Morceau sept - Isaac

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Paris

J'ai échangé quelques messages avec l'autre artiste de pacotille. Il m'a saoulé avec ces insinuations à la con et j'ai dû me retenir de ne pas aller chez lui pour lui en coller une. Alors, ouais, je ne connais pas son adresse, mais tout se trouve dans ce métier.

Et Danny me saoule avec son interview, il veut voir mes progrès tous les jours. Une véritable sangsue.

J'ai l'impression d'être une mémé avec ses pigeons. Quelques miettes de pain chaque jour pour qu'il me lâche la grappe.

En plus, répondre aux messages d'Hel me pompe un temps que je n'ai pas. Mais je ne peux pas m'empêcher. Et je suis sûr qu'il le fait exprès pour m'énerver. Comme si je pouvais être déconcentré par son charme inexistant.

— Isaac, dans mon bureau, gueule Danny.

C'est sûr, j'ai fait une connerie. Je sais pas encore laquelle, mais ça ne saurait tarder. Danny ne sourit pas. Il a sa tête des mauvais jours. Peut-être qu'il veut me virer. Merde.

— Il nous faut des photos, commence-t-il.

Je sens que la suite ne va pas me plaire. Je parierais mon salaire là-dessus.

— L'article va être une véritable pépite, il nous faudrait des photos exclusives pour l'illustrer.

J'en étais sûr. Et c'est non. Je refuse de revoir ce type une nouvelle fois dans ma vie. Plutôt me faire enfoncer un pieu dans le cœur. Ou m'amputer de mes deux jambes.

— Luc peut s'en occuper, proposé-je.

En tant que secrétaire, il serait content d'avoir quelque chose à foutre de sa journée – à part mes cafés. Et moi, ça m'enlèverait un sacré cactus du pied. Tout le monde serait gagnant.

— Non. Ce sera toi. Je veux que tu l'appelles maintenant. Devant moi.

Il fait exprès de me bloquer dans son bureau et je sais que je ne peux pas me défiler. Je sors mon téléphone de ma veste violette et je pleure intérieurement. En constatant qu'il m'a déjà envoyé un message, je ne peux réprimer un sourire. Une grimace.

J'appuie sur le téléphone et colle l'appareil à mon oreille. Les tonalités résonnent de manière stressante. Une tonalité. Deux tonalités. Trois tonalités. Et Danny ne me quitte pas des yeux. Quatre tonalités. Il s'appuie sur ses coudes, négligemment. Cinq...

— Je te manquais déjà, Archyos ?

Je me sens gêné. Parce que Danny écoute cette conversation et même si elle n'est pas personnelle, j'ai l'impression qu'il s'immisce dans ma vie privée. Je frotte ma main contre ma veste. Elle est moite.

— Non. Est-ce-que vous seriez disponible pour passer au siège d'OTS cet après-midi ?

OK. Je crois que je me suis quelque peu emballé. Mais au moins, j'en serai débarrassé. Danny hoche la tête, visiblement satisfait par cette prise de décision.

— D'accord. Seulement si tu acceptes de t'excuser de ce que tu as dit sur mes piercings et mes tatouages. Parce que tu ne sais rien de moi.

J'hausse un sourcil. Hors de question que je m'excuse. Je suis Isaac Archyos, réputé pour son franc-parler, pas Mère Thérèsa, réputée pour sa bonté à toute épreuve. Faut pas tout mélanger.

— Non, refusé-je.

Et il raccroche. Comme ça, subitement. Sans même se donner la peine de me dire quoi que ce soit. Je crois que je l'ai vexé. Et maintenant, Danny m'observe, les sourcils froncés. Cet appel était trop beau pour être vrai.

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