Chapitre 10

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Louis quitta la petite boutique d'un quartier pauvre avec un pincement à la lèvre et un sourire illuminant tout son visage, le summum de l'autosatisfaction. Sa bouche était douloureuse, ses yeux étaient toujours un peu humide, et son porte-monnaie était à présent beaucoup plus vide qu'auparavant, mais il décida que ça en valait le coup lorsqu'il passa à côté d'une petite voiture rouge garée au coin de la rue, se regardant dedans et souriant à la vue du petit anneau argenté à sa lèvre inférieure.

Ça lui faisait mal, mais il ne put résister à le taquiner avec sa langue, trouvant quelque chose d'étrangement satisfaisant à propos de l'élancement qui accompagna le mouvement ; c'était bizarrement thérapeutique. C'était sans aucun doute la chose la plus téméraire qu'il n'ait jamais fait dans sa vie, et ses parents allaient devenir complètement fous une fois qu'ils verraient ce qu'il avait fait – il pensait quand même que c'était la meilleure idée qu'il ait eue depuis longtemps. Ils n'aillaient pas aimer ça, mais c'était une protestation, il faisait de la résistance, et ça donnait clairement son point de vue : il était en train de changer, et il n'avait pas peur de le rendre évident.

Il avait envoyé un message à Harry pour lui demander de le retrouver à quelques rues, et il vibrait d'excitation ; la réaction négative de ses parents deviendrait sans importance en comparaison au fait qu'il savait très bien à quel point Harry allait l'aimer. Depuis qu'il avait mentionné l'idée d'avoir un piercing pour la première fois, Harry avait été captivé par ça – traçant du bout du doigt l'endroit de sa bouche où il pensait que ça ferait le mieux, montrant à Louis toutes les barres et anneaux qu'il avait, en achetant même de petits aimantés à Louis pour qu'il les essaie et il le fixait avec sa bouche restant adorablement ouverte lorsqu'il les portait. En fait, plusieurs fois pendant la semaine précédente, Louis avait surpris Harry en train de fixer sa bouche en restant simplement immobile. Ce fut assez amusant quand Harry s'était rendu compte qu'en plein milieu d'une conversation, il s'était arrêté de parler et avait commencé à fixer les lèvres de Louis, quelque chose qui ne loupait jamais de provoquer un rougissement. Mais si Harry restait sans voix à la simple idée de Louis avec un piercing, la question était comment réagirait-il si Louis en avait vraiment un ?

Louis n'était pas sûr de quand exactement les opinions de Harry étaient devenues les seules dont il se souciait réellement, mais il avait l'impression que c'était de loin un état d'esprit plus sain dans lequel être, même si ça voulait dire que son existence commençait à tourner autour de l'autre garçon, peut-être un petit peu plus que ce qui était considéré comme strictement normal.

Il repéra une silhouette habillée en noir à l'autre bout de la rue après avoir marché quelques minutes, et il garda délibérément sa tête baissée et ses mains dans ses poches, lutant contre un énorme sourire. Lorsqu'il autorisa ses yeux à se relever pour vérifier si Harry avait avancé vers lui ou s'il attendait impatiemment, il vit que bien qu'assis sur le mur où ils avaient promis de se rejoindre sans chercher à venir vers lui, Harry rebondissait d'haut en bas d'un air agacé, clairement impatient de le voir. Bon d'accord ; ça faisait un peu plus d'une journée depuis la dernière fois qu'ils s'étaient parlés face à face. Louis avait un match de football à jouer, et Harry était parti à une convention sur la fierté gay à Leeds (Louis roula des yeux à la vue d'un nouveau bandage sur le bras droit nu de Harry ; ce gamin se faisait des tatouages plus vite que la mère de Louis ne récitait les versets de la Bible) alors ils n'avaient pas pu se parler autrement qu'avec un échange de quelques messages rapides et un appel de cinq minutes quand Louis avait téléphoné à Harry pour lui faire savoir comment s'était passé le match de football. C'était cette idée qui fit qu'il se dépêcha à avancer plutôt que son excitation de montrer à Harry la nouveauté à sa bouche ; il avait presque tout oublié à ce sujet au moment où il courut carrément sur les derniers mètres le séparant du garçon sur le mur, il s'arrêta net devant lui et jeta ses bras autour de lui, enfouissant son visage contre le torse vêtu de noir de Harry.

Pendant dix secondes, Harry l'étreignit en retour – puis il le repoussa avec enthousiasme, surprenant tellement Louis qu'il tomba presque en arrière sur la route. L'attrapant habilement par la taille, Harry se mit sur la pointe des pieds et tira la tête de Louis en arrière avec une prise stratégiquement placée dans ses cheveux, un geste qui semblait rude mais qui était à grande peine doux. (Maintenant que Louis y pensait, c'était une représentation fidèle de toute leur relation – Harry semblant tellement terrifiant à l'extérieur mais étant tellement doux et attentionné quand personne ne s'y attendrait) Il respira doucement, tout excité, les yeux écarquillés comme un enfant en train de fixer quelque chose de très spécial, comme si Louis était un papillon sur une fleur qui venait juste d'ouvrir ses ailes, ou la longue trainée d'une étoile filante dans le ciel noir, et son attention fut entièrement dévoué à la bouche toujours douloureuse de Louis. Ayant l'impression que son plus profond désir du moment était d'écraser leurs bouches ensemble, Harry laissa ses doigts planer quelques millimètres au dessus de l'endroit sensible, et Louis ferma ses yeux, immobile. Il faisait confiance à Harry pour ne pas lui faire mal.

« Tu l'as fait, » dit doucement Harry.

Louis acquiesça ; quand il ouvrit ses yeux, lui et Harry étaient nez à nez, et il expira rapidement de surprise.

« J'avais dit que ça t'irait bien. » Après un moment d'hésitation, Harry dit dans un souffle, « Je peux ? » Sa main survolait toujours la bouche de Louis.

En réponse, Louis appuya sa bouche brûlante contre les doigts froids de Harry. Il fut surpris d'y trouver le soulagement qui éclipsa réellement la douleur ; les mains de Harry étaient froides et elles donnaient l'impression d'être de la glace sur sa bouche enflammée. Avec un petit soupir, il autorisa le côté non marqué de sa bouche à se relever en un sourire en coin, qui était ridicule, mais apparemment Harry apprécia, parce que son propre visage s'illumina.

« Tu sais, je serais venu avec toi si tu me l'avais demandé. Tu n'étais pas obligé d'y aller tout seul. »

Louis haussa des épaules. « Je voulais que ce soit une surprise, » dit-il d'une voix sourde.

Après avoir jeté un coup d'œil méfiant par-dessus son épaule, Harry l'embrassa fugitivement sur la joue. « C'en est une belle, » dit-il doucement. Puis il offrit à Louis ce mauvais sourire en coin familier. « Ça doit faire un mal de chien, cependant. »

« Ça fait définitivement mal, » marmonna Louis.

Avec un bruit de sympathie, le garçon habillé de noir tira la tête de Louis sur son épaule et fit courir une main à travers ses cheveux, le caressant comme un petit chaton. En fait, Louis ronronna presque mais mordit automatiquement sa lèvre pour le retenir, puis recula. Exprimant sa désapprobation, Harry posa son autre main sur le dos de Louis, le caressant le long de sa colonne vertébrale tellement légèrement qu'il aurait pu se demander s'il ne l'avait pas imaginé, s'il n'était pas appuyé contre la main de Harry, trouvant que son contact était une distraction bienvenue au sang battant dans sa bouche.

« Pauvre bébé, » murmura Harry, de cette façon qu'il avait de se comporter de façon condescendante mais tellement adorable que Louis n'eut pas assez de courage pour le détester pour ça. « On va devoir prendre soin de ça. »

Eh bien, ça sonnait comme étant à double sens, et si jamais Louis en avait entendu un, il aimait les implications diaboliques derrière cette déclaration, beaucoup plus que ce qu'un pieux chrétien ne le devrait probablement.

« Tu viens chez moi ? Je trouverai de la glace pour ta bouche... et tout... »

Ces jours-ci, il y avait peu d'endroits où Louis préférait être que chez Harry ; en public, ils devaient constamment regarder autour d'eux pour s'assurer qu'aucun regard curieux ne s'attardait sur eux ; quand ils étaient avec Niall, ils devaient faire avec son regard fixe sans défaillance, puisqu'il semblait trouver la dynamique de leur couple fascinante et n'avait peur d'être surpris à en rester bouche bée, et Zayn était beaucoup trop friand du fait de les taquiner avec les euphémismes les plus obscènes dont il était capable, ce qui rendait Louis à l'état d'un chaos rougissant et bégayant, et remplissait Harry d'irritation mais réussissant quand même à le faire éclater de rire en même temps, ce qui était tellement exaspérant. Il n'était pas question qu'ils aillent chez Louis ; autoriser Harry à aller sur le seuil de la porte serait une offense punissable par Dieu sait quoi, dans la mesure où les parents de Louis étaient concernés, et même s'il y avait une chance pour qu'il puisse se faufiler à l'intérieur et avoir environ une heure d'intimité, il y aurait toujours ce sentiment de panique sous-jacente qui rendrait les choses inconfortables, ce doux bourdonnement subconscient en fond qui ferait et si quelqu'un entre ?

Chez Harry, Louis pouvait se moquer de qui entrait – en fait, Anne était plusieurs fois tombée sur eux dans des positions compromettantes ; Louis assis sur le plan de travail de la cuisine avec Harry debout entre ses jambes, une main glissant doucement le long de sa cuisse pendant que l'autre apportait de façon taquine une fraise à sa bouche grande ouverte ; Harry couché sur le dos dans le jardin avec Louis assis sur son torse et lui souriant ; tous les deux léchant de la pâte de gâteau crue de la même cuillère et gloussant sans se soucier du fait qu'ils mélangeaient leurs salives et que leurs langues n'étaient qu'à quelques centimètres de se toucher. Chaque fois avait provoqué un rougissement pour Louis et Harry avait passé une main de façon penaud dans ses cheveux, mais elle roulait toujours seulement ses yeux avec tendresse et n'avait jamais fait un commentaire, autre que « Salut, Louis. »

Louis avait en quelque sorte l'impression qu'il pourrait l'aimer, bien évidemment dans un sens platonique du genre 'c'est la mère de mon petit-ami et elle est sacrément géniale'.

« Ouais, » dit doucement Louis. « Chez toi. »

Ils lièrent leurs doigts – c'était une rue calme, après tout – puis soudainement ils accélèrent le pas pour rejoindre la rue principale, courant à toute allure et rigolant à en perdre haleine en même temps. Gagnant de la vitesse, ils coururent encore et encore, ils donnaient presque l'impression que s'ils allaient encore plus vite, ils pourraient quitter le sol, décoller et s'envoler. Louis aimait assez bien cette idée. À chaque fois que Harry hésitait, il tirait rapidement sur sa main, et quand il semblait que Louis était sur le point de ralentir, c'était Harry qui tirait sur la sienne pour le faire continuer.

Alors qu'ils s'enfuyaient de la petite rue comme s'ils étaient poursuivis par une foule en colère, le cœur de Louis flottait plus à la sensation des doigts de Harry liés aux siens plutôt qu'à cause de l'effort. A chaque fois qu'il pensait qu'il pourrait trébucher, il se rattrapait juste à temps, jusqu'à ce qu'il ait presque l'impression d'être invincible. Ses pieds pilonnaient le sol dans un rythme régulier qui se mariait en une parfaite harmonie avec le son des pas de Harry, et il se demanda si sa lèvre ne s'était pas déjà horriblement infectée, le faisant délirer, parce qu'il pouvait entendre ses pas aussi clairement que le jour mais il n'avait pas l'impression que ses pieds touchaient le sol.

Quand ils atteignirent la rue principale, il était trop tard pour lâcher la main de l'autre et ralentir ; Harry fit une vive pression sur la main de Louis pour lui donner du courage puis le tira vers l'avant, et ils coururent dans toute la rue. Aucun d'eux ne prit la peine de regarder des deux côtés ; même s'il y avaitun trafic permanent, Louis se dit qu'il préférait ne pas être conscient qu'il était sur le point d'être brisé en mille morceaux par une voiture en excès de vitesse ; il préférait juste mourir. Avec ses doigts entrelacés à ceux de Harry et son cœur battant tellement vite qu'il était seulement à quelques centimètre d'éclater à travers sa poitrine, et d'atterrir en une sanglante pagaille glissante sur le sol, avec sa gorge sèche et ses oreilles bourdonnantes à cause du bruit du trafic, de sa propre respiration lourde et du rire de Harry, ils s'élancèrent sur la route ensemble.

Ils coururent droit devant eux sans interruption. Il n'y eut aucun klaxon ; aucun crissement de pneus. En fait, la route resta remarquablement libre alors qu'ils la traversaient tous les deux en courant et atteignirent le trottoir de l'autre côté complètement indemne. Pourtant, alors qu'ils se décalaient pour une halte et lâchèrent la main de l'autre, Louis plié en deux et haletant à cause de l'effort, il ne put s'empêcher de se sentir un peu comme s'il venait de tromper la mort.

« Ouf. » Harry se redressa, passant une main à travers ses cheveux, et dit gaiement, « rien de mieux qu'une course folle à travers une route principale sans regarder avant de traverser pour se réveiller un peu le matin, j'ai raison ou j'ai raison ? »

« Tu veux dire, rien de mieux qu'une course folle à travers une route principale sans regarder avant de travers pour avoir la peur de sa vie. »

« C'est pratiquement la même chose. A chaque fois que je me réveille, ça veut habituellement dire que quelqu'un vient d'ouvrir mes rideaux, alors ma première pensée c'est 'C'est vachement lumineux, suis-je mort dans mon sommeil, est-ce le paradis ?' Donc, me réveiller me fait toujours douter sur si je suis ou non vraiment vivant. »

Louis haussa un sourcil, délibéra pour savoir s'il fallait poursuivre le sujet, puis il secoua sa tête et laissa échapper un soupir. « Je pourrai jurer que t'essaies de me tuer. »

« Et pourquoi je ferais ça ? » demanda innocemment Harry. « Allez, bougeons ton derrière parfait, ou on va vraiment se faire écraser. »

Turning From Praise [Traduction - Larry Stylinson - Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant