deux anonymes (texte court)

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Elle regardait le monde. Prenant le temps d'écouter le vent qui murmurait à ses oreilles comme si l'on frottait un verre en cristal avec notre doigt. Quelle douce mélodie ! Elle laissait pendre ses pieds dans le vide, sans craindre de tomber. Elle regardait, depuis cette avancée de toit en tuile rouge, des hommes en train de partir dans cette immense et sombre grotte. Elle les regardait avec mélancolie. Elle se retourna et elle vit une femme à la fenêtre de la maison au tuile rouge. Elle tenait dans ses bras du linges blancs. Elle ouvrit la fenêtre pour saluer au loin un homme qui lui répondit par un regard triste et fatigué. Il fit un signe puis se retourna, puis s'enfonça dans le sombre trou où seul les rails du petit train pouvait le guider. Les enfants, qui habituellement venaient avec eux, étaient restés dans la cours parmi les poules et leurs poussins. Ils observaient avec peur la disparition des hommes. 

Ce jour là, les femmes resteraient à la maison au lieu d'aller à l'usine. Les plus vielles prendraient soins des enfants en leur montrant leur maigre savoir faire. La jeune fille descendit de son perchoir et prit la direction de l'entrée du petit village d'ouvriers coincé au milieu des montagnes. Elle vit alors, sur un rocher, un garçon un peu plus vieux qu'elle. A ses yeux, c'était le plus beau et le plus fort des hommes. Il possédait de grands yeux bruns, des cheveux sauvagement coiffés, un pantalon noir et une chemise délavée. Quand il la vit, il se leva et partit à sa rencontre. Il portait à la main un violon vétuste. Il était musicien et elle l'était aussi. Elle portait à son cou une flûte qui avait été fabriquée par son père ou par l'un de ses oncles et qui a été, un jour, cassé en deux et grossièrement recollé. 

Ils se posèrent dans un champs, proche d'un petit ruisseau, de là, il voyait le petit village et les immenses cheminées des usines qui ne crachaient point de fumés en ce jour étrange. Ils attendirent, en silence. Ils attendirent en regardant la nature vivre et s'agiter autour d'eux. 

Quand le soleil indiqua midi. Ils se levèrent. Et de leurs visages livides, presque transparent, ils se regardèrent. C'était l'heure ! Ils prirent le chemin du retour. Et à l'entrée, ils aperçurent les villageois en ronde. Les hommes étaient rentrés ! 

Les deux êtres entendirent des hurlements qui déchiraient le cœur des femmes et des pleurs venant des tout petits. 

Les deux musiciens s'approchèrent. Et virent deux corps inertes. Un avait un violon vétuste et l'autre possédait une flûtes qui, jadis, avait été cassé en deux.


Harybo Chan  

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