7e Traversée : Enfer

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          Huàn Hóng ressortit ses mains de ses longues et larges manches afin de croiser les bras. Sur son visage, une expression complexe, où se mélangeait la joie, le sarcasme et la douleur, l'éclairait d'une lueur presque malsaine. Iris frissonna de nouveau, comme si elle découvrait une facette inconnue de son ange gardien. Elle le voyait d'un œil neuf. La jeune fille l'imaginait sage, calme et respectueux d'une certaine forme de justice, mais peut-être s'était-elle trompée ?

– Le Royaume Céleste n'est pas une monarchie héréditaire. Chaque roi désigne son successeur en fonction de nombreux critères, comme la naissance, les capacités, la sagesse, mais surtout afin de renforcer la politique intérieure et extérieure. Voilà pourquoi l'élément clef pour choisir l'héritier du trône a toujours été les pouvoirs que l'individu pouvait apporter au pays.

          Iris grimaça. Encore des informations et un cours, elle qui adorait tellement apprendre ! Bon. Déjà, que cet endroit n'ait rien à voir avec les régimes totalitaires, c'était pas si mal. Mais elle ne comprenait pas le rapport avec lui. D'un léger mouvement de la tête, il l'avertit qu'il arrivait au cœur du sujet.

– Il se trouve que dès ma naissance, un astrologue de la cour prédit que j'aurai un pouvoir assez rare et qu'il serait assez fort pour me faire prétendre au trône.

         Ah. La jeune fille anticipa la suite avec facilité. Une histoire de jalousie ?

– Oui et non. Généralement, un roi aussi vieux que Gáo Yào aurait vu une bonne occasion pour abdiquer afin de pouvoir terminer ses jours en paix. Seulement, malgré son âge, il paraît aussi jeune qu'avant. Autrement dit, il n'a aucune raison de partir du trône. Il m'a néanmoins accepté comme son héritier, l'a proclamé et m'a invité au Palais Rouge pour m'apprendre le métier, comme tout Monarque Éclairé se doit de le faire avec son successeur...
– Laisse-moi deviner... Il est devenu fou ? proposa Iris, sarcastique.
– Pas exactement. Disons plutôt qu'il a toujours dissimulé son vrai visage à l'ensemble du royaume... J'ai découvert par hasard, lors de l'une de mes insomnies, un passage vers des salles secrètes du Palais Rouge. Gáo Yào venait d'y faire transporter un prisonnier. Sur l'instant, je ne me suis pas plus inquiété, jusqu'à apprendre, le lendemain, qu'il avait été retrouvé mort aux pieds des remparts, après ce qui ressemblait à une chute... Et qu'il n'avait jamais été un prisonnier du roi, mais l'un des serviteurs du palais...

          La similitude avec l'accident du père de Fú Róng frappa Iris au visage. Elle craignait déjà sa réponse, donc elle murmura sa question dans son esprit, plutôt que de l'exprimer à voix haute. Huàn Hóng hocha juste la tête de haut en bas.

– En effet. Il s'agissait du même accident que pour Bái Hè, le père de Bái Fú Róng.

          Iris força sur ses muscles afin de poser une seconde ses mains sur son visage. La douleur dans ses bras, insupportable, n'était pourtant rien en comparaison à ce qu'elle venait d'apprendre en moins de dix minutes. Dire qu'elle pensait être arrivée au paradis ! En vérité, il s'agissait plutôt des enfers... Elle ne remarqua pas un autre sourire en demi-teinte de son ange...

– Je peux concevoir qu'un roi veuille garder son trône par cupidité, mais j'ai du mal à comprendre les motivations de celui-là... Qu'avait-il à gagner, de tuer ces gens ? Et toi ? Personne ne lui reprochera d'avoir ordonné l'assassinat de son héritier ?
– Justement. Il a tout à y gagner... Dans mon cas, il prétendra probablement qu'il a envoyé Tiān Lóng à ma recherche car il s'inquiétait, personne n'y trouvera rien à redire.

          Les sourcils froncés, la jeune fille observa son faciès désabusé quelques instants. Sans doute faisait-il partie de ces gens qui croyaient en leur roi, hier encore. Mais aujourd'hui, il devait se sentir à la dérive.

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