[ Fevrier 1975 ]
Il pleut sur Londres, comme souvent j'ai envie de dire, nous sommes en hiver et il fait un de ces froids. Je suis assise sur mon canapé, les genoux repliés vers moi, un plaid enroulé autour de mon coprs, je tiens une tasse de chocolat chaud, le tout en regardant la pluie s'abattre sur les carreaux de la fenêtre. Malgré tout, je trouve que ce mauvais temps est appaisant, je me sens bien chez moi, à ne rien faire. J'entends que l'on frappe à la porte, je me dépêche d'aller ouvrir. Il s'agit de Roger, il est trempé de la tête aux pieds, je le prend dans mes bras et l'embrasse sur la joue. Je retire sa veste de ses épaules et la mets à sécher. L'eau coule de ses longues mèches dorées, pas plus coiffées que d'habitude. Je lui jette une serviette de douche sur le visage pour qu'il puisse essuyer ses cheveux, il va attraper la mort, ou au moins un méchant rhume. Il me reste du chocolat, j'en mets dans un mug pour lui et l'installe sur le canapé. J'ai l'impression d'être une mère avec son enfant de six ans. Je dépose un bref baiser sur ses lèvres, et je m'asseois à côté de lui, il s'appuie contre mon épaule. Oui, nous sommes toujours ensemble depuis cette fameuse nuit d'été où je lui ai révélé mes sentiments. Il sirote sa boisson alors que je caresse ses cheveux blonds.
" Qu'est-ce que tu fais ici ? "
Il redresse la tête vers moi, l'air tout innocent.
" Ça ne fait pas six mois qu'on est ensemble aujourd'hui ? "
Dit-il, n'ayant plus l'air très sûr de lui. J'entrouvre les lèvres, si, il a raison, et moi, j'avais complètement oublié.

" Oui c'est vrai…et ça se fête !
- Oui, je pensais t'emmener quelque part, mais avec ce temps cest compliqué. "
Je me lève d'un bond pour aller me préparer correctement. Je reviens dix minutes plus tard, Roger est toujours assis sur le canapé, il me regarde, je porte un pull noir avec un pantalon droit un peu large, et bien évidemment, une paire de converse de couleur noire aussi. J'ai brossé mes cheveux et me suis un peu maquillée, je suis prête à aller n'importe où. Le garçon se lève et vient m'enlacer. Nous nous mettons d'accord pour aller voir un film. Nous partons donc pour le cinéma. Une fois la petite sortie terminée, on dirait qu'il ne fait pas plus beau, il est encore tôt, et je n'ai pas très envie de rentrer pour l'instant.
" Dis-moi Lucy, est-ce que tu as parlé de notre relation à tes parents ?
- Pas encore, je n'en ai pas eu l'occasion.
- C'est peut-être le bon moment pour le faire. "
Je hoche la tête, je sais que mes parents vont l'apprécier, je n'avais juste pas encore trouvé comment aborder le sujet, mais aujourd'hui est un jour parfait pour leur présenter Roger. Je guide donc le garçon sur la route, jusqu'à ce que nous arrivions devant une jolie maison avec un grand jardin, il gare sa voiture juste devant le portail, nous y sommes. Nous descendons, je prends son bras et nous marchons ensemble jusqu'à la porte d'entrée. Je sonne, il pleut toujours autant, heureusement, sous le porche, nous sommes à l'abri.

Ma mère ouvre la porte, elle me regarde en arquant un sourcil.
" Enfin. "
Dit-elle sur un ton légèrement moqueur avant de me prendre dans ses bras avec tendresse, elle embrasse ma joue et accueille chaleureusement Roger.
" Je suis désolée de ne pas avoir téléphoné avant de venir maman.
- Mais voyons Lucy, depuis quand doit-on téléphoner avant de rendre visite à ses parents ? Tu sais que tu peux venir quand tu veux, avec qui tu veux. "
Elle me fait un clin d'oeil. Mes parents m'ont eue très tôt, ma mère n'avait que dix-neuf ans, et mon père vingt-et-un, ce qui fait qu'ils sont encore jeunes, et sont très loin de l'image traditionnelle de la famille parfaite. J'ai grandi avec une famille à l'esprit très ouvert, avec un père et une mère rejettés par leur propre sang à cause de leurs choix, mais je n'ai jamais été privée de rien. Malgré leur côté bohème, mes parents ont toujours travaillé très dur pour réussir, tout en devant m'élever en même temps. Ils ont voulu monter leur propre entreprise, qui a connu un essort phénoménal il y a une vingtaine d'années, alors que j'étais encore toute petite. Comme quoi, on peut très bien s'en sortir, même en ayant des enfants à  tout juste vingt-ans. Nous allons vers le salon, mon père, qui était en train de dessiner, se lève et vient me voir, il me prend dans ses bras et me décoiffe, il serre la main du blond, aussi agréable que possible. Nous nous installons sur le canapé, ma mère nous rejoint.
" Bon ben, papa, maman, je vous présente Roger Taylor, un ancien camarade de classe, mais avant tout, mon petit ami.
- Je crois que j'ai déjà vu ce jeune homme à la télévision, il est plutôt connu. "
Dit ma mère, sûre d'elle. Mon père me jette un journal dessus, je l'attrape et lis le titre :

"Roger Taylor, le batteur de Queen, dans une relation sérieuse. "

Je regarde le papier pendant quelques secondes.
" Oh, alors vous saviez déjà. "
Mes parents hochent la tête alors que Roger me regarde en souriant.
" Pourquoi tu ne lui montrerais pas ta chambre pendant que je vais préparer quelque chose à manger ?
- Oh maman tu n'as pas besoin tu sais.
- Chut, jeune fille, file montrer tes appartements à ce charmant garçon. "
Je crois que je n'ai pas vraiment le choix. Je me lève et prends le batteur par le poignet, l'emmenant vers l'escalier. Nous traversons le premier étage, ce n'est pas notre arrêt final, il y a une porte au fond du couloir, donnant sur d'autres marches, menant jusqu'au grenier. Nous montons et arrivons. Les murs sont blancs, les meubles noirs et la décoration plutôt rose. C'est une chambre assez girly, mais avec beaucoup de touches rock. Le grenier est immense et j'ai même ma propre salle-de-bains. Il y a toujours beaucoup de lumières dans ma chambre. C'est alors que Roger la remarque, ma batterie, une "Premier" de la plus haute qualité possible, brillante avec des reflets colorés. On dirait qu'elle est couverte de paillettes. Il la regarde en ouvrant de grands yeux, il s'assoit sur le tabouret et prend mes baguettes.
" Je peux l'essayer ?
- Fais comme chez toi. "
Dis-je en me laissant tomber en arrière sur mon grand lit, toujours aussi confortable. Il commence à jouer un solo, ici il peut frapper aussi fort qu'il veut, il ne dérangera personne, il en profite. Il montre tout le talent qu'il a, il m'impressionne toujours autant, je le regarde amoureusement. Je me lève, allume une cigarette et ouvre la fenêtre, je regarde au loin, tout en écoutant toujours le blond. Il arrête de jouer et vient derrière moi, me prenant dans ses bras. Je souris alors qu'il enfouit sa tête dans mon cou. Je passe mes doigts dans ses cheveux.

" Je suis désolée si ma famille peut te paraître un peu extravagante et hors du commun, ça fait des années que je n'emmène plus d'amis, la dernière fois, on s'est moqué de mes parents, parce qu'ils étaient très jeunes, et parce qu'ils agissaient en tant que tels, pas comme des adultes sévères et responsables.
- Moi je les adore, Lucy, tu as des parents qui t'aiment plus que tout et qui donneraient n'importe quoi pour que tu sois heureuse."
Il se tait et prend une grande inspiration. Je me retourne et le prend dans mes bras, embrassant le haut de sa tête et caressant son dos. Il n'en parle presque jamais, mais ça n'a pas toujours été facile chez lui, ça a même plutôt été un enfer pendant une certaine période, pour être honnête.
" Eux aussi ils t'adorent, je l'ai vu immédiatement. Et tu peux leur demander ce que tu veux, ils se plieraient en quatre pour toi, tu fais partie de la famille, Rog, et tu es ici à la maison. "
Il me regarde, l'air un peu triste et perplexe, me demandant si c'est vrai. Je prends son menton entre mon pouce et mon index, je relève sa tête et lui souris.
" Je peux te le jurer. "
Son visage s'éclaire un peu, puis il retrouve son caractère joyeux habituel, alors que je l'embrasse. Il me porte et me jette sur le lit, j'éclate de rire, je ne m'y attendais absolument pas. Il me rejoint alors, nous nous calmons et regardons le plafond sans rien dire. Je suis bien, et je sais que lui aussi, nous n'avons même plus besoin de parler, la simple présence de l'autre près de nous à le pouvoir de nous rendre heureux. Ma mère nous appelle.
" Bon Rog ! J'espère que tu aimes le caramel parce que j'ai fait une tarte au caramel…et au chocolat. "
C'est vrai que maintenant qu'elle le dit…ça sent dans toute la maison. Je regarde le garçon.
" Tu vois, ma mère est déjà folle de toi."
Nous ne perdons pas de temps et descendons manger, j'ai vraiment faim, et je crois bien que ce gâteau est mon préféré.

Nous avons passer une journée géniale chez mes parents, mais à présent, il faut rentrer, et je suis un peu triste de partir. Sur le pas de la porte, ma mère me prend contre elle, puis elle enlace Roger.
" Merci pour tout, Madame Harper.
- Oh mais n'importe quoi, ce n'était rien. Et appelle moi Margaret. "Madame" ça me donne l'impression d'être une grand-mère !"
Roger laisse échapper un éclat de rire.
" Venez passer quelque jours ici la prochaine fois.
- Oui maman, c'est promis. "
Le batteur et moi remontons dans la voiture pour rentrer sur Londres, mais cette journée loin de tout nous a fait énormément de bien.

The Drummer In A Rock'N Roll BandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant