Partie 32

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J'avais une faim de loup et j'aurais bien repris un gâteau aux fruits jaune et à la crème fouettée si l'étiquette n'était pas si obligatoire.

-Le déjeuner a été plus long que prévu, avez toujours du temps pour notre balade ? Questionne Jonas.

-Mon père nous a demander de rentrer au plus tard pour cinq heures.

-Ce qui vous reste deux petites heures... Marmonne-t-il.

-Si vos palefreniers sont rapides pour préparer les montures, nous pouvons faire le tour de vos terres proches et passer près de l'étang.

-C'est une excellente idée mon ami ! Huy ? Appelle Jonas.

-Que puis-je faire pour vous, monsieur ?

-Qu'on harnache trois montures, mes amis et moi-même sortons.

-Bien monsieur. Cela sera prêt dans vingt minutes.

-Merci, Huy.

Ses domestiques sont rapides, cela est véridique. Vingt-minutes plus tard, nous marchons déjà à quelques dizaines de mètres de la maison Hurto. La bête que l'on m'a donné est une jument docile au tempérament calme dont l'allure ronde est très agréable, d'autant plus lorsque la monte imposée aux femme est celle amazone. Une monte tout à fait inconfortable.

-Vous êtes douée, ma chère.

-C'est vrai qu'on ne pourrait imaginer qu'il s'agisse de votre première monte. Me suspecte Percy.

-C'est une bonne bête, voilà tout.

-Elle est la meilleur jument de notre écurie, je vous le garanti !

-Vous possédez de belles terres, monsieur. Et l'époque les embellie.

-Elles l'étaient encore plus il y a quelques années. Mais comme cela ne doit vous avoir échapper, les ressources sont affaiblies. Et cela ne se ressent pas que dans la beauté des lieux, mais aussi dans les récoltes qui sont amoindries d'années en années. Heureusement pour nous, nos terres sont encore riches et nous permettent de vivre très convenablement.

-Je suis certaine que la vie redeviendra aussi riche que d'antan.

-Le Roi trouvera une solution. Je crois en lui.

Fière sur son frison, Percy observe le paysage à la recherche de gibier.Même si nous ne sommes pas là pour chasser, un homme ne peut s'empêcher de rechercher les belles prises potentielles. Enfin, la plupart des hommes car Jonas, lui, garde constamment un œil sur moi et sur la jument, à l'affût d'un quelconque problème. Il me demande régulièrement si tout se passe bien, si je n'ai pas besoin de faire de pause. S'il connaissez mon réel caractère, il ne inquiéterai pas autant pour moi. Peut-être même que ses inquiétudes se dirigeraient vers son propre sort.

Alors que Percy s'était éloigné de nous de manière involontaire, j'en profite pour évaluer le garçon.

-Travaillez vous avec votre père ?

-Non, il ne parle jamais de ce qu'il fait et nous interdit de nous en mêler. Peut-être qu'un jour il aura assez confiance en moi pour me confier quelques petites choses, un peu comme vous. J'aimerais bien reprendre les affaires familiales.

-N'êtes-vous pas un homme de confiance ?

-Bien sûr que si ! Mais mon père se méfie beaucoup. Il n'a d'ailleurs aucune confiance en vous. Je ne le comprends pas. En tout cas, vous avez toute ma confiance, mademoiselle. Je sais que vous êtes quelqu'un de bien.

-J'avouerai pouvoir avoir confiance en vous. Vous me semblez différent de votre père, très proche de votre mère, et loin de cette farce noble.

-J'ai été élevé parmi les nobles, il est vrai, mais je passais le reste de mon temps avec les enfants des domestiques. Ma mère aimait nous voir jouer dans la maison et nous organisait souvent des goûters, ce qui ne convenait absolument pas à mon père.

-Cela ne m'étonne pas.

-Un jour, il a jugé que je devais devenir un homme digne de mon rang. Les enfants furent renvoyés de la maison et je n'ai jamais plus pu les voir. Je me demande parfois ce qu'ils sont devenus. Mes parents se sont souvent disputés à ce sujet, mais ma mère est d'une tendresse infinie et finissait par donner raison à mon père. Je souffrais beaucoup de leurs disputes qui étaient très violentes. Un jour, plus de disputes, ma mère arrêta de lui parler de l'importance de mes amis, et de là, tout redevint à la normal. Il y a encore quelques années, elle invitait secrètement mes anciens amis pour que nous passions un peu de temps ensemble. C'est une femme d'une grande bonté vous savez. Si cela pouvait rester entre nous ?

-Bien sûr, monsieur. Je ne souhaite point apporter de troubles à votre famille.

-Merci, mademoiselle.

Je ne pense pas que lui faire confiance maintenant soit une excellente idée, cependant, je suis certaine qu'il pourrait se ranger de mon côté et jouer les taupes à mon service. Nous verrons bien comment l'avenir s'organise. Ce qui est certain, est que mon oncle ne sera pas le seul à avoir des pions un peu partout dans les Mondes. Il peut compter sur moi.

-Revenez nous voir quand vous le désirerez, mademoiselle. Vous serrez toujours la bienvenue ici. M'assure la mère de Jonas en me prenant les mains.

-Cette après-midi était très agréable, je vous en remercie.

-Oh ! J'allais oublié. Je l'ai terminé, j'espère qu'il vous plaira.

-Merci infiniment. Fis-je en saisissant délicatement le petit sachet de soie.

-Rentrez bien, mademoiselle. Je vous écrirais régulièrement, si cela ne vous dérange pas.

-Je tenterais de vous répondre le plus rapidement possible, monsieur.

Assise dans la voiture, je fais un dernier sourire et signe de la main à la famille Hurto qui rapetisse aussi rapidement que l'allure pressée des chevaux.

-Tu t'es bien comportée. Il sera ravi de l'entendre.

-Il ne faudrait pas me penser plus sotte que je ne le suis.

Percy sourit en coin, se canine étincelant malignement.

Après une demi-heure de trajet, je sors du sachet de soie de couleur ivoire un mouchoir blanc, dont un angle est brodé. Deux majuscules, en fil d'argent, entrelacées. Je le déplie délicatement et découvre qu'au milieu y est glissé une toile pliée. Je l'ouvre et suis impressionnée.

Un portrait. Un portrait qui pourrait être le mien.

Celui de ma mère.

Je souris alors, replie le morceau de tissu peint et remet les deux cadeaux dans le sachet en soie.

Etc'est avec une bonne heure de retard que la voiture s'arrête devant les marches du château. Andreas apparaît sur le seuil de porte au même moment où je pose les pieds sur les premières marches. Ses yeux nous transpercent.

-J'espère pour vous que tout s'est passé à merveille ?

-Oui, père. Le rendez-vous s'est encore mieux déroulé que ce que vous aviez pensé.

-J'en serais très rapidement certain.

Il disparaît aussitôt dans le château.

En arrivant sur le le dernier palier, deux gardes se déplacent à mes côtés et m'escortent à ma chambre, tandis que Percy est convoqué par son père, par l'intermédiaire d'un messager, dans la salle du trône.

Cette sortie hors des murs du château m'a fait un bien fou et je me sens désormais beaucoup plus paisible. Je m'habituerais presque à cette vie.

Avant de me coucher je déplie une nouvelle fois le mouchoir. C'est étonnant, je ne me retrouve dans aucun de ses traits. Du moins, en examinant longuement le portrait, car de loin, d'un rapide coup d'œil, nous pourrions avoir certaines ressemblance, mais finalement, non. La bouche, la forme de la mâchoire, le nez, les yeux, l'étincelle dans le regard. A se demander s'il s'agit bien de ma mère. Pourtant, la technique du peintre est irréprochable.Alors, soit, il s'agit d'une autre femme, soit il ne sais que trop bien enjoliver les visages jusqu'à les rendre méconnaissables.

Le portrait sur le ventre, je repense au quotidien et aux habitudes qui vont reprendre leur place dès demain, dès le lever du jour.

Le Croissant de Lune - Livre II Impacte CosmiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant