The Drummer In A Rock'N Roll Band

10

" Eh, il était lourd ce carton ! "
S'exclame John en passant sa main sur son front, je ris un peu, pas étonnant, il a porté la boîte où nous avons rangé les cymbales. Évidemment, nous n'avons pas pu toutes les mettres dedans, il nous a fallu deux autres caisses, mes ça pèse déjà un poids considérable.
" Je te mets ça où, darling ? "
Me demande Freddie, tenant un coffre, il y a tous nos bijoux, à Rog et à moi, dedans. Ça représente aussi une masse importante. Je designe la porte de la salle de bains, de mon côté, je suis en train d'installer les meubles du salon, aidée de la femme de Brian. Ça commence à ressembler à quelque chose, mais sans l'aide de nos amis, on n'aurait jamais pu en faire autant en si peu de temps. Nous venons de passer deux semaines à faire de la peinture et des petits traveaux pour personnaliser un peu l'habitation. On a passé des heures dans les magasins de meubles pour acheter tout ce dont on avait besoin. Aujourd'hui est enfin le grand jour, et nous venons tout juste de poser notre dernier carton. Je ne sais même pas comment les garçons ont fait, mais rien qu'à quatre, ils ont réussi à déplacer ma cuisinière, j'y tenais vraiment et je ne voulais pas m'en séparer. Je vois Roger s'énerver dans la pièce à côté, il est en train de monter un meuble, et ça l'agace visiblement, ce qui me fait beaucoup rire. Freddie essaie de voler à son secours, mais il n'est pas plus doué, et ils finissent par se crier dessus, ça m'amuse énormément.

Les garçons et leurs copines partent, ils décident de nous laisser seuls, afin de profiter de notre "chez-nous ". Ça me fait vraiment bizarre, pour l'instant, tout n'est pas encore décoré, nous n'avons pris que le nécessaire, mais ça viendra. Nous nous laissons tomber sur le lit à peine monté. J'espère qu'il ne va pas casser, car vu comment Rog et Freddie se sont debrouillés, nous ne sommes pas à l'abri de quelque accident. Aparemment ça tient plutôt bien, le garçon me prend dans ses bras.
" Lucy, tu te rends compte qu'à partir de maintenant, on se verra tous les jours, et que personne ne pourra plus nous déranger ?
- Je ne sais pas trop, j'ai un peu de mal à réaliser. Tout est allé tellement vite. "
Nous restons silencieux pendant quelques instants, et le blond commence à jouer avec ma chevelure.
" Tu te rappelles, il y a trois ans, enfin presque quatre même, quand je jouais avec tes cheveux pendant les cours ?
- Oh oui, il n'y avait presque rien de mieux pour me distraire.
- Je les ai toujours trouvé très doux. Alors dès que je pouvais t'embêter, je le fasais.
- Eh tu sais quoi, Rog ?
-Non, dis moi.
- Le pire dans tout ça, c'est que j'aimais bien. "
Nous rions un peu, il sort son paquet de cigarettes et en porte une à sa bouche, je le tape sur le bras, hors de question qu'il fume dans la nouvelle chambre, je me lève et le force à en faire de même. Je pointe le balcon du doigt, il s'y dirige en grognant, alors que je le suis. Il s'appuie contre la rebord en fer forgé et allume son mégot.

Je m'approche de lui et prends discrètement un clope dans le paquet, rangé dans la poche arrière de son jean. Il se retourne, tenant toujours le briquet, il allume la cigarette, et nous restons là, à contempler notre nouveau cadre de vie. C'est vraiment appaisant, je me sens bien ici. Cependant, Roger a l'air d'être ennuyé par quelque chose, je le connais trop bien, et je sais qu'il est tourmenté, il regarde droit devant lui, les yeux un peu dans le vide. Je caresse son dos en lui demandant ce qui ne va pas. Il sort doucement de son état de somnolence.
" Tu sais, Bohemian Rhapsody n'a pas plu à notre producteur…
- Oh…je vois…c'est parce que c'est complètement nouveau pour lui, mais dans peu de temps, tu verras, ça ira, il changera d'avis.
- On a menacé la maison de disques de partir, parce qu'ils ne veulent pas sortir notre chanson en quarante-cinq tours. Sous prétexte qu'elle dure six minutes.
- Vous avez raison de ne pas vous laisser faire, c'est un chef d'oeuvre ce morceau."
Il me regarde, je peux voir dans ses grands yeux couleur azur qu'il est réconforté. D'autant plus qu'il sait que je suis honnête avec lui, ce n'est qu'une question de temps.

Une semaine est passée depuis que j'ai emménagé avec Roger, cet après-midi, je suis toute seule, les garçons ont décidé de faire une répétition dans leur studio, et de discuter de l'album. Je m'entraîne, je profite du fait d'être toute seule pour jouer de la batterie. J'entends alors le téléphone sonner. Je décroche, il s'agit de John, j' entends le reste du groupe s'énerver derrière, qu'est-ce qui se passe encore !?
" Lucy, excuse moi de t'embêter, mais il faut que tu viennes s'il te plait, on a quelques soucis ici.
- C'est quoi le problème ?
- Je t'expliquerai quand tu seras sur place, mais vraiment, on a besoin de toi...
- J'arrive."
Je ne sais pas ce qui est en train de se produire, mais j'ai l'étrange pressentiment que c'est en partie à cause de Roger. Je prends un taxi, qui me conduit en dix minutes jusqu'au lieu où se trouvent les garçons. J'entre dans le bâtiment sans frapper. John me voit et vient m'enlacer, Freddie et Brian en font de même, mais je ne vois pas Roger. Le reste du groupe a l'air visiblement très agacé.
" Qu'est-ce qui se passe ici, et où est Rog ?
- Dans le placard, darling. "
Répond Freddie en grinçant des dents. J'ouvre de grands yeux et le fais répéter, n'étant pas sûre d'avoir bien compris la première fois, mais si, c'est bien ça, il est dans le placard, celui situé en dessous de l'escalier.
" Mais qu'est-ce qu'il fout là-dedans !?
- Nous discutions de notre quarante-cinq tours, et nous devions choisir une face B pour Bohemian Rhapsody. Roger voulait imperativement que ce soit I'm In Love With My Car, mais…nous ne sommes pas vraiment d'accord.  Il s'est emporté et a dit qu'il resterait enfermé dans son putain de placard jusqu'à ce qu'on accepte. "
M'explique Brian, énervé. Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m'étonne absolument pas, en réalité, je trouve la situation ridicule et j'ai envie de rire, mais je dois garder mon serieux.

Je comprends qu'il faut que j'aille parler à Roger. Je marche jusqu'au placard et frappe doucement à la porte, sans même demander qui est là, le garçon répond aggressivement.
" Allez vous faire foutre ! "
Je m'éloigne de la porte un instant, mais je prends sur moi.
" Chéri…c'est moi, c'est Lucy…
- Oh…pardon…viens avec moi. "
Il entrouvre la porte du placard et je rentre avec lui, c'est plutôt grand en fait. Il est assis sur un petit tas d'oreillers, il a tout ce qu'il faut, de l'eau, de la nourriture, et une petite lampe de poche pour s'éclairer. On dirait qu'il s'est préparé à subir un siège.
" Tu as prévu de crècher ici combien de temps ? "
Dis-je en gloussant. Il me lance un regard noir, je crois qu'il est vraiment déterminé à faire la guerre aux garçons pour qu'I'm In Love With My Car soit la face B du quarante-cinq tour. Et pour être honnête, je n'ai pas envie de prendre partie pour quelqu'un, surtout que ce serait mal vu, je suis vraiment fan de la chanson de Roger, mais si je me place de son côté, on dira que c'est simplement parce que je l'aime. Non, je ne peux pas faire ça, je dois simplement être la médiatrice entre lui et ses camarades, je ne peux qu'essayer de les aider à faire la paix.

Au bout de quelques heures à faire mon possible pour négocier, je suis hors de moi. Personne ne veut se mettre d'accord, et Roger n'est toujours pas sorti de sa cachette, je pars du studio en claquant la porte, j'en ai marre d'eux, c'est vraiment une bandes de gamins ! Me voilà à chercher un taxi, à dix-huit heures, pour rentrer chez moi, c'est soit ça, soit je tue tout Queen à mains nues, en les étranglant avec violence. J'arrive à la maison et me fais du thé. Je ne sais pas comment ils ont réussi encore une fois, mais ils m'ont rendue malade, ça faisait un moment que je n'avais pas tant crié sur quelqu'un. Je m'asseois sur le canapé, j'ai un peu de fièvre. Finalement, ce n'est peut-être pas que de la faute des garçons. Je me doute que Roger ne rentrera pas ce soir, je décide donc d'appeler Chrissie, la compagne de Brian, qui est sincèrement devenue une de mes bonnes amies. Elle répond et me dit qu'elle me rejoindra aussi vite que possible.