❃ UN ❃

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« Un... deux... et trois ... ! Tu attends mon signal, t'y vas pas au bout de deux, ok ? » j'hoche la tête non pas par pression mais par fatigue. J'ai l'impression que ces répéts sont interminables. Les week-end c'est peut-être même le pire. Je déteste mon job alors que j'ai toujours rêvé de chanter. Mais pas dans ces conditions. Pas quand on te considère comme un divertissement sans valeur. On te paye, tu chantes et tu pars.

J'ai toujours aimé chanter, c'est ce qui m'a tenu en haleine toute ma vie. Même après la mort de mes parents et de mon fiancé. Je dirais même que c'est probablement ce qui m'a tenu en vie. Mais lorsque la passion devient profession ça fonctionne pas pour tout le monde. Surtout quand t'es destinée à chanter dans des bars miteux pour des bourges qui profitent de la vue en glissant des pourboires dans l'but que tu t'allonges.

« Il est relou aujourd'hui... j'sais pas ce qu'il a ! » mon collègue s'étire en se plaçant devant moi. Je comprends sa peine. Merde, j'le comprend vraiment.

« J'ai entendu Céline ce matin, y'a un vieux crouton de l'Elysée qui va s'pointer. » que je lui annonce entre deux coups d'œil vers l'organisateur.

« Il est connu ? »

« J'sais pas, en tout cas il a de l'oseille et ça les excite un peu trop. » je l'entends pouffer de rire à ma réflexion et on termine les répétitions sous l'impatience du propriétaire.

J'aurais préféré chanter dans d'autres circonstances, mais au vu des dettes que j'ai sur le dos j'ai pas tant le choix. Ce soir, on chante un grand morceau de Mylène Farmer, rien qui ne m'émoustille à vrai dire. On est dans le cliché de la rebeu qui chante un grand morceau de la variété française pour gagner des sous et occasionnellement percer. Je m'en fiche un peu de la musique, de suite ce dont j'ai besoin c'est manger et dormir pendant soixante-douze heures.

Aujourd'hui encore, j'ai chanté sous les regards tendancieux de la haute société parisienne. Ils viennent dans le sud pour faire leurs affaires à l'ombre des regards. Aujourd'hui encore on m'a proposé de coucher pour un billet. Et aujourd'hui encore j'ai refusé pour ma dignité. Si on m'avait un jour dit, que je terminerai ma vie à chanter pour divertir ceux qui s'en mettent plein les poches j'aurais préféré rejoindre mes parents le plus tôt possible. Mais c'est lâche et je ne le suis pas.

*

Je ne me souviens pas avoir laissé les volets ouverts hier soir en allant me coucher et pourtant, je me force à rester endormie mais rien n'y fait ces rayons de soleil me brulent la peau. Mes yeux s'ouvrent et j'aperçois un dos nu massif endormi qui se soulève à chaque inspiration. Putain de merde ... où suis-je... je n'ai ramené personne hier soir encore moins un homme. Je regarde sous la couverture et mon corps est complètement nu. Attendez... depuis quand j'ai un tatouage vers le bas du ventre. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire hier soir. Je sors la tête de ma couette et mes yeux encore collants inspectent l'endroit étranger. Ne me dites pas que ce mec m'a emmené chez lui pour que l'on ... Quoi ?! Je saute hors du lit lorsque j'entends un portable vibrer.

... : « Eteints ta merde... » que j'entends.

Sa voix grave me fait sursauter et je ne fais pas même attention à son manque de politesse flagrant que j'aurais souligné en règle général. Je l'entends soupirer et j'en profite pour ramasser un haut noir qui jonche le sol pour l'enfiler. Je sors de la pièce et lorsque j'entre dans la salle de bain je crois faire un malaise. Mon reflet m'est inconnu, ce corps m'est inconnu, ces cheveux me sont inconnus, ces yeux ... mon dieu.

ASTRES (PNL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant