7. théa

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***

Je ne pensais pas capable Simon de sortir en plein milieu d'un cours. Je le connais peu, mais je sais que cela ne lui ressemble pas. Cet adolescent est bizarre.

Le soleil laisse place à la pluie. Les gouttes se déposent sur ma chevelure et brouillent ma vue en tombant sur mes cils. J'avance, mon sac sur le dos. Derrière moi, j'entends des rires d'adolescents. Je me retourne, c'est Mattéo et sa bande ; des jeunes qui se pensent invincibles, qui se croient supérieurs aux autres, mais en vérité, ce ne sont que des attardés. Ils me fixent avec insistance, alors je m'arrête. Matteo se met à me sourire faussement alors je m'approche d'eux d'un pas déterminé. Mais dès que j'arrive à leur hauteur, je me sens bien bête. Je ne peux rien leur dire. J'ai cette boule au creux de mon estomac, qui me consume, qui grandit de jour en jour. Je n'arrive pas à sortir de ce mutisme dans lequel je me suis mise.

– Alors la chinetoque, on sait pas quoi dire ?

J'ai les yeux bridés, alors on me place l'étiquette de « chinoise ». La vérité, c'est que je suis coréenne. Quel con.

– Sérieux meuf, t'es chelou. Putain, t'es toujours comme ça ?

J'ai envie de lui foutre une gifle, mais je ne veux pas avoir d'ennuis. Pas alors que je viens à peine d'arriver dans cette nouvelle ville. Je ne dois pas m'énerver. Je n'ai pas peur d'eux, de toute façon. Il me suffit de les ignorer.

– Ok, visiblement tu veux pas parler. Dommage, t'es plutôt sexy. Désolé, mais je baise pas avec des muettes.

J'ai beau me dire qu'il faut que je reste calme, je n'y arrive pas. La rage monte en moi, faisant grossir cette boule d'amertume présente dans mon estomac. Mes poings se serrent, ma mâchoire se contracte. Je le fusille du regard, je suis à deux doigts de lui donner un coup dans le ventre.

– Écoute la muette, je peux t'arranger un coup avec Robert si tu veux. Tu pourras sucer sa bite, et là, on verra si tu parleras sous l’excitation. T'es pas une vrai muette. Ça se voit. T'es qu'une conne.

Ses potes se mettent à rire, tout en faisant des remarques salaces.

Trop, c'est trop. Ma main part toute seule et vient s'écraser contre sa joue dans un claquement sourd. Ses yeux s'écarquillent et son visage devient rouge de colère. Avant qu'il ne puisse rétorquer quoi que ce soit, ou qu'il ne lève la main sur moi, je me met à courir. Je sens qu'il me suit, car j'entends ses pas résonner contre le bitume. Je continue de courir, contre le vent, les cheveux emmêlés devant mon visage. Ma poitrine souffre, je n'ai bientôt plus d'air. Mes pieds me brûle.

Je tourne à l'intersection d'une rue et je l'emprunte, avant de changer ma direction une nouvelle fois en m’engageant à droite.

Au bout d'un moment, je m'arrête, trop épuisée pour faire un pas de plus. Je me retourne, le souffle court et les jambes si fatigués que je pourrais presque m’effondrer. Je tremble, et les larmes perlent au coin de mes yeux.

Mattéo n'est plus là, mais moi, je suis bien là, et je suis seule dans un silence accablant. Même ma voix ne peut percer ce silence, le briser, car celle-ci s'est éteinte.

Les lampadaires s'allument tout d'un coup, car cette rue est sombre et l'éclairage est automatique. On dirait qu'ils s'illuminent pour moi, comme un message qui me dirait « Théa, ne sombre pas, ne t'éteins pas ». Une lueur, pour réchauffer mon cœur endolori. Sauf que cela ne marche pas. Je suis déjà éteinte, déjà morte. Ce jeune homme nommé Mattéo, vient de creuser ma tombe avec ses paroles.

Je tombe à terre. Mes genoux se rappent sur le sol, et j'enfouis mon visage entre mes mains. J'ai les joues mouillées de larmes, les yeux embués.

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant