Le square aux belles fleurs était tout sauf un square et avait tout sauf de belles fleurs. Mais notre ville avait le sens de l’humour. C’était un carré de béton, entouré de quelques rampes de skate brinquebalantes et de buissons comme des arbres de Noël, décorés de canettes, mouchoirs et autres paquets vides.
Un dimanche matin froid et pluvieux, il était vide. J’attendais sous la petite tonnelle entièrement recouverte de tags qui servait d’abris de fumeurs, attendant le bruit dune voiture. Une petite Peugeot rouge apparut au bout de la rue, et derrière le battement des essuie glace, je reconnue Marie, et inversement.
Minuscule qu’elle était, enfouie dans un large sweat noir dont elle rabattit la capuche, elle courut vers moi, tirant dans sa main une laisse et le chien qui peinait à la suivre.
« Si tu peux faire un effort sur l’horaire, la prochaine fois.
- Désolé, j’ai pas réfléchit. »
Je haussais les épaules, elle sortir un paquet de clopes de sa poche en s’asseyant à côté de moi, coinçant la laisse entre ses cuisses. Seul le bruit de la pluie calme sur le métal au-dessus de nos têtes se faisait entendre.
« Alors ? Que me vaut cet honneur d’un appel de M. Myron ?
- Ma couleur préférée c’est le bleu. »
Elle laissa échapper un gloussement, recrachant un nuage de fumée.
« Ok. Moi c’est le rouge. »
J’avais en effet déjà remarquer ce détails ; la couleur de sa voiture, celle de ses ongles souvent, une information soufflée au cours d’une conversation. Etonnamment de ma part, je savais aussi qu’elle avait une sœur du nom de Pauline, et faisait de la danse depuis une vingtaine d’année.
En proie à l‘humidité, je frottais mon nez en soupirant ; elle ne comprenait pas.
« Personne ne le sait.
- Ta couleur préférée ?
- Oui. Parce que je suis persuadé qu’en révélant ce genre de choses, je donne aux gens la possibilité de me faire du mal, de me blesser. »
Sérieuse, elle réfléchit, caressant distraitement la tête du chien.
« Je ne pense pas que l’on puisse te faire grand mal, juste en sachant ta couleur préférée.
- Ma couleur préférée, ou d’autres détails. J’ai toujours l’impression que c’est une erreur de faire confiance aux gens.
- Bon, dis-moi, qui te mets dans cet état. Je ne suis pas née de la dernière pluie, et ce genre d’état d’âme, à trainer dans un vieux parc un dimanche matin, c’est que quelqu’un te retourne le cœur. »
A mon tour je me mis à caresser le chien qui ne sembla pas faire de différence entre elle et moi. Elle écrasa son mégot, le jeta dans le dépôt juste derrière nous.
« J’avoue. J’ai rencontré un mec, en boîte. J’aurai préféré qu’il me retourne autre chose que le cœur.
- Je vois, d’où ta tête d’hier matin.
- On a été interrompu on va dire.
- Sauf que depuis tu y penses encore.
- C’est un peu ça ; mais… Si c’était juste ça, j’aurai déjà été le retrouver et je serai en train de me faire retourner actuellement. »
Elle rit face à ma franchise et je ne pu m’empêcher de sourire.
« Et donc c’est quoi le problème ?
- C’est que de ce que j’ai appris de lui, ce n’est pas quelqu’un de bien, donc j’aimerai de plus avoir à faire à lui. Mais à cause d’un connaissance commune, je n’ai pas le choix. Et j’ai peur de craquer à un moment donné, de me faire avoir. J’ai peur qu’il puisse me faire mal. Alors je veux m’éléloigner, mais j’ai l’espoir qu’il ne soit pas cette personne-là, celle qu’il montre, mais pour le découvrir, il faut que je me rapproche de lui, que je lui accord une part de confiance. Doutes, questions, cercles vicieux. »
Une ambulance passa dans la rue toute sirène hurlante, faisant crisser les pneus en tournant brusquement. Nous relevâmes tous les deux la tête, puis nous laissâmes à nouveau gagner par le silence.
« Dangereux pourquoi ? Parce que c’est quelqu’un de violent ?
- Je ne sais pas. Il n’avait pas l’air.
- Parce que c’est quelqu’un qui a peut-être fait des erreurs, et qui c’est retrouvé coincé en quelqu’un qu’il n’est pas ? »
Je ne répondit pas, réfléchissant au sens de sa question. En prison sans être majeur, était-il devenu le personnage de Volk uniquement pour survire dans la meute ?
« Tu sais My dans la vie, les choses et les gens ne sont pas toujours ce que l’on croit. Quelqu’un peut paraître « parfait», gentil doux et attentionné, aimant même ! Et être en fait le pire salaud toxique dans une relation. On ne montre que rarement qui on est vraiment, on joue sur les apparences et l’impression que les autres ont de nous. Et même si tu ne veux pas, tu n as pas le choix, tout le monde se fera toujours une impression des qu’il voit quelqu’un. Regarde toi, au premier abord on te prendrait pour un petit con borné qui se fout de tout. Mais je sais qu’au fond de toi y a un gamin en souffrance qui s’est bouffé la vie et qui a décidé de ne plus faire confiance à personne.
- Et j’ai pas raison ?
- Je ne sais pas. Ça t’a amené à quelque chose de positif ? C’est peut être le conseil le plus merdique qu’on pourrait te donner mais c’est avec les erreurs qu’on apprend, c’est en apprenant qu’on avance.
- Tu sais que je ne parle pas d’un mariage, hein ?
- Hé ! Y a pas besoin de mariage pour qu’une relation soit sérieuse. Et y a pas besoin de mariage pour une belle relation. Tu te demandes s’il est bon pour toi ? Moi je pense qu’il a l’air pas mal comme toi. Une grande coquille qui veut se faire lion alors que t’es un chaton. »
Je grimaçais en lui donnant un léger coup de coude qu’elle ne sentit sûrement pas à travers son manteau.
« J'suis pas un chaton.
- Bien sûr que si. Et je pense que deux chatons ensemble peuvent donner un lion. Je sais pas ce que tu cachés dans ta p'tite tête, mais je sais qu’il s’en passe des choses. Et quelqu’un qui t’aiderait à vider tout ça, en te comprenant vraiment, ça ne me paraît pas si dangereux. Et je te le dis ; c’est pas toujours ceux qui semblent les plus dangereux, qui le sont le plus justement. »
Après avoir raccompagné Marie à sa voiture, caressé une dernière fois son chien, je rentrais à pieds, avec ma capuche et mon casque qui m’empêchait d’entendre le monde insignifiant autour de moi. Qui m’empêchait d’entendre le vacarme qui se faisait entendre de l’appartement, les cris et les éclats de voix, la musique, mais qui ne m’empêchèrent pas de voir les vingt paires d’yeux qui se braquèrent sur moi quand je poussais la porte de chez moi.
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Poupées Russes [BxB] AUTO-EDITE
Fiction généraleSi Myron a toujours refusé d'être un Volk, un "loup", cette meute qui a mené son frère en prison, aujourd'hui tout se remet en question. Par peur de son frère Akim, par amour pour Sergueï, jusqu'où Myron est-il prêt à aller pour sa liberté ? Après...