41. roxanne

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***

Maman me cuisine un bon plat. J'observe ses mouvements, le balancement de ses hanches, la fluidité de ses bras. Elle part à l'autre bout de la cuisine pour récupérer un ustensile, revient au plan de travail, continue de couper les pommes de terre. Papa ne devrait pas tarder, il est parti acheter le poulet. Pour ma part, je n'en mangerai pas.

Une fois que les patates cuisent, elle s'autorise enfin à s’asseoir. Les coudes sur la table, elle se met à me fixer. Elle me sourit, mais son sourire me paraît bien triste. Vous savez, ce genre de sourire de compassion. Elle écarte une mèche rebelle qui vient se mettre en travers de son visage puis me demande, d'une voix légère :

– On voit plus trop Shawn, en ce moment...

Je rigole. Oui, on le voit plus. Je rigole encore. C'est nerveux. Je me fais honte. Je suis vraiment une pourriture. J'ai beau essayer de me reprendre en main, aller jusqu'au bout de mes idées, je me sens à côté de la plaque. J'ai l'impression de tout faire de travers. L'impression que mon monde est moins beau sans lui.
  Le pire, c'est que je pourrais sans doute supporter de le voir dans les bras d'Ethan. Mais je peux juste pas le regarder en face et m'excuser pour ce que j'ai dit. Et il n'est pas venu.

– Tu sais, ma chérie, moi aussi j'ai vécu des chagrins d'amour. C'est pas grave d'avoir mal. Tu peux en parler.

Je soupire. Le problème, c'est qu'elle ne sait pas ce qu'il s'est passé. Ce n'est pas juste le fait qu'on soit plus ensemble. Ni même le fait qu'il m'ait trompée. Je souffre de moi même. De ma putain de fierté et de mon impulsivité. Ce que je dis, ce que je fais. Ce que j'ai dit, ce que j'ai fait. Je ne sais pas quoi faire. Je suis dans une impasse. Faire demi-tour, au risque de me retrouver face aux mêmes problèmes, ou bien tourner en rond ?

– Maman, ne parle pas quand tu ne sais pas.

Elle soupire, se pince les lèvres.

– Tu peux me parler sur un autre ton, tu sais.

Dans ma tête, la manière dont je lui ai parlée était tout à faire normale. Visiblement, elle l'a mal pris. Visiblement, je ne me rend même pas compte lorsque je suis agressive... je suis censée faire quoi, alors ?

– Ouais, ok, dis-je.

Elle soupire une seconde fois, laisse échapper un juron. Quoi, encore ? Mon ton est trop sec ? Je suis trop méchante ? Encore ? Je suis une mauvaise fille ?

– Explique moi, dit-elle.

Je hausse les sourcils. Lui expliquer quoi ? Elle ne pense tout de même pas que je vais lui raconter ma vie ? Il n'y a que Shawn pour ça. Je lui parlais de tout, de mes problèmes. Depuis qu'il y a Ethan, ce n'est plus pareil, j'ai l'impression. Mais je ne déteste pas Ethan. Je me déteste moi.

– Non.

J'ai un semblant de sanglot dans la voix et je me dis ça y est, tu vas craquer, avec ta mère en plus, la honte. Je me dis que je vais pleurer, que je vais tomber. Je suis sur une falaise et la gravité m'attire vers les profondeurs. Non. Je suis heureuse, je suis une combattante, je vais pas me laisser abattre. Je vais juste rien lui dire, et c'est tout.

  Elle se lève. Un instant, j'ai peur. Qu'est-ce qu'elle va faire ? Elle s'approche de moi dangereusement. Elle pose sa main sur mon épaule. Je lève mes yeux vers elle mais les ferme automatiquement dès que je croise son regard. Non... j'ai tout sauf envie de ça. Vraiment. Qu'elle s'éloigne. Mais elle fait ce que je craignais. Elle me prend dans ses bras. J'essaye de la repousser mais j'ai cette sensation étrange, je me sens faible.

Et je pleure, dans ses bras si chaleureux, je pleure.

  J'ai fini de manger et je suis dans ma chambre. Je suis sur mon ordinateur, je prépare un article pour mon blog. Il montrera l'équivalence en eau que l'on trouve dans la viande. Par exemple, un hamburger équivaut à se doucher tous les jours pendant trois mois. C'est fou.

  J'attends Thomas. Je l'ai invité. Il ne devrait plus tarder, maintenant. Je continue d'écrire mon article, pour faire passer le temps mais ma tête est un peu ailleurs. Je me demande comment ça va se passer. La dernière fois que l'on était seuls dans une chambre, on a fini par baiser. Je sais pas si ça me dérangerait vraiment que ça se reproduise mais bon... C'est pas bien, de faire ça. Baiser un pote avec qui il ne se passera probablement jamais rien. Aux yeux de la société, je passe pour une salope qui aime le sexe. Et puis merde, peut-être que j'aime le sexe, sous toutes ses formes, et que je me fous de la société.

  J'ouvre mon placard et sors ma plus belle lingerie. Je l'enfile rapidement, il peut être là d'une minute à l'autre. Par dessus, une vielle veste en jean, assez longue pour m'arriver juste en dessous des hanches. Je met du parfum, me coiffe un peu, même si c'est pour être décoiffée la minute qui suit. Je saisis mon téléphone, envoie un message à Thomas.

Roxanne : monte direct à ma chambre quand tu arrives... petite surprise.

Maintenant, j'attends. Sur mon lit. J'imagine son corps se pencher sur le mien et ses mains parcourir le mien. La porte d'entrée s'ouvre, je l'entends d'ici. Des voix me parviennent. Il parle sans doute à ma mère. Puis, il toque à ma porte. Le désir en moi. Un désir sexuel, un désir de tout oublier.

 
  Quand il me voit, allongée sur la couette, il sourit. Il referme la porte derrière lui, enlève sa veste et ses chaussures. Sa bouche vient très vite trouver la mienne. On entame un long baiser avant d'enfin se dire bonjour.

– Salut, Rox, dit-il.

– Thomas, dis-je avant d'attraper sa tête et de la mettre entre mes cuisses, mes mains empoignant ses cheveux.

C'est ainsi que débute ma montée aux enfers. Dans les flammes, je veux dire. Dans la moiteur d'une journée sans fin, d'une chaleur indescriptible.

Malheureusement, dans ce genre de moments, les sentiments se tissent.

**

nda : youhouuuuu
rox la vegan ! elle prône l'écologie, la liberté et le sexe ! des fois elle est chiante ahah mais je l'aime

qu'en pensez vous ? de sa situation avec Thomas ?

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant