8e Traversée : Lotus Blanc

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          Allongée, Iris dormait la majorité de la journée. Son réveil en fanfare avait rapidement été suivi d'un état léthargique où elle demeurait groggy presque tout le temps. Depuis, elle n'avait plus vu ni même entendu son Kra. Dans un coin de son esprit, elle commençait d'ailleurs à douter de son existence. N'aurait-elle pas imaginé tout cela, afin de se soutenir elle-même, inconsciemment ? Personne ne pourrait lui répondre. Alors elle profitait du silence et de la quiétude des lieux pour se ressourcer. Depuis son départ précipité de sa maison, elle ne s'était jamais sentie aussi sereine...

          Grâce aux soins affectueux de Bái Fú Róng, Iris avait l'impression d'être de nouveau dorlotée et aimée. La jeune fille avait parfaitement senti la détresse de son deuil et faisait tout pour lui changer les idées. D'un accord tacite, elles ne parlaient jamais des personnes chères à leurs cœurs qu'elles avaient perdues. La petite servante le faisait sans doute par discrétion, alors qu'Iris hésitait surtout sur ce qu'elle savait. Personne, sauf Huàn Hóng ne connaissait la vérité, donc qui était-elle censée pleurer aux yeux de sa protectrice ?

– Bonjour, mademoiselle ! Comment vous portez-vous, ce matin ?

          Debout aux pieds de son lit, Iris essayait tant bien que mal de réaliser quelques pas, afin d'atteindre la chaise près de la fenêtre. Elle n'en pouvait plus d'être allongée et de regarder le plafond et le reste de sa chambre, aussi adorable fût-elle ! Alors, à son réveil, elle s'était décidée à obliger son corps de répondre à ses sollicitations. « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas », disait la célèbre citation d'un chinois dont elle avait oublié le nom. Il n'avait pas précisé, lui, qu'il s'agissait du plus difficile de tous ! Elle avait ressenti un millier d'aiguilles venir lui transpercer sa plante de pied avant de remonter jusqu'à sa colonne vertébrale.

– Vous êtes déjà debout ! Oh là, là ! Attendez, je vous aide ! s'empressa sa jolie servante toujours si bien habillée.

         Elle ne portait que des tenues toutes vertes, parfois artistiquement rehaussées de blanc, mais jamais aucune autre couleur. Iris ignorait encore pourquoi, car elle n'osait pas lui poser une question aussi directe, de peur de dire une bêtise. Pour une raison inexplicable, depuis son arrivée dans ce palais dont elle ne connaissait que cette pièce, bizarrement, elle se forçait à plus de réflexion avant chacune de ses paroles. À moins qu'elle sentît, d'instinct, qu'elle pourrait blesser cette adorable jeune fille ?

– Inutile, Lotus Blanc, je peux y arriver seule... Non... Je dois y arriver seule ! se rectifia-t-elle aussitôt.

          Depuis que Bái Fú Róng lui avait révélé la signification de son nom, elle préférait l'appeler ainsi. Et comme elle prononçait mieux le français que le chinois, sa traduction automatique par cette étrange réalité devait rendre le prénom plus joli à l'oreille, car dès lors, Lotus Blanc souriait béatement dès qu'elle lui parlait. Cette dernière avait exactement cette expression à cet instant, alors qu'elle l'observait, brindille peu sûre d'elle au pied du lit, à essayer tant bien que mal de s'élancer à marcher sans aucun soutien, vers le fauteuil à deux pas devant elle. Tellement pathétique !

– Vous pouvez y arriver, mademoiselle Iris !

          L'adorable poupée vêtue de vert, ses petits poings serrés levés sous ses yeux, ressemblait à une pom-pom girl en train d'encourager son équipe de football préférée. Cette pensée amusa un peu trop Iris qui se sentit partir en avant après un gloussement trop intense. Elle serait tombée, tête la première, si Lotus Blanc ne s'était pas précipitée vers elle pour la soutenir au dernier moment. Encore une fois, la demoiselle si bien habillée et délicate lui démontra sa force peu commune...

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