Tandis que ses pas le reconduisaient chez lui, Aaron Burr pensait. Il pensait à son avenir, à se parents, à ce qu'il avait déjà surmonté. Mais surtout, il pensait à elle.
John Laurens avait raison, il avait quelqu'un qui comptait pour lui, quelqu'un qui l'attendait le soir lorsqu'il rentrait tard, quelqu'un qui se réveillait avec lui le matin, quelqu'un à ses côtés.
Sa chère Theodosia.
Theodosia lui écrivait une lettre tous les jours. Aaron réchauffait son lit pendant que son mari était ailleurs. Il était du côté des Britanniques en Géorgie, essayant de garder les colonies alignées. Mais il pouvait bien tout garder de la Géorgie, Theodosia ne lui appartenait plus. C'était l'amour que lui portait Aaron qui était désormais sa seule joie.
L'amour ne fait pas de discrimination entre les pêcheurs et les saints, il prend, il prend, toujours et encore. On continue tout de même d'aimer, on rit, on pleure, on se brise et on fait nos erreurs.
S'il y a une raison pour laquelle il est à ses côtés alors que tant d'autres ont essayés, il est prêt à l'attendre.
Son grand-père était un prêcheur de feu et de braise, mais il y a des choses que les homélies et les hymnes ne lui apprendront jamais. Contrairement à sa mère, une génie, quand elle voyait son mari, le père d'Aaron, lui qui inspirait le respect. Quand ils sont morts ils ne lui ont pas laissé d'instructions, juste un héritage à protéger.
La mort ne fait pas de discrimination entre les pêcheurs et les saints, elle prend, elle prend encore et toujours. Mais on continue malgré tout de vivre, on s'élève, on tombe, on se brise, on refait nos erreurs.
S'il y a une raison pour laquelle il est encore vivant alors que tous ceux qui l'aimaient sont morts, alors il est prêt à l'attendre.
Aaron l'a compris. Il est la seule chose dans sa vie qu'il peut contrôler. Il est inimitable, c'est un original. Il ne reste pas coincé derrière les autres ou en retard. Il ne reste pas debout à rien faire, allongé à attendre.
Mais ses pensées dérivaient vers un autre. Le souvenir de Theodosia s'efface en lui pour laisser place à un visage ferme et robuste, des lèvres d'orateur et un regard déterminé. Alexander Hamilton.
Alexander fait face à une montagne infinie, impossible à surmonter, mais il a des choses à prouver, il n'a rien à perdre. L'allure d'Alexander ne ralentit pas, il ne perd pas de temps.
Qu'est-ce que ça ferait d'être à sa place ?
Mais Hamilton n'hésite pas, il continue tout de même de gagner. Il modifie les règles du jeu, place et contrôle ses pions. Et s'il y a une raison pour laquelle il a l'air de prospérer et de s'épanouir alors que si peu ont survécu, alors Aaron est prêt à attendre de la connaître.
Seul dans une rue de New-York, une chose pourtant impensable, Aaron laissa les larmes couler sur ses joues. Pourquoi Alexander avait eu le droit de réussir ?
Bien sûr Aaron n'était pas à plaindre, mais il manquait quelque chose en lui. Quand il voyait Alexander s'exprimer si aisément et convaincre le monde, il se sentait complet et empli d'énergie. Mais après lui venait le sentiment d'amertume lorsqu'il comprenait que ce n'était pas sa vie.
Il se moquait des torrents sur son visage, des messes basses dans son dos, lui ne voulait qu'être heureux. Et si trouver le bonheur signifiait être le meilleur, alors il n'avait plus qu'un seul objectif, ancré dans son esprit comme un mantra intarissable.
Tous les surpasser.
Ainsi s'achève la nuit, d'un homme qui rêve sans dormir.
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L'Histoire a posé les yeux sur toi
Ficción histórica1776. New-York. Débarqué de l'école de Princeton, le jeune Alexander Hamilton, 19 ans, n'a qu'une seule idée en tête : devenir avocat. Pour atteindre son objectif, il a juste un nom, Aaron Burr. Mais l'ambiance est lourde à New-York, on chuchote qu...