ne sais pas... on serait du genre à dire que non mais après tout, comment pourrions-nous être sûr qu'il y avait d'autres démarches possibles ? N'était-elle pas l'unique solution ? La vérité est qu'on ne sait rien, rien du tout. -il s'allongea- On aura beau continuer à parler, il n'en sortira que du vide. On va continuer à cracher ce que WICKED nous a fait bouffer parce que c'est la seule chose à laquelle on peut s'accrocher. Et puis tu vois, jamais on ne pourra se permettre le « mais » puisqu'ils ont de toute manière de quoi nous contenter du « oui » -Thomas savais à quoi il faisait allusion, des picotements aux doigts lui revinrent amèrement-. Alors oui, pour moi comme pour toi, WICKED est bon, ça ne fait aucun doute.