10. L'accord

41 9 7
                                    

Je suis assis sur le lit, les jambes dans le vide et le regard scrutant mes mains. Je médite sur ce sacré moment ou dans la précipitation nous sommes passés par cette fenêtre sans penser une seconde au verre restant. Mais dans le fond je n'en tire que du positif ; une leçon sur le genre de détail auxquels on ne pense pas encore, plus tard on tachera de penser à tout. Il est vrai que c'est étrange de débarquer ici, c'est comme un retour à l'état sauvage, nous deviendrons de simples animaux, chassant nos congénères et mangeant des fruits moins sauvages que nous.
  Je détends mes doigts et admire mon bandage. Je ne m'en plains pas, finalement nous avons de la chance dans cette génération, notre corps est devenue robuste et cicatrice plus vite. Les Hommes de l'ancienne période se rétablissaient si lentement. Les armes chimiques et les diverses évolutions nous ont endurcit. D'ici deux jours, mes éraflures peu profondes seront totalement partit.
   Depuis le départ de Taehyung, je tends l'oreille, à l'affût du moindre bruit. Je voudrais qu'il revienne. Mais voilà une heure que j'attends. Je me lève, et me dirige vers la porte. Le couloir longiligne qui s'étend en perpendiculaire de moi semble m'aspirer, et sans réellement diriger mes mouvements, je me retrouve dans la cuisine. Les tiroirs de cette dernières sont pour la plupart ouverts et vides. Je me dirige vers la fenêtre et regarde à l'extérieur. Dans un bosquet, j'aperçois la biche étendue par terre. Les branches bougent avec grâce, balancé non pas par le vent, mais par une silhouette élancée. Je me dirige alors par la fenêtre d'entrée et, en prêtant attention aux verre, enjambe l'encadrement, posant sans délicatesse mes pieds au sol.

  Il me fait face, un couteau sanglant en main.
- Tu la dépèces ?
- Non, je lui raccourcie le poil.
Je perçois une touche d'humour dans sa voix, faisant battre mon coeur à l'idée qu'il ne sera pas bougon plus longtemps.
- Tu as appris ça avec ton père ?
Il hoche la tête tout en plantant l'arme.
- C'est pratique finalement, parce que si on avait compté sur moi, on aurait mangé les poils.
Il se retourne en s'asseyant lourdement, laissant apparaître à la lumière le sang sur ses vêtements.
- J'ai fini.
Je m'approche, surplombant le cadavre, satisfait de son travail.
- Assis toi, tu seras plus à l'aise.
Je m'exécute sentant son regard sur moi.
- J'ai beaucoup réfléchi. Tu sais quand tu m'as demandé si nous avions déjà été surpris mon père et moi durant une chasse. Je t'avais répondu oui. L'histoire ne s'arrête pas là. En réalité, pour nous punir, ils nous ont handicapé. Nous chassions principalement à l'arc, les pièges étaient trop voyant. Alors ils ont proclamés leur satané discours "Ce qui est à la Nature est à l'État, ce qui est à l'État n'est pas à vous. Vous avez pour ordre de donner à l'état, en échange de quoi vous vivrez. Voler l'État est un acte de blasphème et de trahison." Après quoi ils nous ont ordonnés de nous mettre à genoux, et déclaraient qu'ils étaient clément ce jour là. Ils coupèrent la main droite de mon père, sachant qu'il ne pourrait plus chasser, ni faire grand chose d'autre. Sachant pertinemment que sa famille allait en payer le prix. J'ai eu la chance d'être épargné. Je suppose que s'ils n'avaient pas été de bonne humeur, je serais mort.
Je garde silence.
- Et toi Jimin ? Ont ils découverts vos plantations illégales ?
Voilà un sujet dont je n'aime pas parler.
- Je ne vois pas à quoi ça nous avancera.
- J'ai besoin de ces informations, ils faut que je résolve le problème, le pourquoi.
Je me lève irrité.
- Écoute Taehyung, je suis sincèrement désolé pour ce qu'il t'est arrivé à toi et ton père. Je n'ose pas imaginer les périodes de famines que vous avez du affronter avec ta famille. Mais la on y est. On y est et on est bloqué. Alors même si on comprenait, même si on découvrait que c'est une deuxième punition qu'ils nous affligent, on y restera et on mourra.
Il se lève à son tour et se poste face à moi, un regard empli de compassion, en totale contradiction avec le décor meurtrier à nos pieds.
- Je suis désolé, je ne voulais pas te piquer. Mais je sais qu'au fond de toi tu as envie de savoir. Que mourir dans l'ignorance te terrorise davantage que la mort elle même. N'est-il pas préférable de mourir en se connaissant au minimum. Je suis là pour t'aider, je ne vais pas juger tes actes révolus. Je sais que tu n'en as jamais parlé à qui que ce soit, mais pour guérir de ses blessures ont a besoin de quelqu'un. Et je suis là.
- Je sais pertinemment que tu agis dans ton intérêt actuellement. Je n'oublies pas que tu viens du milieu stratège et que tu as besoin de moi pour résoudre l'énigme.
- Alors tu penses que je t'utilise ?
- Qui de sain n'utiliserait pas son prochain dans ces conditions ? Absolument personne. Moi même je me sers de toi, regarde à tes pieds, la biche que tu as préparé. Nous utilisons les talents et compétences de l'autre et devons parfois tirer sur la corde sensible. Mais le principal est notre survie.
- On à tellement de temps face à nous, pour survire et nous découvrir.
- Mais a quoi bon découvrir un être qui a peu de chance de survie ?
- Tu es si pessimiste...
Mes yeux fixent la biche avec fureur, redoutant de croiser son regard.
- Tu rejettes déjà ton humanité, tu te dois de vivre ta vie jusqu'au bout avec les émotions et les attaches humaines.
Je m'écarte et me saisis du couteau qui repose au sol.
- Nous devrions préparer le dîner plutôt que de perdre notre temps.

 ☪︎ L'enfant de la Lune ‌‌‌‌ ᵛᴹᴵᴺ ☪︎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant