Chapitre sept

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PDV ALASTAIR.

« Et toi, ça va ? »

« Oh oui, moi ça va. J'ai pas mal de travail en ce moment et le jardinier que j'ai engagé a fait un carnage sur la haie, il faut que je trouve quelqu'un pour réparer les dégâts. Je réfléchis aussi à un réarrangement du salon. Je m'occupe, tu vois. »

Ma mère fait son deuil en ne laissant pas de place à son esprit pour vagabonder. Elle se tue à la tâche, elle entreprend beaucoup de choses dans le seul but de ne pas avoir de moments creux. Je comprends ce besoin. Chacun a sa façon de réagir. Je ne sais plus vraiment comment j'étais lorsque j'ai perdu Elias, mais heureusement que je n'étais pas seul. J'étais entouré et chacun a su m'aider à traverser cette mauvaise période.

Je ne sais pas si le temps fait réellement quelque chose. Le poids des années nous rappelle que l'on vieillit aussi. Une perte supplémentaire fait écho aux précédentes. L'âge nous aide-t-il à mieux surmonter les départs ou, au contraire, est-ce plus dur à chaque fois ? Ce sont de véritables questions que je me pose et pour lesquelles je ne suis pas certain de pouvoir trouver de véritables réponses. Il n'y a pas de manuel pour s'en sortir, même si tout le monde ne cesse de répéter qu'il faut accepter le départ de la personne pour s'en remettre. Je crois que personne n'est capable de dire exactement quelles sont les étapes du deuil. Tout est différent pour chacun et c'est assez osé et dangereux de vouloir à tout prix faire un protocole à ce sujet.

Lorsque je raccroche, je sais que mon appel lui a fait du bien. Je file ensuite sous la douche et me dépêche d'enfiler ma tenue du jour, entendant le klaxon dans la rue. Rex a décidé que nous allions partir en balade tous les deux, à cheval. J'espère qu'il ne va pas vouloir galoper ou sauter des troncs ... Même s'il m'a déjà fait monter, je ne suis pas assez expérimenté. J'ai toujours un peu peur de cet animal imprévisible et surtout très grand. Si jamais il veut me déposer par terre et s'en aller, je suis bien incapable de lutter contre ces six-cent kilos de muscle.

Fier de pouvoir conduire à nouveau, c'est Rex qui conduit jusqu'au centre équestre. Alors qu'il se gare sur le parking terreux face à la carrière, il sort de sa poche le petit pin's banane. Le jeu est totalement décousu. Rex tente de me sortir de ma zone de confort quand, de mon côté, je ne lui donne que des petits défis pour me débarrasser de cette tâche. Non pas que je n'aime pas partager cela avec lui. C'est seulement que je n'ai pas beaucoup d'idées et j'ai toujours un peu peur d'en demander trop. De son côté, il ne craint pas de me demander des choses osées, en public comme dans l'intimité. Même si tout reste assez soft pour le moment, je sais que les limites finiront par être franchies.

Aucun de nous ne parle du passé. Nos disputes sont presque devenues taboues et les épreuves de nos vies nous appartiennent et, à présent qu'elles sont partagées et connues, il nous est apparu plus simple de les surmonter en faisant comme si elles n'existaient pas. Du moins, nous n'abordons pas le sujet et tentons seulement d'avancer. En plus, je suis toujours incapable de mettre le terme exact sur ce qu'il a vécu. Verbalement, en tout cas, car dans ma tête, tout est clair. Rex a été violé mais ce mot est si fort et si dur que je refuse qu'il me vienne à l'esprit. Alors je préfère dire qu'il a subi quelque chose d'horrible. Ça atténue la douleur qui me transperce la poitrine à chaque fois que j'y pense.

- Ok, je te donne la banane, dit-il avec gravité comme s'il prononçait un serment important. Est-ce que j'ai le droit de te donner deux défis ?

- Non, tu triches là !

- Ok, ok ! Bon, il faut que je fasse un choix. On va partir sur un truc qui nous concerne, du coup. Je veux qu'en rentrant, on prenne notre douche ensemble.

Inébranlable (T3 AVIFic - BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant