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Je m'approche de lui pour le prendre dans mes bras, mais il me repousse froidement. Il me regarde de haut, méprisant, ses yeux bleus d'habitudes si agreables sont glacials ce soir. Je fais un pas en arrière, je ne comprends pas pourquoi il réagit comme ça.
" J'ai attendu que tu reviennes pendant un an. Et jamais tu n'es revenue, tu as décidé de prendre du temps sans même me prévenir. Je ne veux plus te parler. Hors de ma vue. "
Il parle sur un ton impitoyable, je secoue la tête, déçue et en colère.
" Écoute moi Roger Taylor, je ne vis pas pour toi ! Et j'avais besoin de rester plus longtemps !
- VA-T-EN ! "
Crie-t-il en pointant de son index la porte de sortie. Je fronce les sourcils et tourne le dos, je ne vais pas le supplier de me parler et de ne pas m'en vouloir, je quitte la salle de concert sans dire un mot. Au fond, je suis blessée, je ne m'attendais pas à des retrouvailles telles que celles-ci, il ne se rend pas compte que ça a été dur pour moi aussi. Cependant, il ne peut pas contrôler ma vie, je suis une adulte, et jusqu'à la fin de nos études, nous n'étions même pas vraiment amis, il n'a aucun droit sur mes décisions. Pourtant, je le prends mal. Il fait nuit noire à l'extérieur, les fans ont déjà quitté les lieux depuis un bon moment. Je suis toute seule sur le parking, en train de fumer une cigarette. J'essaie de me calmer, je suis encore en colère, et dans une incompréhension totale. J'ai envie de pleurer, mais les larmes ne se forment pas dans mes yeux, ça ne m'arrive que très rarement.

Je marche, main gauche dans une poche de mon jean, l'autre tenant mon clope. Je déambule entre les lignes blanches, vexée, ne sachant pas trop où aller. J'entends alors des gens crier derrière le bâtiment, ça m'intéresse, je m'approche pour écouter, je n'ai bien que ça à faire. Après quelques pas, je reconnais la voix de Brian.
" Pourquoi tu l'as chassée !? C'est vraiment idiot !
- Tu ne comprends pas ! Elle m'a blessé ! J'étais inquiet et elle ne m'a même pas prevenu, elle n'en avait rien à faire de moi ! Je la déteste ! "
Freddie remarque que je suis derrière à observer la dispute, il se force à tousser deux fois, Roger se retourne et me voit, son visage devient pâle. Je n'ai rien à dire, mais cette fois c'est trop, je sens une larme couler le long de ma joue. Je jette mon mégot dans la poubelle juste à côté de moi, puis je pars en courant, passant ma main sur mon oeil pour balayer les larmes qui se forment à l'intérieur. Je ne vois pas où je vais, je cours sur le trottoir, éclairée par la simple lumière de la lune et de quelques lampadaires. Je suis loin de chez moi et je ne sais absolument pas comment je vais rentrer. Le coin de la rue est éclairé par le néon violet d'un petit bar-restaurant rétro, je n'ai nulle-part d'autre où aller. Je pousse la porte et m'installe au comptoir, les yeux encore mouillés, je commande un milkshake à la fraise, ce que je préfère, j'ai bien besoin d'un petit remontant. C'est une femme d'environ cinquante ans qui me sert, elle remarque que quelque chose ne va pas. Elle pose sa main sur mon bras et le caresse gentiment.

" Ben alors ma chérie, qu'est-ce qui t'arrive …? "
Je prends une grande inspiration et remets mes pensées en ordre dans ma tête, j'ai envie de lui en parler, j'ai besoin de dire ce qui ne va pas à quelqu'un.
" Je viens de rentrer du Mexique, j'y ai passé deux ans, et j'étais vraiment pressée de retrouver un ami à qui je n'ai pas pu parler pendant tout ce temps, mais ça ne s'est pas passé comme je l'imaginais... "
Je renifle en essayant de ravaler mes larmes, la dame tente de se montrer réconfortante, je suis toujours triste, mais ça me réchauffe le coeur d'avoir quelqu'un qui cherche à me faire aller mieux. Je prends une gorgée de mon breuvage, le goût sucré du milkshake me remonte un peu le moral. Elle me fait signe de me lever, je le fais, continuant de prendre ma boisson, elle prend mon bras et m'emmène dans la petite cour du restaurant, il n'y a personne, nous nous installons sur un banc, sous les étoiles. Je commence à me sentir mieux, les minutes passent et le bâtiment se vide presque complètement, il doit rester une demi-douzaine de personnes, éparpillées entre les différentes parties de la pièce. Le petite cloche de l'entrée retentit, la dame se lève, me disant qu'elle revient tout de suite, qu'elle doit juste acceuillir les clients, je hoche la tête en mordant ma lèvre inférieure comme une petite fille, balançant mes jambes dans le vide.

Elle revient me voir, toute euphorique, elle me prend par la taille.
" Viens voir mon chou, il y a quelque chose qui devrait te faire plaisir, je vais te faire rencontrer des gens géniaux ! "
Je suis intéressée, je me lève et balaie les restes de maquillage qui ont coulé sur ma peau. Je regarde mes pieds alors que nous rentrons.
" Regarde, tu vas pouvoir faire le connaissance de Queen en direct ! "
Dit-elle, toute fière d'elle. Je relève le visage immédiatement en sentant les larmes remplir à nouveau mes yeux, j'ai un rire nerveux alors que mon regard croise celui de Roger, toujours aussi froid que tout à l'heure. Pauvre dame, elle qui croyait pourtant bien faire, je suis désolée pour elle.
" Je crois que ce n'est pas nécessaire, le batteur me déteste déjà. "
Elle comprend alors la situation et met ses mains devant sa bouche, je paie ma consommation et me dirige vers la porte d'entrée, je ne peux pas rester ici plus longtemps. Je me retrouve à nouveau à errer dans la rue à une heure du matin, je ne sais même pas où je suis, je suis crevée, je n'ai qu'une envie, dormir et oublier ce qui s'est passé ce soir. La nuit commence à être un peu fraîche et je n'ai pas de veste, la fatigue me pousse à bout. Un taxi passe à côté de moi sans me remarquer, cela m'énerve encore plus, je donne un coup de pied dans un mur en criant que j'en ai marre, mais personne ne m'entend, je suis toute seule et je dois régler mes problèmes comme une grande fille.

Je sais que ce n'est pas raisonnable, mais je sors une nouvelle cigarette de mon paquet, je tente de l'allumer, mais mon briquet est vide, décidemment, je suis poursuivie par la malchance ce soir, je n'en peux plus, j'entends alors une voix derrière moi.
" Besoin de feu ? "
Non. Ce n'est pas possible. Je me retourne et le vois là, debout dans la lumière faible d'un lampadaire, tenant son briquet entre ses doigts. Je range mon mégot et croise mes bras sur ma poitrine, je dois lui faire face après ce qu'il s'est passé. Il entrouvre les lèvres, le bout de son nez remue adorablement alors qu'il s'apprête à parler.
" Il faut que tu rentres chez toi Lucy, c'est dangereux de rester dehors à cette heure-ci, toute seule dans Londres. "
Je ris de manière ironique, comment je rentre sans voiture moi !? Roger s'approche de moi et prend mon poignet, je le retire violemment de son emprise, lui criant de ne pas me toucher. Il recule et tourne les talons, je pars dans la direction opposée à la sienne. C'est alors qu'un homme m'attrappe brutalement par la taille et me plaque contre un mur, m'empechant de bouger. Je lui mets un coup de genoux dans le ventre, il se tord de douleur mais continue de me tenir de plus belle en plantant ses ongles dans ma peau.  Je m'apprête à crier au secours, mais seulement un son étouffé parvient à sortir de ma bouche. Ce n'est sûrement pas assez pour que quelqu'un m'ait remarquée. Pourtant, j'entends des pas se rapprocher sur le trottoir.

Une silhouette assez mince avec de longs cheveux blonds se jette sur mon agresseur et lui donne un coup de poing en pleine mâchoire, je sursaute. L'homme riposte avec force, reprenant l'avantage sur Roger, j'essaie de l'aider, mais je suis vite à nouveau projetée contre le mur, je me cogne la tête et tombe sur mes genoux, j'assiste à la scène, impuissante. Les hommes se battent avec rage et se donnent des coups puissants, je me précipite vers la cabine téléphonique la plus proche et tente de prévenir la police, qui ne tarde pas à arriver. Les autorités se saisissent de mon agresseur. Le batteur tousse, je m'approche de lui, il est ouvert au niveau de l'arcade sourcilière, ce n'est pas très grave, mais les blessures au front saignent toujours beaucoup, et c'est assez impressionnant. Je sors un mouchoir de ma poche et le pose sur la plaie, je m'excuse au garçon, tout ça est de ma faute, si je l'avais écouté, ce ne serait jamais arrivé. Il essuie le coin de sa bouche avec la paume de sa main, sa lèvre inférieure a une légère égratignure aussi, et il a un hématome sur la joue. Je me sens pitoyable. Il me regarde de ses yeux bleus azur, il a retrouvé un regard plus doux, il remet une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
" Il faut rentrer maintenant, je vais te ramener. "
Je hoche la tête en l'aidant à se relever. Nous faisons le trajet jusqu'à sa voiture, puis partons jusqu'à mon appartement. Arrivés devant la porte, Roger me dit au revoir et se retourne, mais je le retiens par le bras.
" Monte avec moi, s'il te plait, je veux te soigner décemment, c'est à cause de moi si tu es blessé.
- Non Lucy, ne t'inquiète pas pour moi.
- Taylor, s'il te plait. "
Il me regarde dans le fond des yeux, puis me suit alors que j'ouvre la porte de l'immeuble, sans dire un mot.

The Drummer In A Rock'N Roll BandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant