2. théa

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2. théa

Je le regarde de mes yeux bridés, les mains accrochés à mon sac à dos. Le garçon d'en face ne semble pas vouloir rentrer chez lui. Je le reconnais, je l'ai vu pleurer malgré le fait qu'il portait des lunettes qui dissimulaient légèrement ses larmes. Je me demande pourquoi a-t-il pleuré. Cela doit être grave. Ou pas. Je ne le saurais sans doute jamais. 

  Je le fixe toujours, lui aussi. Cela fait désormais une quinzaine de seconde. Les cheveux du garçon sont roux, mais d'un roux très classe. Ses lunettes lui donnent un air sérieux que je trouve plaisant. Il porte un sweat bleu, et un jeans noir avec des baskets.

  J'esquisse un sourire timide mais je n'aurais peut-être pas dû faire ceci car le garçon se retourne vivement et se hâte de passer la porte d'entrée. Sauf qu'il se prend le pied dans le paillasson et s'étale dans le couloir de l'entrée. Il se relève, puis se rue dans sa maison. Autrefois, j'aurais ri. Plus maintenant. 

  La porte de la maison d'en face se referme et je soupire. Maintenant, je sais ce qu'il m'attend. Je pousse la porte de chez moi et me retrouve rapidement dans le salon, le silence m'englobant. Le canapé me donne envie de vomir, les cadres photos avec le visage de mon père m'obligent à m'adosser contre un mur pour ne pas m'effondrer. Les chatouilles de mon père sur le canapé rouge en velours et les acrobaties sur le tapis vert du salon me manquent terriblement. 

  La télé est éteinte, à vrai dire elle est encore dans le carton. Je ne sais pas pourquoi ma mère a insisté pour installer des objets de notre ancienne maison, alors qu'elle veut prendre un nouveau départ.

  Il n'y a pas encore de rideaux, si bien que le soleil darde ses rayons à travers toute la pièce.

  Aujourd'hui, je suis allée à mon nouveau lycée. Théoriquement, je suis juste entrée dans la salle où était réunie ma future classe puis je suis ressorti, mais quelqu'un s'est déjà moqué de moi. Je sens que cet Léo Mendes ne sera pas mon ami. En fait, je ne veux pas forcément d'amis, juste qu'on me laisse tranquille. Il se trouve que ce n'est pas ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Ça me fout les boules. Il y a plein d'histoires où la nouvelle se fait draguer par le « badboy », mais moi, le « badboy » s'est ouvertement foutu de ma gueule. De toute façon, je ne suis pas comme les autres filles. J'ai un cerveau et je sais que les « badboys », il vaut mieux les éviter. Tomber amoureuse d'un garçon égoïste et narcissique ? Et puis quoi encore ?

  — Théa ? C'est toi ?

  Je ne sais même pas pourquoi ma mère me demande ça alors que je suis la seule qui possède les clés. Depuis qu'on s'est fait cambriolé, elle a peur au moindre bruit suspect dans la maison. 

Je monte à l'étage rejoindre ma mère. Quand elle me voit, elle pousse un soupir de soulagement.

  — Bonté divine ! J'ai cru que c'était un cambrioleur.

  Je ne ris pas alors que jadis, j'aurais éclaté de rire.
  Je roule des yeux en direction de ma mère.

  — Oh, ça va, souris un peu. Il faut essayer d'oublier.

  Je ne veux pas oublier ce qu'il s'est passé, c'est gravé dans ma mémoire et ça le restera toujours. Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Pourquoi s'obstiner à vouloir effacer un merveilleux souvenir ? Chaque fois que je ferme les yeux, je le vois. Mon père. Il hante mon esprit mais il l'apaise en même temps. Je veux pas l'oublier et j'en ai envie. Tout se bouscule dans ma tête. Quand je regarde les photos ou que je m'assois dans le canapé, je ne peux m'empêcher de verser une larme. Pourtant, j'aime plus que tout ce canapé. C'est contradictoire tout ça et je m'y retrouve plus. 

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant