20. Inébriant

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Voilà plusieurs jours que nous campons dans notre grotte sans réellement trop en sortir. Nous avons exploré les environs et stocké du bois pour le feu, de l'eau purifiée grâce à mon matériel, ainsi que du petit gibier chassé. Nous n'avons croisé personne depuis l'épisode de la rivière. Nous avons entendu les premiers coups de feu un soir, trois. Ils semblaient être loin. Après, tout été redevenu silencieux.
Ma coupure à la main ne me fait plus mal, je cicatrice vite. Nous avons réussi à nous reposer suffisamment, et grâce à la grotte, à éviter des trombes d'eau. Aujourd'hui, c'est le grand jour. Nous avons planifié de nous rendre en ville, après la lecture du journal du candidat, nous avons appris qu'il avait entreposé avec son coéquipier quelques armes et du matériel qui pourrait nous être utile. Nous avions placé un repère à l'entrée de la grotte qui nous permettra de savoir si quelque chose ou quelqu'un y est rentré.

Au petit matin, notre sac sur le dos, nos armes à portée de main, nous traversons le bois sous un pas silencieux, et un regard aguerri. Les toits des immeubles commencent à pointer leur nez, dévoilant peu à peu les routes et vieilles maisons. Nous tâchons de suivre la carte à travers les rues, enjambant les décombres divers. Nous pénétrons dans un lotissement de maison toutes identiques, un dédale de routes similaires.  
- Jimin, regarde.

Taehyung me montre la carte de son doigt, pointant un symbole sur cette zone résidentielle. Dessiné maladroitement, un triangle contenant un point d'exclamation indique un danger. 

- A ton avis, c'est quoi le danger ? Un gang de réfugié de son temps ? Des animaux ? Des pièges ?
J'observe les alentours, et hausse les épaules tout en répondant.

-  Restons sur nos gardes, on va se contenter de marcher au milieu des rues...

Il hoche la tête, nous reprenons notre marche, côte à côte. Les maison qui nous entourent sont délabrées, les vitres ne sont plus présentes, leurs murs jaunis par le temps et les intempéries, vestiges d'un ancien temps. Je me demande comment sont mort les gens de cette ville, comment sa destructions s'est faite. Progressivement ou abruptement, y'a-t-il eu des survivants... Les rayons de soleil traversant les rares nuages jouent parmi les décombres. Le silence ambiant laisse filtrer quelques chant d'oiseau, une légère brise caresse nos corps. Taehyung s'arrête avec un grand sourire :

- Eh, je crois qu'on ira bien plus vite avec ça.

Son doigt pointe le garage ouvert d'une maison, ou gisent deux vélos partiellement couvert d'une bâche. Leur couleur est presque entièrement souillé par la rouille et leurs pneus sont dégonflés, mais après avoir fouillé nous trouvons une pompe. Pendant que Taehyung vérifie les freins et autres, je gonfle les pneus. 

- Je pense qu'avec ça on y arrivera en moins d'une heure. Tiens, ça nous évitera de nous arrêter à nouveau. 

Je lui tends une gourde, qu'il attrape en souriant. Nous montons en selle, pédalant en zigzag entre les débris. Les coeurs allégés par cette découverte, la discussion se fait jovial, nos voix résonnant timidement dans les rues. La résidence semble interminable, nous nous arrêtons plusieurs fois, pensant tourner en rond. Nous tombons sur une bâtisse éboulée au milieu de la rue, que nous ne pouvons pas traverser avec nos vélos. Plus nous avançons au coeur du lotissement, plus les routes barrées sont fréquentes. Tandis que nous faisions une pause à côté d'une impasse de ruines, Taehyung dépose son vélo et se dirige vers une maison surélevée. Pour y accéder, une dizaine de marche longe la paroi de la maison et à gauche de l'escalier, sans rampe, le jardin en contrebas. 

- Qu'est-ce que tu fais ?

- J'ai vu un truc, je vais vérifier, attends deux secondes . 

Le reflet du soleil sur un objet métallique en mouvement attire également mon attention. Je dépose mon vélo, rangeant les emballages de nos casse croûtes. À ma droite une petite forme traverse furtivement le jardin d'une maison ravagée par le temps. Alors que mon regard se pose sur la chose, elle s'immobilise me fixant à son tour. Un gros chat. Si gros et haut que "chat" ne semble plus être le bon mot pour le définir. Je m'accroupis en tendant la main, accueilli par un regard supérieur de la part de la bête. Je tourne la tête vers Taehyung et l'observe se frayer un chemin sur les marches étrangement bien propres. C'est bien les seuls que je vois sans détritus ou morceaux de bâtisse.

- Taehyung attend. 

Il s'immobilise, se retournant pour me regarder.

- Je le sens pas, y'a quelque chose de louche. Les marches sont propres... 

- T'inquiète, si y'a quelqu'un j'ai mon arme. 

Il sourit, me montrant son revolver. Son pied vient se poser sur la marches suivante, son regard déviant sur la fenêtre à sa droite qui apparaît au fur et à mesure de son ascension. Arrivé au milieu des marches, il me fait signe que la maison semble inoccupée. Avec précaution, il grimpe encore une marche. Un léger clic retentit. Il s'immobilise. Je reconnais ce bruit...

- DESCENDS ! VITE !

Avec une rapidité semblant infiniment lente, il dégringole les marches, toute prudence oubliée. Je continue de lui crier de se dépêcher, le visage crispé dans une expression de frayeur intense, il saute les dernières marches, trébuchant à l'atterrissage. 

- GROUILLE ! 

Il se relève instantanément, court dans l'espace temps ralenti par nos peurs. Un second clic retenti, perforant nos corps avant même qu'une explosion se produise, précédée d'un bruit sourd et d'un flash de lumière intense. Le sol tremble, la bourrasque de la déflagration me percute de plein fouet. Je tombe au sol, ma tête cognant l'asphalte de béton brutalement. Mes oreilles vibrent, tandis que la poussière obstrue ma vision. Je me relève péniblement.

- Taehyung ! 

Je cours à l'aveuglette dans la fumée de l'explosion. 

- Taehyung ! 

Je tâtonne, ne sentant que des fragments de la maison. Je l'appelle en vain, toussant. À quatre patte, je cherche désespérément son corps. Chaque épaves qui j'attrape semble m'éloigner de lui. Le brouillard se dissipe, avec une lenteur arrogante. La rue m'apparait jonchée des restes de la bâtisse, de cette dernière il ne reste que le mur opposé aux marches. Je sonde du regard le sol, me relevant. Je tourne sur moi même, inquiet à l'idée de le savoir sous les décombres. 

- Jimin...

Un grognement inaudible est susurré dans mon dos. Il gît dans les décombres, assis péniblement, se frottant la tête. Il est blanc de poussière. J'accours vers lui.

- Taehyung ! Ça va ?

Il grimace, étirant son dos. Il hoche la tête et me tend la main. Je l'aide doucement à se relever, il gémit légèrement.

- Et toi ? Grommelle-t-il. 

Je hoche la tête promptement, peu rassuré par son allure. 

- Rien de cassé ? 

Il tâte son corps, bouge ses membres sous différents angles, et fini par hocher négativement la tête. Devant mon regard inquisiteur, sa voix tente nonchalamment de quitter sa torpeur.

- J'ai réussi à utiliser l'onde de choc pour me propulser, même si j'en ai reçu pas mal, j'ai réussi à évité le gros des projections... Bordel... qu'est-ce que c'était que ça...

- On verra ça plus tard, le bruit de l'explosion va surement en attirer. Tu te sens capable de pédaler ? 

Il hoche la tête en souriant railleusement. Nous remontons sur nos vélos, et filons sans nous retourner. Cette fois ci, chaque parcelle nous était crainte, nos rires se sont tus. 


 ☪︎ L'enfant de la Lune ‌‌‌‌ ᵛᴹᴵᴺ ☪︎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant