Overdose sentimentale

45. shawn

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On sort des toilettes main dans la main, riant à gorge déployé. L'adrénaline coule dans mes veines si vite que j'ai du mal à faire du tri dans ma tête. Tout se précipite. Après m'être occupé d'Ethan si je puis dire, il a fait de même pour moi. Ses gestes étaient timides et lents. Il n'avait pas confiance en lui, avait peur de mal faire. Je l'ai guidé et finalement, il s'est un peu détendu. Il me fixait, de ses yeux bleus, et moi, je perdais pied. Plus je l'observais plus j'étais captivé, plus je me noyais. Il est si beau. Ma respiration se faisait rapide, je n'avais jamais éprouvé un tel sentiment. Aussi puissant. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'on me fait ça. La différence, ce n'est même pas qu'il le fait mieux, c'est que c'est lui. J'ai toujours aimé passivement, mais avec lui, je vis pleinement. Je me sens plus vivant. Je souffre plus mais j'aime plus. La douleur est le sacrifice qu'il faut donner pour partager tous ces moments avec lui. J'ai l'impression de me sentir utile, je sais que je peux l'aider.

On se dirige vers notre table, un billet est bloqué sous un verre. Ça doit être Simon qui l'a laissé là. Je suis étonné que personne ne l'ait pris. Il faut croire qu'il reste des gens honnêtes dans ce monde. Étonnant mais réjouissant. On va au bar pour payer. Je complète l'argent qui manque avec le mien, heureusement j'ai un billet (un peu plié et abîmé, certes, mais un billet). Le serveur porte sa tenue de travail, un tee-shirt bleu marine avec le nom du bar. Il esquisse un sourire avant de nous tendre le ticket de caisse.

– Monsieur, sans vous offenser, vous pensez vraiment qu'on va garder ce ticket et ne pas le faire tomber dans la rue juste après ?

Il nous adresse un grand sourire. Il a l'air fier de lui.

– Je persiste à penser qu'il y a des gens qui se soucient de notre planète.

Il n'a pas tort mais... on a bu. Cependant, j'aime son optimisme, même si en soit, c'est un peu oublier que l'humanité est cruelle et égoïste.

– Oui, c'est bien ! dis-je sans doute un peu trop fort (j'ai plus trop la notion du temps, de l'espace, de ce que je dis). Mais... on est bourré as fuck comme on dit dans le milieu.

Je ponctue ma phrase d'un petit mouvement de poignet ce qui me vaut un petit rire de sa part. Ethan est à côté de moi, il ne dit rien. Je suis prêt à parier qu'il se demande qu'est-ce qu'il fout là, avec moi. Des fois je me demande pourquoi je fais l'idiot puis je me rappelle que c'est pour oublier la bêtise humaine.

– Et donc ?

– Ben, on peut pas trop avoir une conscience en étant bourré. Conclusionnnn, gardez le ticket, merci.

Il rigole une fois de plus avant de froisser le ticket et de le jeter à la poubelle. Faites attention, dit-il lorsque nous partons.

On se reprend la main. On se ballade dans le noir, dans la nuit. Elle est si silencieuse. C'est un moment apaisant, on se sent au dessus du monde, hors de la réalité. Le quotidien morne est chassé par l'excitation d'une sombre nuit qui ne fait aucun bruit. Comme on dit, la nuit, tous les chats sont gris. On peut moins se fier aux apparences du physique.

On est tous les deux en tee-shirt pourtant on a pas froid. Il fait pas très chaud mais l'alcool coule dans nos veines. Je m'arrête tout d'un coup et le plaque contre le mur d'une maison qui donne sur la rue. Quel bonheur de pouvoir l'embrasser comme ça, dans la ville, sans se soucier de rien. Peut-être qu'au petit matin ça sera déjà fini alors j'en profite. A chaque fois que je me rapproche de lui c'est comme s'il me filait entre les doigts. Alors je l'embrasse comme la première fois, comme si c'était la dernière. On se détache à bout de souffle au bout de quelques minutes.

– Shawn, je peux pas rentrer chez moi. J'ai plus de chez moi.

Je me rappelle alors la dispute avec sa mère, le moment où elle est arrivée devant le supermarché, puis Ethan qui m'échappe... et que je rattrape de justesse. Et tout ça en une journée. C'est drôle à quel point le temps s'allonge autant qu'il s'éclipse.