33. ethan

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***

  Quand j’ai vu Roxanne, je me suis demandé ce que j’étais en train de faire. Dans quel merdier je m’étais encore mis. Pendant que Shawn s’expliquait avec elle, je ne cessais de me poser des questions. Pourquoi l’ai-je embrassé ? J’aurais du partir. Je n’aurais jamais du le laisser entrer dans ma vie. Quand il m’a embrassé, quand il m’a pris dans ses bras, quand il m’a touché, mon esprit était ailleurs. J’en voulais presque plus. Je ne me reconnais pas. Pourquoi n’ai-je pas pu le repousser et l’insulter, comme d’habitude ? D’ailleurs, je ne suis pas gay. Je n’aime pas les garçons. Après toute cette merde, je suis rentré chez moi en courant, pour me vider la tête. Shawn ne m’a pas suivi, il était trop bouleversé par ce que venait de lui dire Roxanne.

  Je me frotte les yeux. Il est neuf heures du matin, comme je suis arrivé à quatre heures… j’ai dormi cinq heures. C’est largement suffisant. Une odeur de café me chatouille les narines. Je me lève du canapé où j’ai dormi, le pas traînant. Je m’assois à table, ma mère sirote dans sa tasse. Elle sort un paquet de cigarettes de sa poche et commence par un fumer une, puis deux, tandis que je l’observe, le regard vacant. Le tic-tac du nouveau réveil qu’elle a acheté (un truc bon marché qui sonne toutes les demi-heures) retentit. Il est neuf heures trente. Déjà ?

  – Tu étais où hier soir ? me demande-t-elle.

  Elle expire la fumée de sa cigarette et me regarde. Elle est encore en culotte, ses maigres jambes laissent entrevoir ses veines. Son tee-shirt troué est taché par du café. Ses cheveux sont attachés, un chignon à la va-vite qui laissent échapper quelques mèches. Ses joues sont creusés et ses dents commencent à jaunir. Malgré tout, ses lèvres sont charnelles et ses yeux d’un bleu profond. Elle n’a pas encore de cheveux blancs, ils restent blonds. J’ai hérité des cheveux de mon père, d’un brun presque noir. Ma mère était belle, autrefois. Elle l’est toujours, mais la vie l’a rongée. J’aimerais tant qu’elle redevienne comme avant. Qu’elle me serre dans ses bras un peu plus, même si je la repousserai si jamais elle osait le faire. Qu’elle se montre plus avenante, plus ouverte.

  – Parce que ça t’intéresse, maintenant ?

  De sa voix rauque, elle me rétorque :

  – Oui.

  J’en doute fortement, mais je n’ai pas envie de faire d’histoires, avec tout ce qu’il s’est déjà passé. J’aimerais effacer Shawn de ma mémoire, mais dès que j’essaye, c’est encore pire. Bon sang, je suis dans la merde. Il ne manque plus que je m’engueule avec ma mère et tout sera parfait.

  – J’étais à une soirée.

  Pas la peine de lui expliquer ce qu’il s’est passé. Elle me mettrait probablement à la porte… quoique. Je n’en sais rien. J’ai l’impression de ne pas la connaître, alors même que c’est ma mère. C’est incroyable. Parfois, c’est comme si j’observais ma propre vie sans y participer.

  – T’as fumé ? T’as bu ?

  J’aimerais foutre un coup sur la table, lui demander qui de nous deux s’adonne à ces pratiques obscures. Oui, obscures. Je vois tous les jours à quel point ma mère est détruite à cause de ces merdes. Je ne veux jamais mettre un pied là dedans.

  – Bien sûr que non, je répond.

  – Je ne t’en aurais pas voulu, dit-elle en entamant sa cinquième cigarette.

  – Bien sûr…

  Elle soupire. Je me lève, je n’ai plus rien à faire ici. Je vais aller marcher, faire un tour. Mais savoir qu’il y a Shawn à quelques mètres de moi, peut-être à peine une cinquantaine, cela me fait peur. Et s’il était dans son jardin et que je le croisais ?

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant