15. roxanne

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Merde. Merde. Merde. Merde.

Bordel, qu'est-ce qu'il lui arrive ? Shawn vient de quitter le bar, très en colère. Contre moi, contre le monde, je sais pas.

– Wow, perturbé le petit, dit Thomas.

– Il me rend pas comme ça, d'habitude.

Thomas fronce les sourcils.

– C'est à dire ?

– Ça veut dire que d'habitude, j'ai pas envie de le frapper et de le traiter de trou du cul.

Les trois garçons ricanent, et je souris. Je passe de plus en plus de temps avec eux et honnêtement, j'adore ça. Ils sont plus grands, plus matures, ils ont le cœur sur la main, et surtout, surtout, ils sont loin, très loin, des conneries du lycée. Ils savent ce qu'ils veulent, ils ont déjà tout. Leur avenir est tout tracé : leur bar va percer, peut-être même devenir une chaîne. J'envie leur vie. Certes, je ne sais pas ce qu'il se passe dans leur intimité, Nash a une prothèse à la jambe, mais l'impression qu'ils dégagent me laissent penser qu'ils ont la vie parfaite. Ils ont de la prestance, comment ne pas tomber sous leur charme ?

– Bon, Rox, c'est quand que tu te le fais ? me demande Nash.

– Qui ?

Il me lance un regard insistant.

– Shawn, voyons !

J'éclate de rire. Shawn, sérieusement ? Jamais !

– Non, jamais ! Jamais !

– Oh, tu me le laisses ?

Je rigole tout en haussant les épaules.

– Non mais sérieux, est-ce qu'il est intéressé par les gars ?

– Oui, il est bi. Non, en fait, il est pan.

Voilà aussi pourquoi j'ai toujours adoré Shawn : il s'est toujours assumé tel qu'il était. Il a déjà fréquenté, aux yeux de tous, des filles, mais aussi des gars. Ce garçon est entier. Il dit toujours « je tombe amoureux d'une âme, pas d'un sexe ». C'est beau, son cœur est beau.

– C'est intéressant, dit Nash, un sourire flottant sur son visage.

Moi aussi, je souris. Est-ce que je pense à Shawn en souriant, ou à Nash qui a des vues sur mon meilleur ami ? A Shawn évidemment, tu l'adores, tu rêverais d'embrasser ses lèvres. Non ! Non. Mais c'est vrai que ses lèvres ont l'air si douces et si inaccessibles en même temps...Pourquoi je pense à ça maintenant ?

– Rox ?

Thomas me fixe droit dans le yeux.

– Quoi ?

Ses yeux pétillent de malice.

– Vendredi, vingt-et-une heures, ici. Je t’emmènerai voir quelque chose de beau. Tu seras là ?

Je hausse les épaules. Aujourd'hui, Thomas porte un tee-shirt blanc, avec une inscription gravé en noir « je ne prétends pas être parfait, juste croire en un monde meilleur où chaque être humain seraient fiers de ce qu'ils sont ». Je ne sais pas s'il a choisi ce tee-shirt, si on lui a offert, mais j'aime beaucoup ce qu'il y a marqué dessus.

– Pourquoi pas, murmuré-je.

**

Il fait presque nuit. J'ouvre grand ma fenêtre, laissant rentrer le vent à l'intérieur de ma chambre. Je déniche une toile de sous mon lit, la place sur le chevalet. Je sors ma peinture et mes pinceaux, puis me met au travail. J'esquisse les fin traits du visage de Shawn, je peins la pâleur de sa peau, je colorie la douceur de ses yeux. Avant que Nash me demande si je voulais « me le faire », je n'avais jamais vraiment réalisé ce que j'avais sous les yeux, ou plutôt de « qui » j'avais. Shawn a toujours été là pour moi. Je l'ai souvent remballé, pour rigoler, c'est ma manière d'être. Je n'aurais peut-être pas du, je ne devrais peut-être pas, car oui, je le fais toujours. Je ne sais pas si un jour, ma fierté s'estompera. Je l'avoue, j'ai de la fierté. Parfois, je me dis, Roxanne, tu devrais t'excuser, tu devrais aller lui parler, tu devrais arrêter de parler mal, tu devrais prendre soin de lui, tu devrais demander du réconfort. Mais je ne peux pas, quelque chose m'en empêche, au fond de moi. J'attends qu'on vienne, j'attends que tout me tombe dessus. Et si Shawn ne revenait plus vers moi ? S'il partait ? Je suis orgueilleuse, je suis arrogante, horripilante.

Je dois faire quelque chose. N'importe quoi. Avec Shawn. Il faut que je lui prouve que je tiens à lui, que je lui dise qu'il est beau, qu'il est courageux, entier.

Je ferme les yeux et soupire. Je me pose trop de questions. Rien ne va changer. Shawn ne voudra jamais tenter avec moi. Sinon, il m'en aurait parlé. Il me considère comme sa sœur. Enfin... je crois. Après sa crise de colère, je ne suis plus rien pour lui, sans doute. Ça me fait mal au cœur, mais je ne lui dirais jamais.

Je l'appelle, ou bien je laisse l'affaire dans l'ombre ?

Ma peinture est fini. Elle est magnifique. Ce n'est pas de la vantardise, c'est juste que le modèle respire la douceur à l'état pur, la nature, la vie, l'amour. Évidemment, c'est Shawn. Mon premier portrait de lui. Mon plus beau portrait. Il faut que je le cache, s'il le voit.... s'il le voit, quoi ? Je sais pas. Je vais le mettre dans mon armoire, derrière mes fringues.

Je vais aller faire un tour, je crois que c'est la meilleur chose à faire pour me changer les idées. J'attrape ma veste taché de peinture, enfile mes converses, et saute par la fenêtre.

Durant ma balade, je ne rencontre aucunes connaissances. Tant mieux, j'ai envie d'être seule. Où est Shawn à ce moment précis ? Bordel, pourquoi ça me préoccupe tant ? Je marche, j'observe, et je ne fais rien d'autre. Mais dès que j'essaye de me vider la tête, l'image de Shawn apparaît devant mes yeux. Puis, un flash.

Je faisais du vélo et je riais à gorge déployée. Shawn était derrière moi, lui aussi sur son deux roues. Nous allions à toute vitesse, nous hurlions de plaisir. A cette époque, j'étais dans ma période écolo, je voulais à tout prix protéger la nature. Je portais donc un tee-shirt en coton biologique et un gilet fait en matière recyclé. Shawn était torse nu, car il avait chaud. Il n'est pas frileux comme je le suis. Tant mieux pour lui, j'ai envie de dire. Nous étions heureux, à cet instant. Puis, tout d'un coup, une voiture est sorti de nul part, à quelques mètres. J'ai pressé de toute mes forces les deux poignets de frein, mais celui à l' arrière n'a pas voulu fonctionner, alors j'ai basculé en avant. Je n'ai pas percuté la voiture, mais je me suis étalée sur le sol, à plat ventre. Dans mon dos, j'ai senti des mains se balader sur mon corps. Et j'ai entendu une voix.

– Rox, je vais te sortir de là.

C'était Shawn, qui s'allongeait sur moi, comme pour me protéger. En même temps, il appelait le samu.

– Bonjour, j'appelle pour une urgence...

Je n'ai pas écouté la suite. Je me suis laissé bercer par le son de sa voix, sans même savoir ce qu'il racontait au téléphone. Sa chaleur m'enveloppait. Sa peau me caressait. Et je crois qu’après, j'ai fermé les yeux et je les ai ré-ouvert à l’hôpital. Évidemment, Shawn était présent, là-bas. Il est toujours là.

Ce flash-back me déroute. Quand son corps était contre moi, quand ses yeux ont rencontré les miens, je n'y voyais que de l'amitié. Ce que je veux dire, c'est que pour moi, cela ne signifiait rien sauf de l'amitié. Normal, nous étions meilleurs amis, nous le sommes toujours. Mais maintenant... ça me frappe. Tout. Avec lui. Tout revient. Ça remonte à la surface. Tous les souvenirs. Et puis... je vois son visage. Je me surprends à sourire. Un sourire qui s'élargit jusqu'aux oreilles.

Ça va me tuer si je laisse tous ces sentiments s'emparer de moi. M'entailler le cœur.

Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi ne suis-je pas tombée sous son charme bien avant ?

Il a fallu d'une dispute, pour que je m'en rende compte. Et maintenant ? Maintenant, j'attends qu'il revienne vers moi. S'il le fait.




***

Nda : Hello!
Désolée du retard...j'ai énormément de choses à faire en ce moment. C'est un chapitre pas trop relu mais je voulais le poster ce soir. Un peu court, aussi. Mais bizarrement c'est celui que je préfère sur Roxanne. Le prochain est sur Simon, et en général, les chapitres de Simon arrivent vite ahah :)
J'espère qu'il vous a plu!
Bonne
soirée
<3

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant