Au bord du gouffre

chapitre 20 ✔

Je pus contourner le bar avec aisance en découvrant le corps inerte du cuistot étalé à même le sol. Je fini par entrer dans la cuisine en découvrant un espace assez spacieux mais d'un agencement totalement classique. Elle avait plusieurs fours, frigo et étagères qui correspondaient à l'effectif plus qu'important de l'équipage de l'empereur et ne semblait manquer de rien, pour mon plus grand désavantage.

Pour plus très longtemps ... chuchota malicieusement ma conscience. J'approuvais ses dires en esquissant un sourire mauvais et confirmai cette merveilleuse idée.

- Et si je les aidais un peu à faire le ménage ...

Pour plus d'efficacité, je me dirigeai vers une grande fenêtre que j'ouvris entièrement. Je revins sur mes pas pour m'arrêter devant un frigo et l'ouvrir lui-aussi. Je constatai sans trop de surprise qu'il était plein à craquer.

- J'ai presque des remords à jeter tout ça à la mer ...

J'empoignais les aliments en les observant minutieusement puis haussai des épaules.

- Mais bon j'ai dit presque.

Je fis quelques pas et jetai le tout par-dessus bord.

Je me doutais que cela allait prendre du temps au vu du stock de nourriture et je devais me dépêcher de le faire. Je n'avais pas élaboré ce plan de la manière la plus discrète possible, alors quand le quatrième commandant se réveillera, il fera bien vite le rapprochement avec moi et sa soudaine sieste.

Mais si c'est ma seule chance de quitter ce navire au plus vite, il n'y a pas à tortiller ... On se bouge et puis c'est tout !!

Ainsi, je répétai le même schéma durant plusieurs dizaines de minutes, passant d'étage en étage, puis de frigo en frigo.

A la fin, je refermai la fenêtre en soupirant un grand coup.

- Et bah au moins on peut dire qu'ils ne meurent pas de faim ici. Lâchai-je épuisée en m'adossant au plan de travail où se trouvaient encore de la salade et quelques légumes.

J'avais terminé pour la cuisine mais il était certain qu'ils devaient avoir une réserve au cas où ... J'avais nettement raccourci mon voyage, cela ne faisait aucun doute et chercher leur réserve était perdu d'avance si je n'étais pas accompagnée d'un commandant.

En attendant, que faire ?

Est-ce que par hasard ... rendre malade quelques membres de l'équipage ne serait pas une nouvelle idée complètement lumineuse ? Et si par chance cela tombait sur le médecin de bord ... Cela pourrait les faire accoster encore plus rapidement non ?

En reportant mon attention sur les aliments en disposition, j'en fis l'inventaire en imaginant le plat adéquat : on avait de quoi faire une bonne petite salade empoisonnée qui pourrait passer totalement inaperçue avec une vinaigrette improvisée ...

- Et si je commençais par ce sale piaf de Marco et son autre crétin de pote ? lâchai-je en souriant déjà amusée par le résultat.

J'entrepris donc de d'abords laver les légumes dans l'évier et les éplucher afin de reproduire le travail minutieux d'un cuisinier. En les découpant de différentes formes, je mélangeais les feuilles de salades avec le tout dans un grand saladier. Dans un autre bol à part, je préparai la vinaigrette assez puissante afin que le goût du somnifère soit indétectable.

Ayant terminé de cuisiner, je disposai deux assiettes et leurs couverts en les servant d'une portion salade. Je sortis mon sachet de somnifère et déclarai déterminée :

- Cela sera suffisant pour ces deux-là ...

Je mélangeai le tout avec la vinaigrette et l'étalai avec soin sur l'ensemble des feuilles de laitues parsemés de légumes fraîchement découpés.

- Si un jour on m'avait dit que j'allais cuisiner pour des pirates, cette personne serait déjà six pieds sous terre ...

Je pris une serviette se trouvant sur le plan de travail et un stylo qui se trouvaient là pour y griffonner un petit mot afin que ces deux plats soient servis aux concernés le lendemain midi et le disposai en évidence. Je repartis vers l'évier pour nettoyer mes outils de travail afin de réveiller le moins de soupçons possibles. Il fallait voir le bon côté des choses : si ce plan réussissait, cela me faciliterait largement la tâche.

- Demain pendant leur sieste, j'en profiterai pour finir le travail de la dernière fois dans la chambre du premier commandant, ayant lamentablement échouée à cause de ce crétin de second qui sera bien trop occupé à dormir ... dis-je en souriant narquoisement.

Mais pour l'heure, j'allais me contenter de retourner dans la chambre de Kyoko. En sortant de la cuisine, j'aperçus de nouveau le quatrième commandant allonger parterre ce qui me fit profondément soupirer. En m'approchant de lui, je tentais de le soulever pour le traîner hors de la cafétéria, avec quelques difficultés cependant.

- C'est qu'il est lourd le con.

Je réussis tant bien que mal à le positionner sur la chaise, sa tête reposée sur ses bras contre la table. Finalement, je pris direction de la sortie, non sans croiser un membre d'équipage qui se mit directement sur la défensive, prêt à tout instant de me tuer.

- Ton commandant s'est endormi, tu devrais le ramener dans sa chambre. Déclarai-je le plus indifférente du monde en lui passant devant.

Il me fixa mauvaisement mais finit par hâter le pas pour rentrer dans la cafétéria. J'avais déjà enregistré le trajet qui m'avais mené ici et n'eus aucun mal à le faire dans le sens inverse. En entrant dans la chambre de Kyoko que j'occupais, je vis le cintre déformé sur le bureau qui m'avait été bien utile pour m'échapper. Je l'utilisai de nouveau pour refermer la porte à clé avant de la balancer dans l'armoire et me laisser tomber sur le lit.

Je me trouvais encore dans la pénombre et ma bougie était restée allumée pendant mon absence.

Bientôt, je quitterai ce navire ... Barbe Blanche perdra et toutes les infos collectées seront transmises à mes supérieurs qui se feront une joie de les utiliser à bon escient alors que de mon côté, je serais sûrement montée en grade et pourrais réaliser mon objectif ... Ma vengeance.

Et finalement, je pourrais rejoindre ce monde meilleur où m'attendaient Yuko, Mai et Kyoko ... je serais éternellement heureuse ... Enfin.

- Peut-être que je vais pouvoir réussir à dormir cette nuit tout compte fait. Dis-je en mettant mon bras gauche sur mon front et en fermant les yeux.