La marche des chaînes.

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Je n'ai pas dormi de la nuit. Le discours de mon père au sujet de ma mère m'a fait beaucoup réfléchir. Les gardes viennent me chercher. Ils me prennent violement les bras et m'emmènent dans les caves pour pouvoir me préparer. Je passe devant beaucoup de futurs spectateurs de ma souffrance qui avant avaient peur dès que je bougeais le petit doigt et qui maintenant me rigolent au nez. Je me retrouve dans une cave humide où on me pose une énorme croix que l'on attache avec des chaînes. Je hurle de douleur quand la sainte croix me touche le dos. La brûlure est tellement intense que je manque de tomber. Après avoir fini de m'installer toutes les chaînes ils me tirent âprement vers la sortie. Je tombe et me cogne plusieurs fois. La croix sur mon dos et lourde et me brûle un peu plus à chaque pas que je fais. La marche jusqu'aux grandes portes m'a semblée interminable. Mon père et Emalie m'attendent sur le parvis devant le château, devant mon château. Mon père et Emalie portent leurs couronnes, mes couronnes. Les sujets applaudissent ma souffrance future mais bientôt ils applaudiront ma renaissance. Mon père se fait un plaisir de tirer sur mes chaînes.

« Aujourd'hui est un jour spécial, dit-il. Ma fille se fait punir pour trahison et pour avoir attenté à la vie de votre futur souverain. Un crime est un crime et il ne peut rester impuni. Le conseil a donc décidé que la marche des chaînes et le bannissement seraient suffisant, malgré ça j'ai décidé de rajouter une punition. »

Je ne comprends plus rien. Mon père me regarde heureux du pouvoir qu'il a sur moi. La foule commence à s'élever. Personne ne remet en cause le choix du conseil. Les conseillers se fraient un passage dans la foule et se postent devant mon père. Ils font une révérence. Mon père les regarde songeurs, lève sa main et la tête des conseillers s'arrachent brusquement de leurs corps. Leurs corps tombent mollement au sol avant de disparaitre en ne laissant qu'un tas de cendre. La foule de démon se tait et le silence dure jusqu'à ce que mon père prenne la parole :

« Comme je le disais avant d'être interrompu, je rajoute une punition. Tu seras marquée au fer, pour une raison que je vais vous énoncer. Il y a dans mon royaume des traitres. J'ai accepté beaucoup de choses depuis que mon père m'a enfermé ici. Mais il est une chose que je refuse et c'est les traitres. Emalie ma chère, approchez. Vous avez vécu des choses horribles en enfer et Dieu a laissé faire et il vous a même banni pour cela. Je vous ai vu dans les allées de mon château pervertir des gardes, des démons et même ma fille. Vous lui avez fait croire qu'elle pouvait s'en sortir et qu'elle serait votre reine, vous espériez pouvoir lui faire mener une guerre contre ces anges de Dieu qui vous ont détruite. Je ne sais pas pourquoi je ne vous tue pas tout de suite, je ne sais pas pourquoi je ne vous arrache pas la tête sur le champ. »

Il continue à s'approcher d'elle lentement. Mais il ne se passe rien, il demande seulement aux gardes de l'emmener dans ses appartements. Le poids de la croix et la brûlure qu'elle m'inflige me font tomber à terre. Lucifer me donne un coup et je dévale les escaliers.

« Je déclare la marche des chaînes ouverte ! Munissez-vous de tout ce que vous trouverez et lancez ! »

Il reste sur le parvis et je sais qu'il me regarde, heureux de ce qu'il vient de proclamer. Me marquer au fer, cela veut dire qu'il saura tout, ce que je fais, ce que je mange, où, pourquoi, comment.

Les gardes qui sont placés devant moi tire mes chaînes quant à ceux de derrière ils s'assurent que la croix me brûle bien le dos. A ce moment là la rage me tient les tripes. Il me fait vivre le pire des châtiments. Je triompherais de toute ma douleur, juste pour pouvoir dire qui je suis. Alors j'avance et je continue. J'essaie de me souvenir d'un moment, d'un des seuls heureux de ma vie. J'avais quatre ans et mon frère Polaïs m'apprenait à jouer aux échecs.

« Tu vois comme c'est simple, Ama ? Il te faut juste beaucoup t'entrainement.

-Et après je pourrais devenir plus forte que toi ?

-Evidemment que non. Si un jour du devient plus forte que moi... Je te mangerais toute crue !! »

Des rires se percutent dans ma tête. La croix me brûle encore mais je la sens de moins en moins. Mes poignets me tirent mais eux aussi je les sens de moins en moins. C'est ça je crois le point positif de la douleur, au bout d'un moment on ne la sent plus. Je me relève et, la tête haute je marche. Cette action me demande beaucoup de courage. La foule autour de moi commence à me lancer des pavés. J'en reçois trois ou quatre au niveau des cotes puis ensuite on me lance des légumes pourris et j'en reçois beaucoup plus. Mon sang coule et ma vue se brouille à cause de lui. Il dégouline sur les yeux, ma bouche et fini sa course entre ma poitrine. Je hurle, je pleure et je me débats, tout cela en vain. Les gardes me tirent de plus en plus brusquement et le bout du chemin me semble plus éloigné à chaque fois que je fais un pas. Quand nous nous éloignons de la foule, je me sens tomber mais les gardes n'en n'ont rien à faire et ils continuent de me trainer. Mon corps se frotte au sol et mes habits se déchirent. Je sens d'immense plaies se former au niveau de mon ventre et je laisse, à cause de ça, une trainée de sang derrière moi. La croix se fait de plus en plus lourde sur moi et m'empêche de respirer. Mais soudainement tout s'arrête. Ils me détachent la croix, m'enlèvent mes chaînes et me relèvent. En face de moi se dresse un désert de feu. Une terre ardente. Ils prennent mou cou et me marquent. Je suis censée avoir mal mais je ressens seulement un picotement. Et je me rends conte. Jamais je ne pourrais survivre ici, seule, sans manger et à deux doigts de la mort. Alors qu'ils allaient partir, je m'accroche à la jambe d'un des gardes.

« Ne me laissez pas ici, je vous en supplie, je ferais tout ce que vous voudrez mais ne me laissez pas. »

Je dis ces phrases en sanglotant n'en ayant plus rien à faire de ma dignité et de ma fierté. Il me regarde, me prend par les cheveux et me balance à quelques mètres d'eux. Ils se dématérialisent et je reste à terre vaincu.


welcome in hell angelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant