Chapitre 29: Diana

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Date de publication: 23/07/2019

Chapitre 29: Atteindre la lune (1)

La résidence Camélias baignait encore dans l’obscurité de la nuit lorsque Diana ouvrit la porte par laquelle sa sœur était sortie à peine une heure plus tôt. Une vague de nostalgie la submergea et l’immobilisa pendant qu’elle se familiarisait à nouveau avec les lieux. La dernière fois qu’elle y avait mis les pieds, elle n’était qu’une jeune fille naïve, des rêves plein la tête, qui était convaincue que sa rencontre avec l’homme de sa vie se ferait dans son bar préféré et qu’elle serait tellement romantique qu’elle vaudrait le coup d’être racontée, même par les écrivains.
Une rencontre s’était bien produite, si on pouvait appeler cela ainsi. Une boule se forma dans sa gorge. Jusqu’à ce soir-là, Max n’avait jamais été que le meilleur ami de sa petite sœur, un gamin qu’elle supportait à peine qui n’avait rien de mieux à faire que de courir après sa sœur rebelle. Cette nuit-là, il avait vu un homme, mature, drôle, avec qui elle pouvait échanger sur des sujets sur lesquels elle se sentait, pour la plupart du temps, incomprise. Pendant quelques secondes, elle avait même essayé de l’imaginer comme le prince qu’elle rêvait de rencontrer, elle s’était permise de penser que ce serait une belle histoire à raconter. Puis sa vie changea à tout jamais. Elle changea à tout jamais. Et le visage de Max, cette heure passée dans ce bar avec lui étaient, dans son esprit, associées à ce qui lui était arrivé après. Elle se souvint avoir pris au moins une année entière à admettre qu’elle était victime de viol. Au début, elle ne le réalisait pas, elle ne l’acceptait pas.
Il n’y avait plus aucune fleur dans la serre au milieu du rez-de-chaussée, les branches dépourvues de feuilles s’élançaient vers le haut, comme si elles tentaient de se libérer de leur prison en verre, comme si elles essayaient d’atteindre la lune pleine, trop étroite pour les contenir, et pourtant qui, aux yeux des autres entretenait sa beauté.
Diana sursauta violemment quand un bruit la retira de ses pensées. Encore une habitude qu’elle pensait avoir perdu, mais qui revenait occasionnellement quand elle se perdait dans ses sombres souvenirs.

- Mila ?

En face d’elle, elle discerna la silhouette d’un homme. C’était certainement Ferdinand. Elle se redressa les épaules, fit mine d’arranger ses cheveux, recherchant le courage de lui expliquer que sa sœur s’était servie de lui. Mila, tu me dois une de ces chandelles, pensa-t-elle en contournant la serre.
Le sentiment de soulagement que Noé avait ressenti en voyant la jeune femme s’évanouit lorsqu’elle arriva devant lui. Ce n’était pas Mila, c’était sa sœur. Son appréhension se confirma et il fut beaucoup plus déçu qu’il n’avait pensé qu’il le serait.

- Monsieur Ferris ? S’enquit la jeune femme sous la surprise. Qu’est-ce que vous faites ici ?
- Vous êtes sur ma propriété. C’est moi qui suis censée vous poser cette question.

Diana tressaillit face à son ton froid. Jamais encore, dans leurs échanges professionnels, ne l’avait-elle vu de si mauvaise humeur. Et Diana ne put s’empêcher de soupçonner que Mila en était pour beaucoup. Malgré son avidité d’informations, elle se mordit la langue et décida de se faire petite. C’était de sa coopération dont elle avait besoin.

- Mila m’a demandé de venir ici. Elle a dit que vous aviez donné votre accord. Elle a omis de me dire que vous seriez ici.

Noé ne décoléra pas pour autant. Il ne pouvait s’empêcher de repenser à toutes les promesses qu’ils s’étaient faites quelques heures plus tôt. Il avait cru que Mila lui faisait enfin confiance, qu’elle lui faisait de la place, qu’elle le laissait l’aider. Il s’était montré vulnérable face à elle, plus vulnérable qu’il ne l’avait encore été avec qui que ce soit depuis bien longtemps. Mais il avait été bien naïf. Il ne voulait admettre le fait qu’il était blessé, alors inconsciemment, il transforma toutes  ses émotions en colère.

- Vous n’êtes pas la seule à qui elle a omis de dire des choses, rassurez-vous. Mais vous êtes certainement mieux informés que moi, alors peut-être que vous pourriez m’éclairer sur ce qu’il se passe ici.

Diana fut à nouveau prise de court par les propos de Noé. Elle ne risquait pas de le mettre en colère car il l’était déjà, pour des raisons qu’elle ignorait. Si elle en croyait son intuition Noé et Mila avaient une relation bien plus qu’amicale, comme l’avait insinué son frère une bonne centaine de fois. Soudain, elle eut comme une révélation. Noé qui accepte de tous les accueillir dans son hôtel juste parce qu’elle le demande, Noé qui est ici alors qu’il n’était pas supposé l’être. Et si Mila ne l’avait pas omis ? Et si réellement c’était imprévu ? Il ne faisait maintenant aucun doute qu’ils avaient passé la nuit ensemble, et elle signifiait apparemment beaucoup pour Noé. Sa soudaine réalisation la rendit sympathique. Il était aussi lui aussi dans l’orbite de sa sœur. Il était attiré par un astre,  qu'il ne pouvait jamais réellement atteindre, qu'il ne peut pas saisir de ses deux mains, car il finissait toujours par le repousser. Et s’il cherchait absolument à s’en rapprocher, il se brûlerait très rapidement. On dirait bien que Noé arrivait dans la dernière phase. Elle se sentit tout à coup émotive. Cette satanée résidence ! Elle la mettait dans tous ses états !

- Venez avec moi. Se força-t-elle à lui dire avec un sourire qu’elle avait forcé. Je vous dirais tout ce que vous avez besoin de savoir.

Ils se dirigèrent vers un espace que Noé avait à peine vu, les cuisines. Diana se débrouilla pour les traverser à la vitesse de l’éclair. Il eut presque du mal à suivre sa cadence. Diana et Mila avaient beaucoup de similitudes dans leurs prestances, mais il y avait une chose que Noé avait vu chez Diana dès leur première rencontre : l’allure d’une guerrière, celle d’une femme qui était prête à tout affronter, qui n’avait peur de rien, ni de personne. Mila, elle, se battait avec colère et désespoir. Diana, elle, était calme, et se battait pour vivre. Pourtant cette façade semblait s’être écroulée ce soir. On aurait dit qu’elle fuyait, elle fuyait vers le jardin extérieur, elle semblait combattre l’air même qui emplissait les cuisines, et ce n’était pas à cause de l’odeur de renfermé. Elle poussa les portes qui menait au jardin si brusquement, et pris une profonde inspiration, comme si sa vie en dépendait.
Après de longues secondes de silence où elle semblait perdue dans la contemplation du jardin, elle accorda enfin son attention à Noé qui, ayant remarqué son malaise, lui laissa de l’espace.

- Cette résidence, c’était un leurre. Chuchota-t-elle comme si elle lui confiait un secret.

Ses yeux étaient plantés dans les siens et il retrouva à nouveau la guerrière qui avait toute sa vie devant elle.

- Mila savait qu’elle se faisait surveiller, alors elle a voulu détourner leur attention pendant quelques heures. Apparemment c’était suffisant pour sauver les filles.

Noé écarquilla les yeux sous la surprise. Elle ne lui avait rien expliqué de tout cela. Les filles à sauver, la distraction. C’est ce pourquoi il était là, il n’était qu’une distraction. Il ravala la boule qui se forma soudain dans sa gorge. Il ne savait pas ce qui l’énervait le plus, le fait qu’elle se soit mise en danger sans ne rien lui dire quand la veille il la suppliait de lui parler, ou le fait qu’il soit encore une fois tombé sous ses charmes. Il s’en voulait d’être aussi faible.

- J’espère que ça a marché au moins, que j’ai bien rempli mon rôle de distraction.
- Ne le prenez pas personnellement. Ma sœur a une façon assez particulière de protéger ses proches. La vie ne lui a pas vraiment fait cadeau dans ce domaine, elle apprend encore à ne pas faire fuir ceux qu’elle aime. Laissez-lui du temps.

Peut-être qu’elle aussi avait besoin d’entendre cela. Peut-être qu’elle aussi avait parfois douté si sa sœur la considérait réellement. Mais elle l’avait bien invité, non ? Elle se surprit à se comparer ainsi que Mila aux plants dans la serre qui s’envolaient vers la lune sans l’atteindre. Elles avaient cela en commun, la prison en verre, si seulement sa sœur acceptait de s’ouvrir à elle, elle le verrait aussi. Et ainsi, atteindraient-elles la lune si elles volaient ensemble ?

Noé ne répondit pas, il ne sut quoi répondre. Il ne savait pas quoi penser, il était encore trop submergé par ses émotions, la colère, la déception, l’inquiétude. Il préféra changer de sujet.

- Vous comptez tromper qui avec cette tenue ? Questionna-t-il en montrant son corps vaguement du doigt.

Perdue, elle scanna rapidement sa tenue. Un cardigan noir, un jeans slim qu’elle avait recouvert d’un manteau marron avec des volants. Elle compléta sa tenue avec des bottes plates en cuir noires. Elle lui adressa un regard étonné.

- Mila ne s’habillerait jamais comme ça pour aller travailler.
- Ah bon ? Parce qu’elle change de style selon les occasions ?

Le commentaire lui fit rire.

- Vous devez beaucoup l’observer si vous avez remarqué ce détail. Fit-elle remarquer en regagnant son sérieux. Je ne saurais jamais faire la différence, pourtant je suis sa sœur.

Il évita son regard. Et même ainsi, le visage à peine éclairé par les rayons de lune et à travers la colère qu’il a exprimé dès son arrivée, Diana le voyait. Noé n’était pas sur le point de se brûler, il s’était déjà brûlé. Il était  amoureux de Mila.

- Alors, ce plan de distraction ? En quoi il consiste ? On copie juste son quotidien, c’est bien ça ?

Diana se garda d’insister sur le sujet. Dans le meilleur des cas, ils auraient toute la journée pour discuter. Il restait encore quelques heures avant d’affronter Ferdinand. Dans quoi s’était-elle encore fourrée ? C’était déjà difficile d’affronter Noé, mais ce n’était pas terminé. Il fallait aussi des explications à Ferdinand, et Diana, contrairement à Mila, n’était pas douée pour les mensonges.


…………………….


Quelques heures plus tard

Six heures pétantes, Diana regardait le téléphone de Mila pour la dixième fois au moins. Elle n’avait toujours pas de nouvelles d’elle. Son appréhension montait en flèche en pensant que Ferdinand se réveillerait probablement d’un moment à l’autre. Noé était inconfortablement assis sur une chaise près de la fenêtre. Il parlait à peine, les yeux sur son téléphone, somnolant de temps en temps. Il ne regarda même pas le lit, ce qui ne faisait que confirmer les soupçons de Diana. Cependant, elle ne fit pas de commentaires, et se promit de tenir une discussion sérieuse avec sa sœur. S’ils s’en sortaient tous. Ils jouaient avec le feu, elle le savait, mais elle voulait absolument protéger sa petite sœur. Le retentissement de la sonnerie la surprit tellement que le téléphone lui échappa presque des mains. Elle porta l’appareil à son oreille priant de tout son être que ce fut sa sœur qui l’appelait pour lui annoncer leur réussite. Mais le souffle à l’autre bout du fil ne lui présageait rien de bon, et alors elle aussi garda le silence et attendit un signe de la part de son interlocuteur. Noé la regardait avec appréhension, leurs pensées étaient similaires. Mais à la vue de son visage qui palissait de secondes en secondes, il comprit que cet appel n’était pas une bonne nouvelle. Quelque chose de grave était arrivé. Il s’avança vers elle et attendit patiemment qu’elle termine son appel.

- C’est Alycia. Souffla-t-elle. Ils ont Alycia.



Salut! Voilà enfin pour la suite! J'ai choisi un pdv différent cette fois, pour changer un peu, étant donné que j'avais promis que Diana apparaîtrait un peu plus ;)

Dites ce que vous pensez d'elle.

Noé n'est évidemment pas très ravi de ce que Mila a fait. Après un si grand pas en avant, voilà qu'on en fait dix en arrière!

Et maintenant Alycia qui était censée être protégée a été kidnappée!

N'hésitez surtout pas à laisser vos impressions ;)

À bientôt! 😘

PROMESSES (PIIL Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant