38. ethan

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***

Maman veut que j'aille au supermarché. Elle se recoiffe, enfile une chemise ample (probablement qu'elle appartenait à papa) et me tend la liste des courses. Puis, elle rajoute :

- Passe au tabac aussi... j'ai plus de clopes. Dépêche toi.

Son "dépêche toi" traduit le manque qu'elle éprouve. Je trouve ça étrange qu'elle n'ait pas vu venir la fin de son paquet et qu'elle ne m'ait pas demandé avant.

- Tu n'avais pas vu avant ?

- De quoi ? repond-elle sèchement.

Je soupire.

- Ben, la fin du paquet.

C'est elle qui soupire, maintenant.

- Si. Je pouvais juste pas m'en empêcher. Je l'ai fini d'une traite.

Quand elle me dit des choses pareilles, j'aurais presque envie de me sentir triste pour elle. Puis je me rappelle ce qu'elle me fait endurer. Puis je me rappelle que je l'aime, malgré tout.

Je prend un sac à dos pour porter les courses et la liste puis je sors de chez moi. J'ai fini le lycée à quinze heures. Il est seize heures. Le supermarché est à deux pas du lycée. Elle me l'aurait dit plus tôt, j'y serais allé directement en sortant. Je prend donc le bus pour m'y rendre.

Je rentre dans le supermarché. Il y a beaucoup de monde. Je n'ai pas pris de chariot, c'est pas la peine, il n'y a pas grand chose à acheter. Je fais un peu le tour des rayons pour prendre ce qui m'intéresse, jetant quelques coups d'oeil à ma liste de temps en temps.

- Même ici on se croise c'est dingue, murmurre une voix derrière moi.

C'est incroyable. Partout où je vais, il est là. On se croirait dans un vieux film cliché. Je comprend pas. On dirait que l'univers tout entier a décidé de rendre ma vie minable. Je me tourne, un peu embarrassé. Quand je l'ai vu hier, je me suis clairement énervé. Aujourd'hui, je l'ai carrément évité. J'ai pas mangé à la cantine exprès, et voilà qu'il est dans ce foutu supermarché. J'ai vraiment la poisse...

- Vraiment dingue, repondé-je ironiquement.

Il me sourit. Je me demande comment il fait. À sa place, si un mec passait son temps à m'engueuler, je n'irais même plus lui parler. Mais il est différent. Il s'accroche. C'est peut-être pour cette raison que je me suis accroché à son baiser.

- On peut faire les courses ensemble, si tu veux, dit-il.

Dans ses mains, il tient un paquet de bonbons et une bière. Je lui demande, septique :

- Tu fais vraiment les courses ? Ou tu achètes juste de la merde ?

Il rigole.

- J'avoue... On voulait se faire un petit goûter avec Ulysse.

J'ai envie de penser que c'est un gamin, me dire qu'il est pathétique et qu'il ne connaît pas la vraie vie, mais dans un sens, je trouve ça mignon. Il est innocent. C'est sûrement pour ça qu'il cherche toujours à me comprendre. Il ne connait pas encore le monde. Il vit dans une belle famille, avec de l'argent, une belle maison et de beaux habits. Il a beaucoup d'amis, beaucoup d'assurance. Tout est beau dans son monde, même lui...

- Cool. Mais laisse moi faire mes courses.

Il soupire.

Je me faufile dans un rayon, prend le café et le glisse dans mon sac. Je n'ai pas grand chose à acheter mais il faut que je me dépêche, faut que je passe au tabac.

Overdose sentimentale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant