Yuki – 7 ans
Mes pupilles restaient accrochées aux délicats pétales aussi blancs que la neige tournée vers le sol. J'avais les mains agrippées aux draps et les yeux scintillants.
Les mots « bonheur » et « espoir » avaient été entièrement rayés de mon vocabulaire, ils n'étaient plus qu'un lointain souvenir, écrabouillés en même temps que la vie de Yuko.
Mon bonheur s'était toujours résumé à un seul objectif : l'espoir de donner une vie meilleure à ma sœur, dépourvue de pauvreté et de misère, avec une véritable maison, de la nourriture en abondance et des éclats de rire insouciants chaque jour ... je voulais lui offrir une vie qu'elle méritait.
Alors oui, mon bonheur était mort, tout comme l'espoir que j'avais placée en elle. Le sens de ma vie avait lui aussi déraillé, m'abandonnant juste dans un monde qui ne voulait pas de moi.
Pourtant, je n'arrivais pas à en finir complètement. Quelque chose au plus profond de moi m'empêchait de croire que tout était fini malgré les preuves accablantes qui se présentaient à moi, et je n'arrivais pas à expliquer quoi.
La porte s'ouvrit brusquement, me coupant dans ma contemplation pour découvrir Mai à l'entrée de la chambre. Elle portait précautionneusement un plateau garni dont elle tentait de garder équilibre tout en refermant la porte derrière elle.
- Je t'ai préparé ton petit-déjeuner. Je ne savais pas ce que tu aimais alors je me suis contenté de quelque chose de simple : une tartine beurre et confiture à la groseille plus un vers de lait. M'indiqua-t-elle après avoir relevé la tête vers moi.
Aucun son ne franchit mes lèvres, seul mon regard était posé sur le plateau avec insistance. La jeune fille s'approcha de moi pour poser son plateau sur la table de chevet et vit quelques instants après mes yeux qui étaient toujours aussi brillants.
- Tu pleures ?! Tu as mal quelque part ? me questionna-t-elle paniquée en passant en revue mon petit corps toujours enveloppé de bandages par endroits.
Mal ? Oh ça oui j'avais mal ... si mal ... Mais j'aurais tant préféré que cette douleur provienne de mon corps, afin qu'elle ait une chance de disparaître un jour ...
- Je ne comprends pas ... j'avais pourtant fait attention de ne pas trop serrer en faisant tes bandages ... Où as-tu mal exactement Yuki ? reprit-elle encore paniquée.
Toute cette agitation qu'elle créait autour de moi ainsi que sa curiosité mal-placée titillaient mes nerfs avec férocité et je ne pus davantage la contenir. Je la poussais violemment loin de moi avant de passer une main sur mes yeux encore humide et lui répondre lentement :
- L'endroit où j'ai mal ne te regarde pas et même si tu le savais, tu ne pourrais l'atteindre alors laisse-moi tranquille et va-t'en. Tu m'ennuies. Lui dit-je sèchement.
Elle semblait plus choquée par mes paroles que mon geste blessant, mais elle se reprit bien vite.
- Bien sûr que si l'endroit où tu as mal me regarde ! Si je ne le sais pas comment pourrais-je te soigner ?! me gronda-t-elle en haussant le ton.
- Tu n'as en aucun cas besoin de me soigner.
- Si je ne te soigne pas cela pourrait s'infecter. M'expliqua-t-elle comme si je ne comprenais rien à ce qu'elle disait.
- Cela pourrait tout aussi bien me tuer ... mais j'en n'aurais rien à faire. Déclarai-je le regard vide.
Le bonheur ... l'espoir ... le sens de ma vie ...
Tout ça c'était du passé, c'était ma vie antérieure. Je n'avais aucune raison de m'accrocher encore plus à la vie. Mais si je mourrais, je pourrais rejoindre Yuko tout là-haut. Je pourrais lui raconter des histoires sans fin, lui chanter des berceuses même si ce n'était pas ce que je préférais ... J'aurais tout le temps d'être heureuse avec ma sœur si je la rejoignais pour de bon.
Soudainement, je sentis un violent choc au niveau de ma joue. Par réflexe, je posai ma main sur celle-ci comme pour y apaiser la douleur. Je vis Mai les larmes aux bords des yeux et la main levée. Elle venait de me gifler et étonnamment elle frappait plutôt fort. Mais cela n'était pas aussi pénible que ce qui me comprimait le cœur.
- Ne dis plus jamais ça ! me hurla-t-elle.
Je détournai les yeux vers son visage déformé par la colère sans comprendre le mal que j'avais dit, c'est à dire rien d'autre que la vérité ... Si ce mal au cœur venait à me tuer, je n'aurais rien à faire d'autre qu'accueillir la mort à bras ouverts.
- Personne ne devrait se laisser mourir !! Tout le monde a le droit de vivre !!
Je ne répondis rien et continuai de l'observer en sentant peu à peu la douleur sur ma joue disparaître.
- Alors ne dis plus jamais ça ... Tu m'entends ?! insista-t-elle avec un ton qui se voulait plus doux.
Une larme avait de nouveau surgi au coin de son œil gauche sans que j'en comprenne la raison. Pourquoi pleurait-elle ?
Elle se mit face à moi avant de me serrer dans ses bras comme la nuit dernière. Cette fois, je ne la repoussai pas et me laissai faire en silence.
- Promets moi quelque chose Yuki. Chuchota-t-elle à mon oreille, promets-moi de ne jamais tenter de te tuer ni même de penser à mourir ...
Ses larmes coulaient toujours alors que je laissai mes bras ballants, le long de mon corps et les yeux fixés sur le vase de perce-neige qui se trouvait en face de moi.
« Chaque fleur a une signification. Ma préférée est le perce-neige car il signifie l'espoir. Et il existe toujours de l'espoir ... même pour toi gamine. »
- Promets le moi s'il te plaît. Répéta-t-elle en attendant que je me décide à parler.
A leurs yeux, ces fleurs devaient vraiment être magnifiques avec ce blanc si pur et cette forme délicate ... Mais de mon côté, je les voyais desséchées et teintées d'un jaune sale qui colorait les pétales devenus rêches et froissés.
Si le perce-neige signifiait l'espoir lorsqu'il était lumineux et élégant, quand était-il lorsqu'il avait fané ? Le désespoir ? La souffrance ?
Mai se redressa, comprenant que je n'étais pas décidée à dire quoique ce soit et finit par me lâcher avec un regard triste.
- Je serais toujours là si tu as besoin de parler.
Ses yeux se baissèrent vers le sol, semblant en pleine réflexion puis elle releva la tête avec une expression plus déterminée que jamais et me lança avec un petit sourire aux lèvres.
- N'oublie pas de manger !
Puis elle repartit vers la porte pour me laisser seule, moi et mon repas.
Comment aurais-je pu promettre quelque chose d'aussi stupide alors que je méritais simplement de mourir ...
- Non tu ne mérites pas de mourir ... Tu aurais déjà dû mourir depuis longtemps. Me dit une voix que je reconnaîtrais entre mille.
- Yuko ?
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Au bord du gouffre
FanficElle s'appelle Minami D Yuki. Commandante de la Marine reconnue pour ses exploits maritimes et un caractère aussi froid que menaçant, cette femme a tout bonnement horreur des criminels. Par un passé difficile qu'elle traîne encore aujourd'hui, elle...