3e Traversée : De l'autre côté

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          L'air siffla à quelques mètres à peine et son cœur ne fit qu'un bond. La surprise et la fatigue mélangées l'empêchèrent de voir une branche et ses pieds butèrent dedans. Elle s'effondra à moitié sur le tapis de feuilles mortes et ses genoux s'écorchèrent sur l'écorce. Des larmes montèrent à ses yeux gris, mais la voix inquiète de Sam à ses côtés l'incita à cacher sa douleur.

– Tu t'es blessée ? Il faut...

          La détonation d'un revolver l'interrompit. Elle contempla son parrain se décomposer en quelques instants ; sa peau de roux, très pâle en temps ordinaire, devint translucide. Son regard déterminé oscilla avant d'examiner sa main qu'il venait de presser contre son flanc : malgré la nuit, le bout sombre de ses doigts n'augurait rien de bon.

– Tonton, gémit sa protégée.

          Des ombres s'approchaient déjà d'eux, en silence, assurées de leur victoire.

– Iris... Tu dois fuir...

          Incapable de se retenir, l'eau cascadait de ses yeux et se mélangeait à la suie qui recouvrait son visage maculé. Ses épaules secouées de sanglots faisaient trembler tout son corps chétif. Elle était frigorifiée – terrifiée. Ses pensées confuses ne parvenaient plus à comprendre pourquoi ils se retrouvaient ici ni qui étaient ces hommes en noirs. Un grand pan des souvenirs des deux dernières heures avait disparu de sa mémoire.

– Va t'en ! cracha son gardien dans une toux ensanglantée.
– Non ! Je refuse de te laisser !

          Ses doigts trop frêles tentèrent bien de lui attraper l'épaule, dans l'espoir futile de l'aider à se relever, mais le mourant condensa ce qu'il lui restait d'énergie afin de la repousser. Il n'avait pas calculé sa force et son geste la renversa. Affalée au sol, elle le contemplait à présent, hébétée par cet acte imprévisible, incapable de réagir à cette situation.

– Pour... quoi ?
– Sauve-toi ! hurla l'homme dans un dernier cri désemparé.

          Iris tendit sa main vers lui, lorsqu'une autre balle transperça la tête aux cheveux bouclés de l'homme qu'elle considérait comme son propre père.

– SAAAAM !

          Seul ce hurlement déchira l'air avant qu'une chape de silence ne vînt s'abattre sur la forêt à peine réveillée.

          Seul ce hurlement déchira l'air avant qu'une chape de silence ne vînt s'abattre sur la forêt à peine réveillée

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          Un vent glacé la tira de son sommeil comateux. Tout son corps tremblait encore. Elle ne sentait plus ses pieds ni ses doigts, et sa tête tournait malgré ses paupières closes. Iris entrebâilla la bouche comme pour reprendre son souffle, mais seul un gémissement plaintif en sortit. Son instinct de survie fonctionna de nouveau à plein régime et la força à ouvrir les yeux. Les arbres autour d'elle et les feuilles mortes sous ses mains l'étonnèrent bien un peu, mais son cerveau réfléchissait surtout par automatisme. Le froid, la faim, la peur, l'angoisse et la sensation d'avoir perdu quelqu'un ou quelque chose de précieux flottaient quelque part dans son esprit et lui imposaient ses décisions. Bouger un bras, dans l'idée de se redresser lui demanda une éternité, tant ses muscles, raidis par la température, rechignaient à travailler. Son regard remarqua une branche qui transperçait sa cuisse droite ; un accident durant sa chute ? La question s'effaça aussi vite que les souvenirs récents, comme si son corps refusait leur présence.

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