*Sentiments*

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Médée était assise devant la cheminée, et observait les flammes danser. Depuis que Frigga était morte, Baldr avait perdu sa joie de vivre, et la jeune femme en était ravie, bien que désormais ses journées étaient dominées par l'ennui. Et elle devait y remédier.
Il était onze heures quand le dieu se décida enfin à sortir de sa chambre. Sa peau était pâle, ses yeux livides et ses cernes creusées. Il n'avait plus rien de lumineux.
- Bonjour. Souffla-t-il à sa fiancée.
Elle lui répondit tout aussi poliment, et lui apporta une tasse de lait chaud.
- Médée, commença-t-il, je vais m'absenter pour la journée.
- Et qu'allez-vous faire si ce n'est pas trop indiscret ?
- Je vais à Asgard, me recueillir sur la tombe de ma mère.
- Je comprends.
Après un léger moment d'hésitation, elle se lança enfin.
- Puis-je venir ?
Il paru très surpris, et elle compris qu'il lui fallait lui donner une explication.
- Je me sens vraiment coupable pour ce qui est arrivé : j'étais avec elle et je n'ai rien pu faire ! Si vous saviez comme ça me ronge...
Baldr sourit, attendri.
- Je vous comprends... Alors c'est d'accord : allons-y ensemble.
Médée, satisfaite, se dirigea vers sa chambre pour se préparer.

La traversée du pont fut aussi éprouvante que la première fois pour la jeune femme, mais lorsqu'ils arrivèrent enfin à Asgard, la simple vue du sourire angélique d'Heimdall effaça le moindre de ses tracas.
Baldr le salua rapidement, et emmena aussitôt la sorcière sur la tombe de Frigga.
Il se lamenta près d'une heure, pleurant le nom d'une femme qui ne reviendrai malheureusement pas.
Médée, quant à elle, commençait à regretter la tranquillité du chalet.
- Médée... Si cela ne vous dérange pas, j'aimerai être un peu seul...
« Enfin ! »
- Comme vous voudrez...
Elle se releva.
- Je vous attendrai au pont.
Elle s'éloigna et traversa la cité en direction du Bifrost, et de son gardien Heimdall. Elle n'avait cessé de penser à lui, et de se remémorer leur discussion. Une multitude de questions fusaient dans sa tête rien qu'à l'entente de son nom, et elle mourrait d'envie de le revoir.
Le bonheur s'empara alors de son être lorsque la grande silhouette du gardien lui apparu au loin.
- Vous n'avez pas bougé d'un pouce depuis la dernière fois. Plaisanta la jeune femme.
- Vous voyez, je ne vous avais pas menti !
Médée sourit. Comment se faisait-il qu'elle se sente aussi bien auprès d'un dieu, alors que ce n'était que leur deuxième entrevue ? Oui, elle ne ressentait aucune haine pour lui, bien au contraire...
- Il y a une question que je me pose depuis notre dernière rencontre... Avoua-t-elle.
Il posa son regard sur elle.
- Je crois me douter de ce dont vous souhaitez me parler. Lui confia-t-il à son tour.
- Alors je ne vais pas y aller par quatre chemins : que vous arriverait-il si jamais tous les dieux d'Asgard venaient à disparaître ?
Il sourit.
- C'est bien ce que je pensais... Soupira-t-il. Eh bien... je suppose qu'il serai normal que vous sachiez la vérité.
Il inspira profondément, et s'assura que personne, à part eux, n'était présent sur le pont.
- S'ils venaient à tous mourir, je serai libre. Asgard disparaîtrai complètement, et je pourrais enfin me rendre sur Terre.
- Alors ça vous arrangerait que les Inhumaines exterminent les dieux.
- Comme je vous l'ai sûrement déjà dit, je ne souhaite la mort de personne, mais je ne vous empêcherai pas d'accomplir ce que vous pensez nécessaire.
Médée avait bien saisit son message : l jour où Odin et ses semblables mourraient, alors sa vie à lui commencerai enfin, il serai libre et pourrait réaliser son rêve : se rendre sur Terre.
- Je ne vous comprends pas... Si j'avais passé ma vie enfermée ici, côtoyant mes bourreaux tous les jours, j'aurai fini par... Oui, vous êtes un véritable mystère pour moi : je ne vois dans votre regard aucune haine, pas même un peu de rancœur, il n'y a que de la tristesse.
- Détrompez-vous, j'en ai. J'ai de la rancœur envers un seul et même homme, à qui je ne l'ai pourtant jamais montré. C'est lui qui a rendu mon emprisonnement ici insupportable.
Médée ne pouvait ne lâcher du regard. Il paraissait si accablé... Ça lui déchirait le cœur.
- De qui... s'agit-il ? Tenta-t-elle.
Il sourit de nouveau. Un sourire triste, comme il en avait le secret.
- J'ai à mon tour une question à vous poser : vous souvenez-vous de votre rencontre avec Baldr ?
La jeune femme fut extrêmement surprise. Où voulait-il en venir ?
- Oui, c'était sur la route entre Forenusia et Fiore : je rentrais des courses et...
- Une de vos cinq pommes s'est échappée du sac, et c'est bien évidemment lui qui est venu à votre aide.
- En effet. Vos yeux et votre mémoire sont décidément incroyables. Mais j'ai l'impression que nous nous éloignons de l'essentiel.
- Non, rassure-vous.
Il vérifia une dernière fois que personne n'approchait.
- Je vais vous raconter une petite histoire. Vous n'êtes pas obligée de la croire, mais je vous demanderai de ne pas m'interrompre avant qu'elle soit terminée.

« Je dois bien avoir un millier d'années. En fait, j'ai rapidement arrêté de compter, ne supportant plus le poids du temps. Les autres dieux pouvaient sortir, découvrir le monde, l'univers s'ils le voulaient ! Mais pas moi. J'étais là lorsque les humains sont apparus, et j'ai suivis leur évolution. Ils me fascinaient. Leur vie était si courte, et pourtant ils en profitaient tous à leur façon. Certains volaient et d'autres tuaient, mais je m'en fichais complètement, ils étaient ce que je n'étais pas : humains, et surtout libres. Je les adorais. Ils étaient merveilleux. Je me plaisais à les observer. C'était tout ce don j'avais besoin. Mais un jour, tous les dieux reçurent un message : c'était la « Grande Prophétie ». Autrement dit, la mise en garde face aux Inhumains.
Odin m'a alors ordonné de tous les retrouver, et c'est ce que j'ai fait. Mais... je leur ai fait croire que j'avais échoué : à l'époque, ils n'étaient tous que des nourrissons, il était hors de question que je cause leur mort !
Malheureusement, peu de temps après, deux d'entre eux ont été dénoncés et tués. Ça m'a anéanti. Je me suis alors tourné vers les trois Inhumaines qui avaient échappé à ce funeste destin. Je les ai observé grandir, et la solitude qui s'était emparée de mon cœur m'a quitté peu à peu. Elles son devenues de magnifiques jeunes filles, bien qu'à mes yeux l'une d'entre elle était plus sublime que les autres. J'ai fini par en tomber follement amoureux. J'ai délaissé l'humanité toute entière, et passais mes journées à l'admirer. Ce qui ne passa pas inaperçu auprès de mes quelques amis Asgardiens. Ce fut Baldr qui fini par m'en parler.
- Dis Heimdall, qui est-ce que tu observe à longueur de journée ?
Je me souviens parfaitement avoir rougi ce jour là.
- Q-qui te dis que j'observe une personne en particulier ?!
Il en rigola fortement.
- Tu as le regard d'un homme amoureux.
J'étais dos au mur. Il m'avait percé à jour.
- Elle s'appelle Médée. Elle est vraiment... merveilleuse.
Il rit de plus belle.
- C'est bien la première fois que je te vois comme ça ! Parles-moi un peu d'elle, ça m'intrigue.
J'ai ensuite passé des heures à lui décrire la femme dont j'étais tombé sous le charme. Un jour, il prononça ces mots que je n'oublierai jamais :
- Heimdall, je me rends sur Terre pour voir cette femme qui fait battre ton cœur. Je lui parlerai de toi et elle t'aimera.
Mais comme on peut s'en douter, il n'en fit rien. Il s'absenta de nombreux mois, pendant lesquels je l'observais séduire la femme que j'aimais. Quand il revint enfin, ils étaient fiancés. Ce jour-là, il ne me regarda même pas, il me passa à côté et m'ignora pendant deux années. Et moi, je l'ai maudis en pleurant le nom de celle qu'il m'avait arraché. Il m'avait prit la seule chose que je possédais : mon amour pour elle. »

- Depuis ce jour je le hais de toute mon âme, bien que je sache que vous le détestez désormais tout autant que moi.
Un rire sinistre s'échappa de ses lèvres.
- Tout ça peut paraître insensé, mais...
Il s'agenouilla, empoigna délicatement la main de Médée et la baisa tendrement.
- Je vous aime d'un amour pur et sincère.
Elle rougit et son cœur cessa de battre, le temps d'un instant.
- Heimdall...
Elle ne su pas quoi dire de plus. Des papillons pleins le ventre, et la gorge nouée par l'émotion, elle caressa la joue du grand roux. Oui, elle l'aimait. Il lui avait fallu qu'un regard. Lui, elle l'aimait vraiment. Il fini par se relever, et se contenta de sourire, inondé d'un bonheur nouveau. Ils ne parlèrent pas. Ils n'en avaient pas besoin.
- Médée ? Heimdall ? Que faites-vous ?
Les deux âmes-sœurs se tournèrent vers leur nouvel interlocuteur : Baldr. La panique s'empara de Médée ? Que devait-elle faire ? Que devait-elle dire ? Son corps se mit à trembler, et ses jambes allaient lâcher.
- Je n'avais pas encore eu le temps de vous féliciter pour vos fiançailles, notre première rencontre ne se prêtant pas à ce genre de réjouissances. Affirma Heimdall avec une confiance insoupçonnée.
Médée était bouche bée face au naturel du gardien, et Baldr ne savait pas vraiment quoi en penser.
- Bon, nous devrions y aller. Lâcha-t-il à l'attention de sa fiancée.
- Comme vous voudrez.
À contre cœur, Heimdall ouvrit le portail, et encra son regard dans celui de la jeune femme. Ils profitèrent de ces derniers instants, car ils savaient parfaitement qu'après cet incident, ils ne se reverraient plus jamais.

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