En cette journée ensoleillée, une foule de personnes était réunie pour célébrer l'union d'Alexander et Elizabeth Hamilton. Autant d'horizons et de caractères dans une salle, de John Laurens à Philip Schuyler en passant par le marquis de Lafayette, était un rassemblement aussi étonnant qu'unique.
Ce fut d'ailleurs John Laurens qui se leva, ses yeux pétillants d'intelligence, et le teint rougi par l'alcool, afin d'annoncer le discours de la demoiselle d'honneur.
"Applaudissez tous pour la demoiselle d'honneur, Angelica Schuyler !"
Angelica se leva, délicate dans sa robe de soie tel un papillon prenant son envol vers une autre fleur. Elle pris sa flûte de champagne entre ses doigts, le verre étincelant des reflets dorés, la mit en l'air, face à la lumière, et annonça :
"Un toast pour le marié !
- Au marié ! reprit la salle en une seule voix
- Un toast pour la mariée !
- A la mariée ! répétèrent les convives
- De la part de ta sœur, qui sera toujours à tes côtés !
- Angelica ! l'encouragèrent les invités
- A votre union ! s'écria la salle entière
- Et à l'espoir que vous apportez ! Puissiez-vous toujours être satisfait !"
Soudainement, Angelica se sentit vaciller et, lorsqu'elle se rassit pour laisser continuer la fête, elle se replongea dans ses souvenirs.
Et elle se souvint de cette nuit.
Elle se souvint de cette nuit qu'elle risquait de regretter pour le restant de ses jours. Elle se souvient de ces soldats, se bousculant pour recevoir son attention. Elle se souvient de la lumière des bougies comme d'un rêve dont on ne pourrait se rappeler. Mais elle n'oubliera jamais la première fois qu'elle a vu le visage d'Alexander.
Elle n'a plus jamais été la même.
Des yeux brillant d'intelligence, au cœur d'une faim de célébrité et de reconnaissance. Et quand il l'a saluée, elle en a oublié son propre nom, il a enflammé son cœur, chaque petit morceau d'elle. Ce n'est plus un jeu. Il l'avait conquise de par son corps et de par ses mots.
"Vous me semblez être, comme une femme qui n'a jamais été satisfaite.
- Je suis sûre que je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Vous vous oubliez.
- Vous êtes comme moi. Je ne suis jamais satisfait.
- Est-ce bien vrai ?
- Je ne l'ai jamais été."
Mais en ce moment-là, elle ne savait même pas qu'il était.
"Mon nom est Angelica Schuyler.
- Alexander Hamilton.
- D'où venez-vous ?
- Ce n'est pas très important. Après tout, il y a un million de choses que je n'ai pas faites, mais il vous suffira d'attendre un peu."
Donc, c'est ce sentiment que l'on ressent lorsqu'on rencontre quelqu'un à son niveau ? Mais où est le piège ? C'est un sentiment de liberté, de voir la lumière, vous comprenez ?
La conversation n'a duré que deux, voire trois minutes, et tout ce qu'ils ont dit était en total accord. C'était comme un rêve, un petit peu de dance, de posture, de position. Il a un côté Don Juan, mais elle avait décidé de lui donner une chance.
Lorsqu'elle lui avait demandé d'où il venait, ses mains avaient commencé à trembler, il semblait avoir peur. Il était sans-le-sou, il agissait par son instinct.
Magnifique, et il le savait, avec sa barbe fine qu'il tentait de faire pousser. Angelica aurait voulu l'emporter loin de tout cela, mais elle commit sa première erreur. Elle posa le regard sur sa jeune sœur.
Elizabeth était sans défense. Et Angelica le savait, juste dans son regard, on savait qu'elle était sans défense. Et ce fut à cet instant qu'Angelica réalisa deux vérités fondamentales à l'exact même moment.
"Où m'emmenez-vous ? questionna Alexander
- Je suis sur le point de changer le cours de votre vie, répondit Angelica.
- Alors, montrez-moi le chemin, répondit-il d'un air provocateur."
La première ! Elle est une femme, dans un monde dans lequel son seul travail est de se marier à quelqu'un de riche. son père n'ayant pas de fils, il est de son devoir de s'élever socialement pour lui. Elle est la plus âgée, la plus intelligente, mais les rumeurs de New-York sont sournoises, et Alexander est sans-le-sou. Ce qui ne signifie pas qu'elle le désire moins.
"Elizabeth Schuyler. C'est un plaisir de vous rencontrer !
- Schuyler ? s'interrogea-t-il
- Ma sœur, l'éclaira Angelica."
La seconde est qu'il est après elle car elle est une Schuyler, ce qui élèverait son statut social, elle devrait véritablement être naïve pour mettre cela de côté. Peut-être est-ce pourquoi elle le présenta à Elizabeth, qui est désormais sa femme. Bravo Angelica, il avait raison : tu ne seras jamais satisfaite.
"Alexander Hamilton, se présenta-t-il.
- Merci pour tous vos services.
- S'il fallait aller en guerre pour que nous nous rencontrions, alors cela en valait le coup.
-Je vous laisse tous les deux..."
Elle connaît sa sœur comme elle connait son propre cœur. Personne ne trouvera jamais quelqu'un de plus compatissant ni de plus gentil. Si elle lui avait qu'elle l'aimait, Eliza se serait résignée silencieusement, il aurait été à elle. Eliza aurait dit que tout allait bien. Elle aurait mentit.
Mais quand Angelica se perd dans ses fantasmes le soir, ce sont les yeux d'Alexander qui lui reviennent en esprit, quand elle se raconte des histoires sur ce qui aurait pu se passer si elle ne l'avait pas jugé si vite. Au moins sa chère Elizabeth est sa femme. Au moins elle garde ses yeux dans sa vie.
Et, aussi vite qu'elle s'était effondrée dans ses souvenirs, elle revint à la réalité.
Elle savait qu'Eliza était heureuse en tant que sa femme. Mais elle savait aussi qu'il ne sera jamais satisfait, qu'elle-même non plus ne sera jamais satisfaite.
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L'Histoire a posé les yeux sur toi
Historical Fiction1776. New-York. Débarqué de l'école de Princeton, le jeune Alexander Hamilton, 19 ans, n'a qu'une seule idée en tête : devenir avocat. Pour atteindre son objectif, il a juste un nom, Aaron Burr. Mais l'ambiance est lourde à New-York, on chuchote qu...