Chapitre 14

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La liberté était agréable, et Louis avait pleinement l'intention d'en profiter.

Il avait une assez bonne idée de l'endroit où Harry serait, là où il avait tendance à aller, et ce fut pourquoi il erra dans les rues, les vérifiant toutes à la recherche du coin de l'œil d'un halo de cheveux bouclés ou un visage parsemé de piercings. Ça lui prit une bonne demi-heure avant de décider de vérifier le quartier près de la boutique où il s'était fait percer la lèvre, et il fut presque choqué lorsqu'il trouva finalement ce qu'il était en train de chercher longtemps après avoir abandonné, en se promenant simplement patiemment sans vraiment s'attendre à trouver quoi que ce soit.

Harry était assis sur le muret en regardant d'un air morose son téléphone lorsque Louis tourna au coin, et il dut s'y reprendre à deux fois pour vérifier qu'il voyait bien ce qu'il pensait être en train de voir. Harry avait à nouveau changé. Il s'était fait percer le septum, et quand Louis le regarda un peu mieux, il put voir une teinte distincte de violet foncé sur le dessus de sa touffe de boucles en vrac qui retombait sur son front.

Léchant ses lèvres, Louis s'approcha et quand il attint Harry, il s'assit sur le mur à côté de lui. Il était assez proche pour pouvoir sentir la chaleur du corps de Harry se déverser sur lui, mais sans le toucher ; assez proche pour voir la colère bouillonnante sous la surface, mais pas assez pour qu'elle se déploie sur lui. Harry vibrait d'énergie, et rien de tout ça ne semblait bon. Ils restèrent silencieux pendant un moment, fixant le sol, et Louis n'était pas entièrement certain de quoi dire. En fin de compte, Harry brisa le silence pour lui.

« Attention, » dit-il brutalement. « Ne me touche pas, ou tu vas directement descendre dans les profondeurs de l'enfer... ou c'est la raison pour laquelle t'es là ? Pour me sauver de mes péchés ? Pour me baptiser, me purifier de tout le mal et m'emmener au catéchisme ? »

Louis ferma ses yeux et pencha sa tête en arrière. Il s'était attendu à une réponse violente, mais il s'était approché un peu trop près de la vérité. « C'était méchant, et tu le sais. »

Il y eut un petit silence puis Harry soupira fortement. « Ouais, » acquiesça-t-il. « Je suppose que ça l'était. »

Tirant d'un air maussade sur un fil lâche de son pull, Louis jeta un coup d'œil à Harry et le trouva en train de le regarder depuis en dessous de ses cheveux nouvellement violets. Ils se sourient malgré eux et Louis ne put se résoudre à regarder ailleurs.

« Ils t'ont laissé sortir quand ? » demanda doucement Harry.

« Ce matin. J'allais t'appeler, mais ils ont effacé ton numéro de mon téléphone quand ils me l'ont confisqué. Désolé. »

« Il n'avait pas de code ? »

Louis secoua sa tête. Sa mère n'approuvé pas qu'il ait des mots de passe sur quoi que ce soit. « Nous n'avons aucun secret dans cette maison, merci beaucoup. »

Eh bien, c'était à peu près parti en fumée.

« T'as changé, » commenta-t-il. « Qu'est-ce que t'as fait avec tes cheveux ? » Il tendit prudemment une main, attrapa une mèche des cheveux de Harry entre ses doigts et la leva pour examiner le violet métallique foncé dessus.

Harry haussa des épaules. « J'avais envie. »

« Et le... ça ? » Louis tapota l'anneau au nez de Harry d'une douceur minutieuse puisque c'était un piercing assez récent.

Nouveau haussement d'épaule saccadé, mais les yeux de Harry semblaient un peu moins circonspects et il paraissait s'être déjà adouci. « J'étais en colère. » Puisque Louis sembla confus, il élabora, « Quand certaines personnes sont en colère, elles hurlent sur quelqu'un, ou crient, ou jettent des choses. Quand je suis en colère, je me fais des piercings. Grâce à eux, je peux penser à autre chose. Et si je suis assez en colère contre quelqu'un, je ne l'enlèverai jamais, comme ça je me souviendrai de ne jamais leur pardonner. S'ils méritent d'être pardonner, alors je le retire, le trou se referme et c'est tout. Un nouveau départ. » Ses yeux se posèrent, avec un peu d'inquiétude, sur le visage de Louis.

« Tu m'as manqué, » dit doucement Louis, et ses doigts glissèrent sur le bras de Harry jusqu'à ce que sa main se rabatte sur la sienne.

« Ça fait plus de trois semaines, tu sais. Et je continuais d'attendre. Tous les messages que je t'ai envoyé, tous ceux que je t'ai laissés, ils ont tous été ignorés et ta famille m'envoyait des regards noirs quand ils me voyaient dans la rue. Je n'ai pas eu une seule nouvelle de ta part, et je pensais que tu avais abandonné pour de bon cette fois, et que tu t'en foutais de moi maintenant. Mais je ne pouvais pas renoncer à toi. On pourrait croire qu'après tout ce temps, j'en aurais marre mais je ne peux pas me résoudre à abandonner. Et dans ce cas, on pourrait également croire que ta famille aurait réussi à comprendre qu'ils ne te mènent plus par le bout du nez, mais je ne pense pas, non plus, qu'ils aient déjà renoncé à ça. Hein ? »

Louis resta silencieux, fixant les longs doigts de Harry qui reposaient sur le mur, les siens n'étant même pas assez larges pour les recouvrir. Dans le passé, il aurait protesté à cette dernière affirmation et à la façon dont elle donnait l'air à sa famille d'être manipulatrice, mais il commençait seulement à se rendre compte à quel point manipulatrice était très exactement le bon mot.

Harry cligna des yeux, et Louis fut surpris de voir que, tout d'un coup, ses yeux verts étaient humides et brillants de larmes à peine contenues. « Tu m'as manqué aussi, » dit-il d'une voix sourde, puis il se jeta dans les bras de Louis et ce dernier eut soudainement la chaleur et le poids de son corps appuyés contre lui, son visage enfoui dans son épaule et ses mains agrippant le tissu de son haut.

Murmurant n'importe quoi dans l'oreille de Harry, Louis se détendit, le tirant un peu vers lui, puis quand Harry fut assis assez près pour qu'ils puissent établir un contact visuel, il essuya prudemment ses yeux, essayant de ne pas étaler l'eyeliner soigneusement appliqué. Une petite traînée noire se dégagea de son doigt mais il n'en avait franchement rien à faire. Puis, lorsque Harry se pencha nerveusement en avant et pencha sa tête comme pour l'embrasser, Louis ne jeta pas de regards anxieux autour d'eux ou ne le poussa pas dans un buisson où ils ne pourraient pas être vu – il ferma la distance entre eux aussi rapidement qu'il put, fondant dans le baiser, puis les mains de Harry dans le bas de son dos furent tout ce qu'il l'empêchait de tomber.

Après tout ce temps, le goût métallique des baisers de Harry était toujours douloureusement familier, et bien qu'il avait dans le passé trouvé ça un peu amer et difficile à supporter, c'était étonnant à quel point la chaleur de la bouche de Harry, entrecoupée par le tintement glacial du métal contre ses dents, lui avait manqué. Des papillons s'envolèrent dans son ventre, parce qu'il avait décidé de ne plus se soucierde ce que ses parents disaient, de toutes les histoires avec lesquelles ils le nourrissaient. Parce que quand ils avaient refusé de lui parler, l'avaient enfermé dans le déshonneur et l'avaient accompagné à l'école, pour l'amour de Dieu, en s'assurant de dire à la directrice de maintenir les garçons à l'allure bizarre bien loin des grillages, Louis avait été seul, et Harry avait attendu. Il voulait presque se faire prendre. Son estomac se retourna et les grandes mains de Harry caressèrent de haut en bas son dos, tandis que celles de Louis passèrent à travers ses cheveux nouvellement violets. Le monde était juste un fouillis de boucles soyeuses, de lèvres chaudes et la sensation de tomber dans un lit chaud en une nuit froide, mais l'étreinte de Harry était beaucoup plus accueillante que son lit ne l'avait jamais été.

Ça le rendit un peu étourdi, l'idée qu'un des membres de sa famille ou un ami de sa famille puisse passer dans le coin à ce moment-là, comme il l'avait lui-même fait seulement quelques minutes auparavant, et le surprenne en train d'embrasser désespérément le garçon le plus mutuellement détesté du quartier, avec ses mains courant frénétiquement à travers ses cheveux. Il pouvait simplement imaginer dans quel genre de rage sa mère se mettrait en découvrant ça. L'idée lui donna envie de rire, et Harry sentit ses lèvres se courber dans le baiser et le rompit, s'éloignant un peu de lui. Il examina d'un œil critique Louis, son propre sourire s'élargissant.

« Qu'est-ce qui est drôle ? » demanda-t-il, puis il enfouit son visage dans le cou de Louis, déposant de légers baisers à l'endroit où son cou et son épaule se rejoignaient.

Puisque Louis ne pensait pas qu'il pouvait vraiment expliquer ce qu'il trouvait si amusant, il éclata de rire à cette autre pensée qui s'était coincée dans son esprit dès l'instant où leurs yeux s'étaient rencontrés plus tôt dans la matinée. « Toi ! On dirait un taureau, » bafouilla-t-il.

Harry se joignit à lui, rigolant également. « Je sais. J'ai compris, presque dès que ça a arrêté de faire mal, que je n'avais pas fait le meilleur choix. C'est juste que genre... quand je suis en colère, je le fais, et quand la douleur s'estompe, ainsi que ma colère... quand mon bon sens commence à me revenir, je me rends compte que ça a l'air un peu stupide... je crois que je vais l'enlever de toute façon. Voilà, j'me suis fait percer et prévoyais de le garder comme signe que je n'allais pas te pardonner, mais il n'y a rien à pardonner... je vais le laisse se reboucher. » Il leva une main à son nez.

Louis l'arrête en attrapant sa main avant qu'elle n'atteigne son visage. Il toussa consciemment, puis éclaircit sa gorge et dit un peu timidement. « Je-je peux...je peux le faire ? »

Surpris, Harry dit, « Bien sûr, si tu veux, mais je pensais que t'étais en quelque sorte dégoûté par ce genre de chose ? »

Un petit sourire apparut sur le visage de Louis. « J'me suis fait percer la lèvre, tu te souviens ? J'ai en quelque sorte changé de point de vue sur ces choses. Tiens-toi tranquille... » Se penchant en avant, il détacha prudemment l'anneau en métal et le retira doucement du nez d'Harry. Puis il le posa dans la main ouverte du plus jeune et il replia les doigts de ce dernier pour qu'ils se referment autour.

Leurs yeux se rencontrèrent, et Louis se demanda comment ses parents pouvaient réellement mépriser un garçon avec de tels yeux. Comment quelqu'un pouvait détester Harry tout simplement.

Il se rendit seulement compte qu'il avait dit une partie à haute voix lorsque Harry lui fit un petit sourire triste et toucha la joue de Louis du bout de ses doigts.

« C'était aussi ton cas, tu sais. J'me souviens la première fois que je t'ai parlé, t'avais l'air totalement consterné... j'ai cru que t'allais aller la police. » Il rigola doucement. « C'est pareil pour ta famille... c'est simplement le genre de réaction que j'attends des gens ces derniers temps. »

« Seulement parce qu'ils ne te connaissent pas. »

« Peut-être. »

« J'en ai marre de tout ça, » dit tout d'un coup Louis, et les yeux de Harry vacillèrent de surprise sur son visage. « J'en ai marre d'eux. Marre de cacher tout ça. J'veux leur dire que c'est qui je suis à présent et que j'en ai pas honte. Si ma famille n'aime pas ça, tant pis pour eux. J'en ai marre d'avoir leur avis plantés dans ma bouche. »

Une main fit son chemin jusque dans le bas de son dos, frottant de façon réconfortante ses reins. « A quel point en savent-ils sur toi et moi ? »

« En ce qui les concerne, on est des amis proches, et ils n'aiment pas ça du tout. Je veux changer ça, et ils ne le prendront pas vraiment bien, mais je ne le cacherai pas plus longtemps. »

Harry siffla doucement. « Wow. Ils t'ont gardé enfermé chez toi pendant presque trois semaines pour t'éloigner d'un ami qu'ils n'approuvent pas ? Ils ne doivent vraiment pas m'aimer. » Puis il essaya de sourire, mais il s'avéra être bancal, et Harry sembla extrêmement blessé.

Mordillant sa lèvre, Louis l'attrapa par le poignet et le serra très fort. « Oh, Harry... »

« Hé, je t'ai interrompu, désolé. On ne parle pas de moi. Qu'est-ce que tu disais sur ta famille ? » Harry se focalisa entièrement sur lui à présent, tout la tristesse ayant disparu de ses yeux, et il sembla avoir complètement oublié le monde autour d'eux. Il tint les poignets de Louis et le fixa attentivement, et Louis se sentit un peu impuissant avec Harry le regardant de cette façon.

« Je veux sortir du placard, » dit Louis. « J'en ai marre d'essayer d'être le fils qu'ils veulent que je sois, parce que je ne le serai pas. Je ne l'ai jamais tout à fait été, pourtant j'ai toujours essayé d'être le gamin parfait qu'ils ont toujours voulu, mais ça n'a jamais vraiment fonctionné, pour moi et pour eux, et je les aime, mais je ne peux plus faire semblant. J'en ai plus envie. Et ils ne l'accepteront pas, je le sais, mais ce n'est pas mon problème, c'est le leur. Harry... » il le regarda d'un air suppliant, « tu m'aideras ? »

« Bien sûr, » répondit-il immédiatement, « n'importe quoi. De quoi as-tu besoin ? »

« Je veux me faire tatouer. »

Harry respira fortement. « Oh. » Il baissa le regard et frotta son poignet, ses bracelets glissant plus bas sur son bras, montrant les premiers mots de la citation de Shakespeare y étant tatoué. Avec les toiles d'araignée sur ses coudes et les divers autres tatouages sur son corps, c'était facile de comprendre pourquoi Louis aurait cherché son aide dans ce domaine, mais il n'aimait pas beaucoup l'idée de voir un tatoueur près de la peau douce et légèrement bronzée de Louis. « Louis... t'es sûr que c'est une bonne idée ? Les tatouages ne sont pas comme les piercings ; tu ne peux pas les retirer si tu ne les aimes pas, ce ne sont pas des trous qui se refermeront après quelques semaines. Soit tu es coincé avec pour toujours, soit tu dois faire face au laser de la mort. T'es vraiment sûr d'en vouloir un ? »

« Oui. J'ai réfléchi à beaucoup de choses pendant les dernières semaines, et c'est... c'est définitivement ce que je veux. Le tatouage leur montrera qu'ils ne peuvent plus me contrôler, parce qu'ils ne pourront pas faire en sorte d'effacer un tatouage – et je crois que j'ai besoin de quelque chose pour me souvenir des dernières semaines, pour me souvenir que je dois commencer à être qui je suis, pas qui ils veulent que je sois... Je dois le faire, Harry, et tu l'as fait tellement de fois que j'ai pensé que tu saurais peut-être où je peux aller m'en faire un sans risquer d'avoir une infection ou quoi. S'il te plaît ? »

Résister à ces yeux bleus suppliants serait toujours une tâche difficile, et avec le désir dans les pupilles de Louis, c'était même encore plus dur que d'habitude. Secouant sa tête, Harry sentit ses lèvres former le prénom de Louis alors qu'il l'embrassait au coin de la bouche, ses lèvres errant de plus en plus vers l'avant jusqu'à ce qu'ils s'embrassent convenablement. Une des mains de Harry trouva l'arrière des cheveux de Louis et il commença à enfoncer ses doigts dans leur chaleur épaisse, les caressant jusqu'à la racine. Louis soupira ; c'était une tactique de diversion maline, mais pas assez pour lui.

Quand Harry s'arrêta pour respira, il essaya à nouveau. « S'il te plaît, » souffla Louis contre sa lèvre inférieur.

« Oh, Lou... »

« S'il te plaît... »

« Louis... »

« S'il te plaît ? »

Turning From Praise [Traduction - Larry Stylinson - Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant