*Il était une fois dans un petit village*

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[Seize ans plus tard]

- Médée, Grainné, Atalante, prenez ce panier avant de partir, sinon vous allez mourir de faim en pleine forêt.
- Tu as raison maman, répondit sagement Médée.
Les trois amies se rapprochèrent de la jeune femme et Grainné se saisit du panier
- Tout de même, ne rentrez pas trop tard, compris?
- Oui, ne t'en fais pas tante Isil. La rassura Grainné.
Elles la saluèrent une dernière fois avant de s'aventurer en courant dans la forêt bordant le petit village de Fiore.
- Elle est quand même drôlement gentille ta mère Médée ! Lança Atalante.
- La tienne aussi n'a rien à lui envier, c'est la femme la plus douce que j'ai jamais connue ! Et en plus, elle est très jolie !
En effet, la mère d'Atalante était réputée pour posséder une beauté hors du commun, dont sa fille avait bien évidemment hérité. Elles étaient surtout reconnues pour leur magnifique chevelure blonde comme le blé, qui faisait leur fierté.
- Eh les filles, et si on se posait ici ? Proposa Grainné.
- Bonne idée !
Elles passèrent le reste de l'après midi à parler et à rigoler, et ne rentrèrent que tard dans la soirée.
- Médée, Grainné, à table !
- On arrive !
Le repas se passait dans le silence le plus total, jusqu'à ce que Médée prenne la parole.
- J'ai entendu dire que l'empire de Parthévia voulait déclarer la guerre au royaume de Fianna.
- Et où as-tu entendu ça ? Questionna Isil.
- C'était pas au marché de Forenusia ? Proposa Grainné.
- Si, il me semble que c'était là-bas. Maman, t'en penses quoi ?
- J'avoue que si c'était le cas, ça ne m'étonnerait pas le moins du monde. Toutefois, si cela venait vraiment à arriver, alors la Terre serait ravagée par la mort, et ne deviendrait qu'un enfer de flammes.
- Pourquoi ?
- C'est simple : parce que les dieux s'en mêleraient. Ah, on me pendrait si on m'entendait dire ça mais, il faut que vous sachiez que les dieux n'apportent aucune importance à l'homme en lui-même, mais à l'humain. Peu importe les morts, il y aura toujours des hommes et des femmes pour repeupler la Terre. De plus, ces guerres que nous prenons au sérieux, eux ne les voient que comme de simples jeux, un moyen de se prouver qui est le plus fort, et qui possède les meilleurs jouets.
Grainné ne savait pas quoi répondre, et Médée n'était pas du même avis.
- Je pense que tu te trompe maman : les dieux sont bons et généreux, et nous protègent du mal. Et puis, ce sont eux qui nous ont créé, et tout parent aime ses enfants, n'est-ce-pas ?
- Tu as peut-être raison. Avoua Isil. Mais n'oublie pas que le démon est un ange déchu : les dieux ne sont pas toujours ce qu'ils paraissent être.
Le dîner se termina sur cette note amère qui laissa le doute s'installer dans les cœurs de chacune.

                            ~~~

- Médée, tu dors ?
- Non.
Les deux jeunes filles se retournèrent dans leurs lits, et se firent face de leurs sourires malicieux.
- Dis Médée, tu vas le revoir demain ?
- Oui, on s'est donné rendez-vous en haut de la colline.
Elle hésita.
- J'ai un peu peur...
- Pourquoi ? S'étonna Grainné.
- Baldr est un dieu, et il est si beau et étincelant, j'ai peur qu'il se lasse de moi et qu'il finisse par me délaisser...
- Ça n'arrivera pas : personne ne peut se lasser de toi. Tu es si pure et si gentille ! Une fois qu'on t'a rencontré, on ne peut plus t'abandonner ! Tu as ce don de te faire aimer des gens, qui est si puissant que tu rayonnes au moins autant qu'une déesse. Même le dieu Baldr ne pourra se détourner de toi !
Médée sourit.
- Merci Grainné…
- Tu n'as aucune raison de me remercier, ce n'est que la stricte vérité...
Ce fut sur ces mots pleins de tendresse que les jeunes amies s'endormirent profondément.

                               ~~~

- Elle est encore allée voir son prince charmant ?
- Eh oui…
- Ahaha je m'en doutais !
- Et toi Atalante, tu ne vois personne ?
- Moi ? Tu plaisantes ?! Tous les garçons du village sont plus faibles que moi ! Franchement, ils devraient avoir honte...
Grainné rigola, puis leva les yeux vers le ciel.
- Je me demande... Où se trouve Asgard... Si nous les humains ne pouvons y aller, comment les dieux font-ils pour s'y rendre sans que nous ne les ayons jamais vus ?
- C'est une bonne question. Les anciens parlent du « Bifrost », mais honnêtement, je ne sais pas ce que c'est.
- C'est peut-être une sorte de porte magique, on un pont que seuls les dieux peuvent traverser…
- Oui, tu dois avoir raison...
Les deux jeunes filles restèrent silencieuses un long moment, profitant du calme apaisant des plaines de Fiore.
- J'avais presque oublié, lança soudain Atalante, mais c'est bientôt notre anniversaire…
- C'est vrai, tu as raison. Qu'est-ce que ça passe vite... C'est quand même drôle qu'on soit toutes les trois nées le même jour !
- Ouais, tu parles d'une coïncidence !
Grainné sourit.
- J'ai hâte d'y être.

                              ~~~

- Vous êtes encore plus belle qu'hier Médée.
- Ne dites pas ce genre de choses, vous allez me faire rougir…
- Je ne dis pourtant que la stricte vérité.
Médée ne répondit rien, bien que ses tendres mots ne la laissaient pas indifférente.
- Il fait vraiment magnifique aujourd'hui ! Lança-t-elle joyeusement. En plus, la vue est vraiment sublime !
- Oui, mais la vue est encore plus belle à Asgard.
- Je veux bien vous croire...
Elle l'observa un long moment, mémorisant chaque partie de son corps, chacun de ses muscles, ses cheveux blonds qui virevoltaient grâce au vent, ses petits yeux bleus dans lesquels n'importe quelle dame se perdrait, sa petite moustache taillée à la perfection, tout. Elle avait cette peur constante qu'il lui soit enlevé, que leur bonheur soit éphémère, qu'aujourd'hui elle rit et demain pleure. Alors sans se contrôler, sans même s'en rendre compte, elle posa sa main sur la sienne et la serra d'une forte tendresse.
- Médée…
- Pardonnez-moi Baldr, mais je dois vous faire part de mes craintes, car sinon elles me dévoreront…
- Allez-y ma chère.
- M'aimez-vous ? Car moi je vous aime, depuis le premier jour, et je ne saurai me défaire de cet amour... J'ai peur que vous renonciez à moi, et que je me retrouve seule, dans un chagrin que personne ne pourra consoler...
Un air triste s'afficha sur le visage du dieu, puis fut balayé par un sourire lumineux.
- Je vous aime, soyez-en certaine. Il n'y a rien d'autre en ce monde que je désire plus que vous. Et jamais je ne pourrais délaisser ce visage angélique et ce sourire ensorceleur.
- Baldr...
Il ne la laissa pas finir et l'embrassa passionnément.

                            ~~~

- Joyeux anniversaire !
- Merci !
Autour de la table étaient aujourd'hui réunies Grainné, Médée et Atalante, ainsi que leurs mères, Isil et Trecy, pour fêter avec gaieté leur seizième anniversaire.
- Allez, prenez votre cadeau maintenant ! Cria Trecy, la mère d'Atalante.
Bien que leurs moyens furent limités, les deux jeunes femmes avaient tout de même réussi à leur offrir chacune un pendentif en forme de lune.
- Ils vous plaisent ?
- Ils sont parfaits. Répondit Médée.
- Ouais en plus on a les mêmes ! S'écria Atalante.
- C'est un peu comme un collier d'amitié... Souffla Grainné.
- Bon, si vous êtes contentes, alors tout va bien ! Se rassura Trecy. Maintenant rapprochez vos assiettes que je vous serve du gâteau !
- Oui !
Isil se dirigea lentement vers Grainné, et l'attrapa par l'épaule.
- Grainné, peux-tu venir un instant ?
- Bien sûr !
Elles s'écartèrent alors du petit groupe et Isil sortit une enveloppe jaunâtre de sa poche.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est une lettre de ta mère, qui t'es adressée. Je ne t'ai pas souvent parlé d'elle, mais je t'ai dis qu'elle avait dû quitter le village pour ton bien. Je ne sais pas ce qu'il se trouve dans cette lettre, mais elle voulait que je te la donne quand tu aurai seize ans, et c'est chose faite. À toi de décider si tu veux la lire, ou si tu préfères faire comme si elle n'avait jamais existé.
Grainné se saisit de la lettre et la fixa un moment, pendant qu'Isil rejoignait les autres, la laissant dans ses pensées les plus intimes. Elle finit par la ranger à son tour dans une des poches de sa robe.
- On verra ça plus tard, ça peut attendre.
Puis elle regagna la table du petit salon, où se trouvait à son sens sa vraie famille.

                              ~~~

- Tu es sûre que tu ne veux pas l'ouvrir ? S'étonna Atalante.
- Pour l'instant, oui. Je préfère penser à autre chose que la mère que je n'ai jamais eu.
Grainné se tourna vers l'une des épiceries de Forenusia, un village près de Fiore, mais faisant au moins deux fois sa taille.
- Médée, tu as bientôt fini ?
- Oui presque, j'arrive !
Moins de deux minutes plus tard, la jeune fille sortit un sac plein à la main.
- C'est bon, on peut y aller !
Les trois amies se baladaient tranquillement dans les rues ensoleillées de ce patelin qu'elles aimaient tant. Soudain une énorme et indomptable foule attira leur attention, et elles finirent par s'y mêler. Elles aperçurent alors une grande femme aux cheveux blonds lui arrivant aux épaules, face à une somptueuse table d'échecs.
- Je me répète une dernière fois : je donnerai trois pièces d'or à quiconque sera capable de me battre à ce jeu !
Personne ne répondit à sa proposition.
- Moi je veux bien essayer.
- Médée ?!
Grainné et Atalante n'en croyaient pas leurs yeux. Pourquoi Médée faisait-elle ça ? Qu'avait-elle en tête ?
- Médée, je ne pense pas que ce soit une bonne idée... Souffla Atalante. On a promis à ta mère de rentrer tôt...
- Ne vous inquiétez pas, ce n'est qu'une partie d'échecs, ça ne prendra pas longtemps. Les rassura Médée. Je vous promets de faire vite.
Sans leur laisser le temps de répondre, elle s'avança vers sa nouvelle adversaire, s'installa et le jeu débuta.

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