Chapitre 4

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« Louis, elle a dit que j'étais un cochon ! »

« J'ai pas dit que t'étais un cochon, j'ai dit que tu ressemblais à un cochon, » corrigea Daisy avec sa logique classique d'un enfant de huit ans, puis elle tira sa langue et fit plusieurs grognements de cochon droit au visage de sa sœur.

Jouant le rôle du grand frère souffrant depuis longtemps, Louis retint un soupir et dit avec lassitude, « Arrête, Daze, ce n'est pas très gentil, hein ? »

Elle semblait blessée, sa petite bouche rose faisant la moue, ses yeux bleus brillant alors qu'elle lui lança son meilleur regard offensé, comme si elle était la victime de la situation. Louis avait vu le visage implorant de Daisy assez de fois pour qu'il n'ait plus aucun effet sur lui ; à la place, il baissa le regard vers la route et, contrarié, Daisy commença à tirer sur sa manche pour essayer de capter son attention.

« Mais elle a dit que j'étais – »

Ce fut à cet instant qu'il arrêta d'écouter. Quand il avait proposé d'emmener les jumelles au parc pour permettre à sa mère de faire une pause, il avait oublié que lorsque ses deux petites sœurs ne faisaient pas leurs yeux de biches et n'étaient pas adorables, ainsi les étrangers roucouleraient devant elles ou, puisqu'elles étaient si étrangement semblables, se demanderaient si elles pouvaient vraiment lire les pensées de l'autre, elles se disputaient. Oubliez les chiens et chats – c'était chat contre chat, et chacune d'elles donnait aussi bien qu'elle recevait. Louis n'était vraiment pas d'humeur pour ça.

Depuis le fiasco à la friperie, il s'était honnêtement senti assez coupable, comme s'il avait fait quelque chose d'absolument horrible. Il ne semblait pas pouvoir oublier l'air en colère d'Harry lorsqu'il avait quitté la boutique, il ne pouvait s'empêcher de se souvenir qu'il avait lancé des accusations sans aucune provocation et s'était trompé sur toute la ligne, et il ne s'était même pas excusé. Qu'est-ce que le garçon devait penser de lui à présent ?

Pourquoi je me soucie de ça ? se demanda Louis avec un étonnement total. Pourquoi ce que le marginal local pensait de lui l'importait-il ? Etait-il tellement superficiel qu'il ne pouvait pas supporter l'idée que quelqu'un ne l'aime pas ? Toute la communauté adorait Louis ; il était connu pour être amical, responsable, travailleur mais pourtant toujours prêt pour rire, assistant à la messe impérativement, aimant les enfants et faisant n'importe quoi pour pouvoir aider les autres. Il avait perdu le compte du nombre d'amis qu'il avait et de personnes qui lui sauteraient dessus dans la rue pour commencer une conversation comme s'ils se connaissaient depuis des années, même si c'était à peine le cas. Alors pourquoi était-il si préoccupé par un garçon solitaire que tout le monde évitait ? Pourquoi ce que ce garçon pensait de lui importait-il ?

Il avait plusieurs théories (incluant celle où le garçon était beaucoup plus prévenant et amical que la plupart des personnes qu'il connaissait, et il avait aussi une incroyable tendance à se promener à travers les pensées de Louis et à les empoisonner simplement avec son simple sourire, le cliquetis de ses bracelets, le scintillement dans ses yeux...) mais Louis avait trop peur de penser à celle-ci. Il ne voulait pas penser au fait que la courbe blanche et douce de la gorge d'Harry était beaucoup plus attirante que celle de n'importe quelle fille, beaucoup plus tentante pour y déposer des baisers ; ni que la ligne marquée de sa mâchoire avait un angle ridiculement séduisant, et Louis aurait pu y attacher sa bouche sans aucune hésitation ; ni que ses grandes mains agripperaient a taille de la bonne façon pour le faire se sentir en sécurité et lui faire savoir que Harry était définitivement là, le tenant assez fermement pour y laisser des bleus. Et ce mignon petit sourire qu'il voulait en quelque sorte être la cause.

Il avait vu la façon dont les paroissiens de l'église méprisaient Harry, les regards méchants qu'ils lui lançaient, leur méfiance évidente envers lui. Les commentaires qui lui restaient le plus en mémoire étaient ceux de sa propre mère, qui se plaignait souvent du garçon pendant les dîners en famille – ne semblant pas remarquer que Felicite se décomposait visiblement à chaque mention de son prénom, se repliant en retrait sur elle-même comme un escargot dans sa coquille – et neuf fois sur dix, sa sexualité, et non ses vêtements, était la source de son agacement. Si Louis admettait qu'il était attiré par unhomme, et encore plus par celui que toute sa famille détestait, il n'aimait pas penser à la façon dont elle réagirait – mais il ne serait pas surpris si le lendemain il était accueilli par une foule en colère le long de son trajet de la maison à l'université. Elle ne l'autoriserait certainement plus à passer le seuil de leur maison.

Non pas que c'était important, parce qu'il n'était pas attiré par Harry, bien sûr que non ! Harry était un gars bizarre avec des angel bites (ironique, en tenant compte du fait que s'approcher dans un rayon de cent mètres de n'importe quoi en rapport avec l'église lui valait les regards les plus orduriers que la Terre n'ait jamais vu) et tellement de bracelets, et d'eyeliner, et il détestait Louis de toute façon ! Il l'avait pratiquement jeté hors de la boutique, pour l'amour de Dieu – et ouais, peut-être que Louis l'avait mérité, il pouvait l'admettre à présent, mais quand même.

C'était le genre de pensées qui l'avait accablé depuis des jours, et il n'arrivait pas à se concentrer sur quoi que ce soit en ce moment. Encore moins sur ses petites sœurs, qui se bousculaient et se crachaient des insultes soi-disant taboues – cochon, chien, singe, toute une ménagerie d'animaux auxquels elles se comparaient l'une et l'autre – ce qui expliquait pourquoi il lutta pour se sortir de sa rêverie lorsqu'il remarqua que Phoebe n'était plus en train de s'agiter autour de ses jambes pour crier sur sa sœur.

Désorienté, il s'arrêta net et regarda autour de lui, et le soulagement l'envahit lorsqu'il la repéra à quelques mètres seulement, tenant en équilibre sur le bord du trottoir et ayant à la fois l'air d'une rebelle et d'une martyre, ce qui était en quelque sorte un talent. Louis n'avait aucune idée de comment elle réussissait à faire ça. Elle tenait sa tête droite, sa lèvre inférieure ressortait, et il se sentit extrêmement inquiet à cause de sa proximité avec la route.

« Phoebe, viens ici – »

« Je la déteste, » cria-t-elle avec indignation, montrant du doigt sa sœur jumelle semblant légèrement honteuse, « et elle m'a traité et tu n'écoutais même pas, et je vous déteste tous les deux ! Je vais le dire à maman ! »

« Bien, peu importe, comme tu veux, » dit Louis impatiemment, « mais pour l'amour de Dieu, reviens ici, c'est dangereux de jouer sur la route – »

Phoebe cria, « Je ne reste pas avec elle ! » puis elle se retourna et se précipita directement sur la route sans même regarder de chaque côté pour vérifier qu'aucune voiture n'arrivait (ce qui était assurément le cas ; un énorme camion, avec une cabine tellement haute qu'il ne serait pas capable de voir la petite fille blonde, titubant vers elle, alourdi par une sorte d'énorme cargaison).

Le cœur de Louis bondit hors de sa poitrine, et par instinct, il fit une embarrure inutile vers l'avant, attrapant l'air qu'elle venait de quitter comme s'il pouvait agripper l'arrière de son manteau rose fluo, criant dans la panique totale, « PHOEBE ! »

Il attendit le cri aigu et le crissement des freins, il attendit de voir le petit corps de sa sœur disparaître sous le camion, il attendit que son cri soit rejoint par le sien et celui de Daisy alors qu'ils observaient le monstre l'écraser.

Mais juste au moment où il souhaita pouvoir fermer les yeux pour ne pas être obligé de regarder, sortant de nulle part, une main fut tendue et attrapa l'arrière de son manteau par la capuche doublée de fourrure, la tirant en arrière. Ils entendirent à peine le grincement de protestation de Phoebe par-dessus le bruit du klaxon du camion retentissant agressivement en réprimande à la personne qui venait d'apparaître sur la route, basculant la petite fille dans ses bras, exerçant une prise décente sur elle et attendant qu'elle noue ses jambes autour de ses fines hanches. Haussant des épaules au chauffeur irrité en signe d'excuse, il courut en arrière vers l'endroit où se tenait Louis, qui se sentit presque défaillir de soulagement, Daisy s'accrochant à sa main tellement fort qu'il fut surpris de pouvoir toujours la sentir. Il déposa Phoebe sur le trottoir juste devant lui, où elle glissa entre ses jambes, chancelant à cause du choc pendant un moment, puis elle autorisa son regard à vaciller vers le haut pour rencontrer le visage tout autant sous le choc de Louis.

« C'est l'une des tiennes, je crois ? » demanda doucement Harry.

Louis put seulement répondre avec un soupir étouffé, « Phoebe ! »

Elle chancela vers l'avant et enroula ses bras autour de ses jambes, enfouissant son visage dans son ventre, apparemment à court de mots. Il sentit son petit corps vêtu de rose trembler contre lui pendant quelques secondes avec un horrible soubresaut d'horreur, imaginant comment ça aurait été de voir les entrailles de sa petite sœur répandues salement sur la route – puis il se souvint de la raison pour laquelle ce n'était pas le cas. Sa tête se releva brusquement pour regarder Harry, qui se tenait toujours là avec ses mains enfoncées dans les poches de son jeans noir, il regarda prudemment Phoebe comme s'il pensait qu'elle pourrait encore être sur le point de retourner sur la route.

« Ne fais plus jamais ça, d'accord ? » Ses doigts s'enfoncèrent dans son manteau et s'y agrippèrent fermement, Phoebe ne plaignit pas pour une fois ; elle resta accrochée à ses jambes. Louis sentit sa gorge brûler alors qu'il se rendit compte qu'il aurait pu perdre sa petite sœur, et son visage se releva à nouveau brusquement pour regarder Harry. « Tu l'as sauvée. »

Il haussa timidement des épaules et déplaça son poids d'un pied à l'autre, fixant le sol. « Eh bien, j'allais pas vraiment la laisser se faire écraser, hein ? Quelle sorte de personne penses-tu que je suis ? »

« Une bien meilleure que je ne suis, apparemment. » A présent, ce n'était plus seulement sa gorge mais tout son corps qui brûlait de honte pour les choses qu'il avait dites, l'effusion de colère et de misère qu'il avait provoqué lorsqu'il s'en était pris aveuglément à Harry et avait réussi à frapper son point sensible. Presque comme s'ils n'avaient jamais eu cette conversation, le visage de Harry était impassible, mais Louis pensait voir une sensation d'oppression dans ses yeux. « Tu viens de sauver la vie de mon bébé de sœur. Comment pourrais-je te remercier ? »

« Je ne suis pas un bébé, » s'indigna Phoebe, mais ils l'ignorèrent tous les deux.

« J'ai pas besoin de récompense. Mais si tu étais un peu plus ouvert d'esprit dans le futur, ça serait sympa, » dit Harry calmement.

D'accord, donc c'était un coup bas, mais rien de plus que ce qu'il méritait. « Ça marche, » dit Louis, puis il serra la main de Harry parce qu'il voulait lui faire comprendre que ça ne le dérangeait pas particulièrement de lui tenir la main et qu'il était déterminé à en finir avec toute cette histoire. La main de Harry était plus grande que la sienne, pâle et assez chaude, mais pas de façon désagréable, et sa peau était douce. Le pouce de Louis effleura ses jointures et il fut surpris par au combien la sensation était bonne.

Un énorme sourire s'étira sur le visage d'Harry, comme si Louis avait illuminé sa journée avec ce simple geste. « Eh bien, c'est d'accord, alors. Considère que ta dette est remboursée. Et tu n'as même pas eu besoin de me vendre ton âme. » Il haussa ses sourcils de façon taquine.

« Louis ? » Daisy tira sur sa manche avec de grands yeux, fixant Harry la bouche béante. « Qui est-ce ? »

« C'est Harry, » lui dit Louis, « et il vient de sauver la vie de ta sœur, alors tu pourrais peut-être lui dire merci. » Il n'était pas certain que sa sœur ait entendu leur mère dire ces horribles choses sur Harry, et il était presque sûr que si elle disait quelque chose de méchant, il allait lui passer un sérieux savon une fois que Harry serait hors de portée de voix.

Heureusement, elle ne dit rien de ce genre. Avec incertitude, elle fit quelques pas en avant, puis enroula ses bras autour de lui et le serra fermement. Choqué, Harry cligna des yeux, et ses mains se posèrent sur ses épaules avec crainte, comme s'il pensait qu'elle essayait de le blesser et était sur le point de le pousser en arrière – mais alors qu'elle enfouissait son visage dans le tissus noir de son tee-shirt à l'effigie d'un groupe obscure, le visage de Harry s'adoucit et il l'étreignit en retour.

Daisy leva ses yeux vers lui. « Merci d'avoir sauvé Phoebe, » dit-elle solennellement, et Louis se sentit étrangement ému à la vue de sa petite sœur faisant un câlin à un parfait étranger, malgré son apparence que tellement de personnes trouvaient alarmante. C'était vrai que les enfants pouvaient être tellement moins critiques que les adultes si personne ne leur apprenait à être aussi rudes.

A côté de Louis, Phoebe jeta un furtif regard vers Harry, et elle se retourna doucement pour le regarder avec intérêt, ses yeux l'observant de haut en bas. Louis fit une petite prière pour qu'elle imite sa sœur et ne dise rien d'impoli.

« J'aime bien tes tatouages, » dit-elle innocemment. « Celui-ci veut dire quoi ? »

Les yeux de Harry s'illuminèrent comme si c'était son anniversaire et qu'elle venait de lui faire le cadeau dont il avait toujours voulu. « Ça veut dit 'Aime-moi ou déteste-moi, les deux sont en ma faveur... Si tu m'aimes, je serai toujours dans ton cœur... Si tu me détestes, je serai toujours dans ton esprit'. »

Elle cligna des yeux. « C'est triste. Mais je l'aime beaucoup. Et celui-ci ? » Elle tapa l'intérieur de son poignet droit, et Louis vit deux symboles du genre masculin entrelacés avec une étoile à cinq branches autour d'eux, puis en dessous dans une calligraphie soignée, Je ne peux pas changer en anglais. Il fut un peu plus inquiet pour celui-ci – il n'était pas sûr de la façon dont Harry allait leur expliquer sa sexualité, ni la façon dont elles allaient réagir. C'était quelque chose dont leur mère n'avait jamais jugé bon de leur parler.

« C'est pour montrer que les gens tombent amoureux, et personne ne peut rien n'y faire, » dit doucement Harry, « et que quand je tomberai amoureux, je n'écouterai pas ce que les autres disent à mon sujet, parce que ça ne compte pas... je ne peux pas changer qui je suis. Et je n'en ai pas envie. »

Louis espérait vraiment que ses yeux ne brillaient pas aussi vivement qu'il le pensait, parce qu'il n'avait jamais attendu quelque chose d'aussi mélancolique mais de tellement preneur dans toute sa vie, et avec une boule dans sa gorge, il se rendit compte qu'il n'avait simplement fait que regarder Harry Styles et il l'avait jugé sur son apparence – il s'était complètement trompé.

Turning From Praise [Traduction - Larry Stylinson - Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant