Chapitre 15 / Un lendemain

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Je n'eus pas à attendre le lendemain pour regretter.

Je ne rentrais pas chez moi ce soir-là. J'avouais à Sergueï ; du bout des lèvres, que j'avais peur de croiser Akim. Il ne dit rien, se contenta de m'emmener chez lui, un appartement à quelques mètres à peine du Saphir, dans la rue piétonne. Rien d'extraordinaire, un lit, une petite cuisine, une vieille télé et des livres, beaucoup de livres répartis dans deux bibliothèques. Je ne dormis pas, me contentant de fermer brièvement les yeux alors qu'il était de l'autre côté de la pièce, dans le canapé où ses souffles lourds m'indiquaient qu'il ne dormait pas non plus. Nous ne nous étions pas parlé, pas touché, à peine regarder, dans une ambiance lourde de honte après sexe. De honte et de quelque chose d'autre, sans se l'avouer, se dire que nous n'étions pas parfaitement rassasiés. Je me sentais bizarre d'avoir pénétré chez lui, après avoir fait ça dans un placard à balais. C'était intime, c'était une partie de lui et c'était trop pour moi.

Je partis comme un voleur, récupérant le sweat qu'il m'avait piqué et lui volant un caleçon dans un tiroir. Mon sac sur le dos, je claquais sa porte.


La tempête était passée, je constatais désormais les dégâts sur mon esprit. La relation avec Antoine restait complexe, d'une placidité qui me dérangeait. Il ne me touchait plus, respectait une distance de sécurité ridicule. Partout où nous étions, Aline était là, et ça m'irritait profondément.

Je ne croisais pas Antoine de la journée, avec des options différentes, nous étions tous les deux dans des groupes distincts. Je traînais les pieds jusqu'à la boxe, en sachant d'ores et déjà que j'allais être mis de côté puisque je n'avais pas d'affaires. Evidemment, cela ne manqua pas, et je m'énervais sur le mur des vestiaires en y lançant un poing agacé. Rien n'allait plus dans mon sens et j'avais peur que tout ce que j'avais tant espéré s'effondre. J'aurais voulu me faire mal, j'aurais voulu tout détruire. Notre baise avait été géniale, m'avait fait planer le temps que ça avait duré. Et je me sentais encore plus maintenant, parce que je voulais qu'il recommence, encore et encore, jusqu'à ne plus savoir mon nom.


J'avais découvert mon homosexualité au collège, principalement dans les vestiaires de sport et grâce aux pornos sur Internet. Un mec de ma classe avait organisé une soirée, pour un anniversaire ou une fin d'année peut-être, et il y avait eu ce garçon. Il s'appelait Mathieu, gentil et discret, j'allais avoir quatorze ans, j'avais des hormones en ébullition, et lui allait déménager dans quelques jours.

Quelques regards, deux caresses cachées dans la salle de bains, la promesse qu'il ne dirait rien car il avait bien trop peur que ça se sache. J'étais assurément plus mature que lui sur ce plan-là mais j'étais pourtant très gauche avec lui. Je lui avais à peine fait l'amour, trois minutes peut-être, et la sensation d'être bien logé au fond de lui m'avait fait craquer. J'avais réussi à le faire jouir en le prenant sans hésiter dans ma bouche alors qu'il s'accrochait au bord de l'évier. Et ça avait été dément, de ressentir ce pouvoir de faire cracher des verges tendues et gorgées de désir.

De cette révélation, s'en suivit un vague moment d'hésitation, à savoir quoi et comment faire. Puis décider de m'en foutre et de baiser qui me plaisait.


Sans vraiment de raison à la sortie, Antoine me demanda de l'attendre, ce que je fis, bêtement. Je le regardais embraser Aline, la tenant par les hanches et ça me dégouttait, comme tout leur groupe les regardait en riant, comme il semblait si bien intégré parmi eux. Puis alors qu'ils se dispersaient, il me rejoint. Il repoussa ses cheveux en arrière sans me regarder, vint s'asseoir sur le muret à côté de moi.

« Je vais visiter une fac ce week-end.

- Cool. Laquelle ?

- Arts et Lettres.

- Cool. »

Comme depuis deux jours, il ne m'approchait pas, il y avait au moins deux pas d'écart entre nous. Il ne me touchait pas, alors qu'il aurait d'ordinaire déjà tiré sur ma clope, posé sa tête sur mon épaule, passé son bras sur ma hanche. Il aurait déjà proposé de me raccompagner jusque chez moi, pour gagner un peu de temps. Et j'aurai simplement lever les yeux au ciel, parce qu'on faisait ça tous les soirs et qu'il continuait de me demander la permission. Mais il ne fit rien. 

« Et toi ?

- Ce que je fais ce week-end ?

- Ouais.

- J'sais pas. Voir une amie peut-être. »

Je vis la lueur de jalousie passer dans ses yeux avant qu'il ne hausse les épaules.

« Tu y vas avec Aline ? repris-je. A la fac.

- Non."

Il s'alluma une clope d'un paquet qu'il sortit de son sac, détourna le regard avant de me demander :

-  Tu revois le mec du bar ? »

Il avait insisté avec une grimace sur le mot mec, comme s'il le dégouttait, comme s'il me parlait de quelque chose de sale, quelque chose dont j'aurais dut avoir honte.

« Sergueï. »

Je n'avais pas pu m'empêcher de le corriger, pour lui montrer qu'il avait tort, par orgueil, pour lui faire mal parce qu'il me rejetait à cause d'une fille. Et jele savais pourtant que ça aussi c'était une erreur, de lui dire son nom.

Poupées Russes [BxB]  AUTO-EDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant