Tu es arrivée chez nous il y a six mois.
Pourrais-je un jour te considérer comme une sœur, et non plus comme une étrangère ?
J'essaierai, en tous cas.
Mais tu sais, c'est dur de voir son quotidien complètement chamboulé par un inconnu.
Au lycée, on me pose des questions.
Qui est-elle ?
Une nouvelle nourrice ?Non, c'est une orpheline qui vient du Vietnam.
Là, pour tous, c'est une stupéfaction.
Malheureusement, nous ne sommes pas suffisamment habitués à ce type d'histoires. Pourtant, elles sont bien réelles, et elles existent, souvent bien plus proches qu'on ne le croit.
Au début, je croyais que maman délirait quand elle s'est proposée pour être marraine dans cette association.
J'ai commencé à comprendre qu'elle était vraiment sérieuse à partir du moment où elle a commencé à t'envoyer des lettres, des cadeaux, à n'importe quelle occasion : à Noël, à Pâques, au Nouvel An...
Mais une année, nous n'avons plus reçu de nouvelles de toi.
Alors, elle a commencé à s'inquiéter, téléphoner à ton orphelinat, presque tous les jours, à se rendre au siège de la fondation, tous les mois.Pendant 4 ans, cela a duré.
Elle a fini par songer à abandonner.
Mais finalement, nous avons réussi à te retrouver.Tu étais bien cachée, ils ont mis du temps à te dénicher.
À la limite du clandestin, tu t'étais intégrée dans une famille, à Nam Dinh.
Les sœurs nous ont tout expliqué, en détail : ton transfert à l'hôpital, ton changement, du refuge à l'orphelinat, la mort de ton ami...
Mais il fallait que quelqu'un t'adopte, ce petit jeu ne pouvait plus durer.
Te voilà, désormais.
Nous savons que quitter tous ces frères et sœurs que tu t'étais trouvés a été une véritable déchirure.
Mais il fallait se le dire : là-bas, camouflée au yeux de l'État, tu n'avais aucun avenir.
Ici, il sera peut être difficile, mais au moins, il existera.
J'aimerais bien sympathiser, tu sais, mais c'est tellement difficile....
Nous avons le même âge, mais tu parais tellement plus adulte...Tu as l'air perdue, souvent.
Je voudrais pouvoir te venir en aide, ton passé est si compliqué !
Malheureusement, nous ne parlons pas la même langue.La seule chose, qui, en dépit de tout le reste, subsiste, c'est ton sourire.
Celui que tu m'offres à chaque fois que j'essaie de te parler.
Ce sourire, c'est une fleur. Non, plutôt un soleil, une étoile.
Qui fleurit, qui réchauffe, qui brille, et qui par sa lumière efface toutes les différences de langues, d'origine, de couleur de peau, de nom de famille.
C'est un sourire magique, ton sourire, Suong Mai.
Grâce à lui nous ne sommes plus deux étrangers, l'un aisé, et vivant dans une belle famille en Europe, et l'autre orphelin du Vietnam immigré vers la France; non ! Nous sommes juste deux adolescents, deux êtres humains, qui vivent et qui respirent, sur la même Terre, et qui désirent juste se connaître.
Simplement, nous sommes deux cœurs prêts à éclater. Nous voudrions tout nous dire, mais notre seule passerelle, c'est ce sourire.
Et dieu sait combien de choses il peut transmettre, ce sourire...
Ah, vraiment !
Suong Mai, pourrai-je un jour te considérer comme ma sœur ?
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Petites gouttes de rosée
Short StoryCe matin-là, il faisait doux. Un jeune commerçant de la périphérie de Hanoï s'était levé, réveillé par les cris d'un bébé. C'est à ce moment qu'il l'avait aperçue, au pied d'un abricotier. Une petite fille, abandonnée. Et lorsqu'il l'avait prise dan...