Vignette 10

927 146 3
                                    

Extrait : "Entretien avec une tueuse" Andrea H. Japp


 Japp

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.




Hae Soo entendait tout et pourtant, c'est comme si elle n'entendait rien.

Le petit groupe n'était pas discret, ils parlaient fort volontairement, lui jetant des regards, afin de guetter la moindre réaction.

Le pouvoir des mots était effrayant, destructeur parfois, mais la puissance de ceux de son roman, était supérieur aux mesquineries et méchancetés de ses camardes de classe.

De toute façon, ce qu'ils disaient était vrai.

Lorsqu'ils traitaient sa mère de femme vénale, de salope intéressée, prête à tout pour de l'argent et un statut, ils avaient raison.

Lorsqu'ils affirmaient que Hae Soo était comme sa mère, aussi sale et manipulatrice qu'elle, ils n'avaient pas tord.

Ça ne faisait pas mal.

Plus rien ne faisait mal depuis que sa mère avait préféré une jolie bague à sa sécurité et son bien être.

Depuis qu'elle avait appris que son innocence pouvait aussi servir de monnaie pour du Cartier ou du Dior.

Ça n'était pas grand chose et elle avait décidé que, quitte à calculer sa valeur en fonction des cadeaux d'un homme, elle allait monter la barre plus haut.

C'était effrayant de voir à quel point c'était facile, à quel point elle était douée et jusqu'où elle pouvait aller.

Hae Soo n'aimait pas les bijoux, elle était bien trop jeune pour conduire et ne portait jamais de vêtements de marques.

Pourtant, elle accumulait les colliers, bagues, boucle d'oreilles et bracelets, se faisait offrir des voitures et des collections entières de créateurs.

La satisfaction de voir sa mère comparer leurs "valeurs" pour se rendre compte elle arrivait en seconde position, était ce qui la poussait à continuer.

Mais elle ne savait toujours pas si c'était uniquement pour lui faire du mal, ou parce que c'était les seuls moments où elle avait son attention.

Les seuls moments où elle existait à ses yeux.

Dans tous les cas, c'était pathétique et Hae Soo se méprisait autant qu'elle méprisait sa mère.

Alors, ignorant les mots de ses camarades, elle plongea plus profondément encore dans ceux de son roman, le passage lui parlant particulièrement.

"Ah! L'inévitable couplet sur le romantisme des loubards. Est-ce vrai ou s'appliquent-t-ils à suivre ce qu'ils comprennent d'un stéréotype ? Les deux, peut être.
"Mère", ça c'est un mot, une clef parfaite. Comme "petite sœur", "pote" ou "grand frère". Mais "Mère", c'est le mieux. Ça les renvoie à des rêves, ce qu'ils croient avoir voulu être, ce qui a foiré.
Une promesse de tendresse à laquelle on pourrait croire, un ventre où enfoncer sa tête quand on a mal partout. Ils oublient bien sûr qu'il y a aussi des nulles et des salopes chez les mères.
- Ton cynisme me terrifie parfois, Théa.
- Vraiment ? Cynisme, c'est le mot dont vous affublez la lucidité quand elle vous gêne. Mais rien ne me gêne et peu de choses me font peur"

One More ℕight  ➴ ᵀᵃᵉᴳᶤOù les histoires vivent. Découvrez maintenant