Chapitre 22 : Le bloc

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POINT DE VUE D'INES

Quand Billie est revenue vers moi après être sortie du bureau de monsieur Adam, elle avait le regard à la fois pétillant et abattu. J'étais assise sur les marches dans le hall, à discuter avec quelques filles de notre classe.

"- Ça va mon ange? T'es bizarre.

- On a quel cours après?

- Anglais. Tu veux sécher?

- Absolument. Faut que je te raconte tout, et ça peut vraiment pas attendre.

- Non mais y'a pas de problèmes, t'inquiète pas. Si y'a bien un cours qu'on peut sécher, c'est l'anglais. Allez viens, je t'emmène au bloc."

Le bloc, c'est notre petit endroit, rien qu'à nous. C'est une petite ruelle, à côté du lycée, près d'un jardin. Il y a quelques marches, et on y vas souvent toutes les deux se ressourcer, quand on a besoin de s'échapper du lycée, du quotidien. Avant d'être avec Billie, c'est là que je me rendais pour fuir la réalité quand elle devenait trop dur à affronter. Je restais assise à rêver, à me construire un monde parallèle.

Après avoir dit au revoir au filles avec nous, on quittait notre place, main dans la main.

"Hey, Billie!" C'était Théo Lee qui l'interpellait.

"Qu'est-ce qu'il y a?

- Tout à l'heure je suis passé dans le couloir administratif, et j'ai entendu le proviseur te gueuler dessus. Alors comme ça on fait des conneries?

- Mêle toi de tes affaires.

- Tu sais, tout finit par se savoir un jour.

- Exactement."

Sur ces mots, on tournait le dos en s'éloignant. Depuis qu'on s'est mises ensembles, ce mec n'a pas arrêté de nous chercher. On n'a jamais cherché à le confronter, mais on ne s'est jamais rabaissées pour autant.

On marchait en silence dans les rues de la capitale. Je ne voulais pas la brusquer, j'attendais qu'elle aborde le sujet. Les minutes défilaient, le soleil nous caressait la peau. On déambulait jusqu'à arriver à notre petit jardin secret.

On s'asseyait, toujours en silence. Elle était assise sur la marche en dessous de la mienne, et avait sa tête posée sur mes genoux, je lui faisais des papouilles dans les cheveux. Un reniflement vint briser notre mutisme.

"Bébé! Pourquoi tu pleures? Qu'est-ce qui ne va pas?" Elle se redressa et me regarda, les yeux rouges, le menton humide.

"- C'est juste que j'ai beaucoup appris aujourd'hui. Et même si je suis soulagée, c'est assez délicat d'apprendre ça, tu vois? J'ai été forte face à lui, et je dois continuer à l'être. Mais je ne sais pas ce que je dois faire.

- Et si tu me racontais ce qu'il s'est passé? Je pourrais peut-être t'aider à prendre une décision. Et tu sais, je te l'ai déjà dis, mais tu as le droit de ne pas être forte tout le temps.

- Oui, je sais. T'es trop mignonne."

Elle remontait d'une marche afin de s'asseoir entre mes genoux. Je posais mes mains sur ses clavicules, elle jouait avec mes doigts. Je me penchais pour l'embrasser sur le cou avant de lui chuchoter "I love you" à l'oreille. Elle ne dit rien, mais je la vis sourire. Elle commençait à me détailler son entretient.

"Qu'est-ce que j'aurais aimé être avec toi à ce moment, te voir lui tenir tête, tout ça. Tu devais être très sexy. J'adore ton petit côté rebelle, tu sais bien.

- Oh que oui."

On commençait à partir en fou rire, à repenser à quelques instants d'intimité où j'avais pu lui montrer à quel point je pouvais aimer ce côté de sa personnalité.

Une fois notre fou rire terminée, elle poursuivait son récit.

"Mais tu vois, ce qui me tracasse, c'est que j'ai un moyen de pression. J'ai une preuve. Il a tout avoué et je l'ai enregistré. Mais si je publie cet enregistrement, il nous dénoncera. Non mais c'est vrai ça, en plus de ça comment on a pu ne pas penser à mettre des gants! La police a sûrement déjà relevé nos empreintes!

- On était bourrés. C'est une raison assez excusable, tu penses pas? Quelqu'un t'a déjà relevé les empreintes?

- Non.

- Moi non plus. Alors n'aies pas peur pour ça.

- Mais Jahseh! Il va se faire attraper! Ils vont savoir que c'était lui!

- Oh. Merde. J'y avais pas pensé. Bon, écoute, notre priorité c'est cet audio. Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement?"

Elle repassait l'audio, et une idée germa dans mon esprit. Les paroles tournaient en rond.

"Vous ne publiez pas cet audio, j'oublie mes menaces."

"Vous ne publiez pas cet audio, j'oublie mes menaces."

Mais bien sûr!

"Billie! Je sais ce qu'on peut faire!

- Tu m'as fait peur! Bah ne me regarde pas comme ça, dis moi!

- Il a dit mot pour mot "Vous ne publiez pas cet audio." Il s'adressait à toi. Et à toi seule. Mais dans ce cas là, n'importe qui d'autre peut le rendre public!"

Billlie Eilish... memento mori!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant