2. Midi

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Je me suis finalement assis dans un coin de la pièce, le froid du sol traversant le tissu de mon pantalon. J'ai cessé de penser. Je ne cherche pas non plus de solutions pour m'évader, ou tenter de trouver des arguments pour négocier ma libération. 
Le bruit d'une clef brise le silence. La porte s'enclenche, je relève la tête lentement. Une silhouette d'homme s'est dessinée, une carrure musclée dans un uniforme stricte.
- Park Jimin. Veuillez me suivre s'il vous plaît.
Ses yeux plongés dans les miens, il soutient mon regard. Je fronce les sourcils, je ne veux pas quitter la cellule. Lentement je me relève, mobilisant mes muscles encore engourdis par mon immobilité . Je me dirige vers la porte et découvre derrière le membre de l'État, deux gardes armés. Je passe le pas et la porte se ferme automatiquement derrière moi, les deux agents m'entourent. Nous suivons, d'une cadence rapide, l'uniforme aux mauvais présages.

Après avoir traversé une multitude de couloirs identiques en tous points, ils me font rentrer dans une salle grande à plafond haut. Les murs aux tons clairs créent un contraste avec le parquet ébène. Ils m'assoient sur une chaise face au large bureau de bois et quittent la pièce sans un mot. Malgré une folle envie qui me démange, je reste assis, gardant un semblant de patience. Le bureau est dépourvu de dossiers, de paperasse ou de stylos. Sur son côté droit prône un ordinateur haut de gamme, les murs sont dépourvus d'ornements. J'ai l'impression de devenir un objet décoratif, tant le vide est présent. J'attends encore et encore, je ne suis pas une priorité et ça devient irritant.

Soudainement, la porte dans mon dos s'ouvre sur un homme d'une cinquantaine d'années. Il avance rapidement, ses jambes se mouvant avec raideur. L'homme en uniforme s'installe derrière le bureau, il ne parle pas mais est bruyant de par sa forte respiration. Il pose ses yeux dans les miens et me fixe intensément. Il serait mensonge d'annoncer que je n'ai pas peur.
- Park Jimin, premier du nom. Bienvenu au centre de recherche de l'État.
Et c'est donc le lendemain de mon arrivé que l'on me souhaite la bienvenue et que l'on m'annonce le lieu dans lequel je suis. La colère monte à nouveau en moi, j'appréhende le discours de cet homme.
- Vous êtes ici afin de contribuer à une expérience. Vous allez participer à un grand jeu, divertir les Kujîs. Nous avons réquisitionné votre personne sans perdre de temps. Les instructions vous seront données et vous passerez une batterie de test.
Avant que je ne puisse poser une des milles questions qui me démangent, l'homme se lève, visiblement impatient de quitter son bureau. Il s'en va, laissant passer une femme en blouse blanche, une mallette en main, qui s'assoit à son tour sur la chaise du bureau.
- Bonjour. Je vais vous poser une série de questions. Veuillez, je vous pries, y répondre en tout honnêteté. Une seule mauvaise réponse peut fausser les résultats, et si ce dernier n'est pas fiable, vous ne passerez pas le test, et ne quitterez pas le bâtiment.
J'hoche la tête et serre les poings. La même question flotte en mon esprit ; qu'est-ce que j'ai fait pour arriver là ? Elle ouvre sa mallette et sort des électrodes qu'elle vient positionner sur mes tempes et pectoraux. De sa poche, elle sort un petit appareil rectangulaire qu'elle vient poser sur le bureau, que j'identifie comme étant un enregistreur.
- Nous allons débuter.
Son impassibilité me déconcerte indéniablement.
- Park Jimin, quel âge avez vous ?
Elle débute par de simples questions, alors qu'elle pourrait aisément avoir ces renseignements sans mon aide, je considère cela comme une perte de temps, j'ose espérer que ça ne va pas durer trop longtemps.
- 17 ans.
- Êtes vous toujours scolarisé ? Si oui en quel ornement ?
- Ornement biologie et agronomie.
- Dans quelle region du district vivez vous ?
- Je réside dans l'Ohina, proche du district Maqh.
- Pourriez vous me résumer la situation du monde, en centrant d'avantage sur notre pays ?
J'inspire profondément, intérieurement une voix me supplie de bien choisir mes mots, pensant que plus je montrerais mon intelligence, plus j'aurais de chance de m'en sortir. 
- Il y a maintenant cinquante six ans, la Terre vient à manquer de ressources, une grande part de l'humanité allait mourir. Les pénuries alimentaires, d'essence et d'espace éclatèrent provoquant des guerres civils partout sur Terre. Les alliances entre pays se disloquèrent, la loi du plus fort régnait. Mais ce fut de courte durée, plus aucun pays ne parvenait à garder la tête hors de l'eau. De plus la montée des eaux suite au réchauffement climatique eu des répercussions effroyables sur les zones côtières du globe. En l'espace d'un an, la moitié de la population avait été décimée. Cette situation mondiale dura pendant deux ans. On la prénomme le siècle Anodin. Notre pays instaura des règles strictes qui permirent la reconstruction plus ou moins rapides de nos villes, villages et modes de vie. Pour favoriser le développement stable du pays, il fut divisé en Sept districts, composé de plusieurs régions. Ce sont comme de petits pays liés mais indépendants.
Elle regarde l'enregistreur, puis vient poser ses pupilles dans mes iris, je ne flanche pas et maintient son regard.
- Pensez vous, suite à cela, que l'Homme n'est plus apte à se divertir ?
D'une rapidité hors norme, je pèse le pour et le contre, cherchant désespérément la réponse qu'elle attend. Je la fixe, à la recherche d'une expression ou autre pouvant m'aider. Mais elle reste figée, totalement neutre, comme un robot.
- Je pense que...
J'inspire profondément.
- Je pense que l'Homme est toujours capable de se divertir. Le siècle Anodin a modifié la Terre, les modes de vies. Mais il n'a en aucun cas changé l'humain. Certes, il ne peut plus réellement rire de tout, il sera sûrement plus susceptible. L'évolution est en lien, mais le rire n'est nullement éradiqué de l'humanité.
- Riez vous, Park Jimin ?
- Je ris souvent.
- Vous n'avez pas été touché directement par le siècle Anodin, vous vous permettez de juger quelques chose qui ne vous touche pas ?
- Vous également. Vous remettez en cause des événements ou des changements que vous prétendez en lien avec ce siècle.
Elle ne sourcille pas, ma pression artérielle est beaucoup trop élevée.
- Sachez monsieur Park, que les classes riches ne rient plus. La science explique ceci par le siècle Anodin. La logique est implacable.
Ses yeux lancent des éclairs, je reste silencieux.
- Monsieur Park. L'humanité ne rira plus. Imaginez vous un monde sans rire ?
- Non.
- Alors vous cautionnez le rôle que vous allez jouer, afin de rétablir la situation ?
Je sais pertinemment que la réponse qu'elle attend est un oui. Mais ce n'est pas ce que je veux prononcer, je ne veux pas m'aventurer dans de tels magouilles. Et puis, ce questionnaire doit être effectué en toute honnêteté.
- Non.
Elle sourit, d'un sourire narquois, mesquin.
- Voulez vous mourir Monsieur Park ?
- Non.
- Je vous offre la possibilité de vivre, et surtout de sauver une facette de l'Homme. Cautionnez vous le rôle que l'on vous offre ?
A cet instant, je pense à mes parents, à mes proches, à moi. 
- ... Oui.
Elle sourit à nouveau, avec gentillesse et compassion. Il suffisait de la brosser dans le sens du poil.
- Savez-vous vous servir d'une arme monsieur Park ?


 ☪︎ L'enfant de la Lune ‌‌‌‌ ᵛᴹᴵᴺ ☪︎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant