*Un jour de printemps*

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Un silence de mort régnait sur Asgard. Heimdall fixait l'horizon, les mains tremblantes. Baldr était rentré quelques heures plus tôt, portant à bout de bras le corps sans vie d'Héla. Les deux hommes ne s'étaient pas adressé la parole : les masques étaient tombés.
Le dieu était préoccupé. Il n'osait pas regarder ce qu'était devenue Médée, et avait aussi bien peur pour sa bien-aimée que pour lui. Il avait toujours souhaité mourir, pour mettre fin à son calvaire, mais plus aujourd'hui. Il ne voulait pas, il pouvait pas. Pour elle, il devait vivre et la retrouver : c'était tout ce qui lui importait.
- Heimdall !
Le grand roux sursauta et se retourna. Une grande blonde lui faisait face, le toisant du regard.
- Qu'y a-t-il, Nanna ?
- Tu es demandé au palais.
- Pardon ? Non, tu dois faire erreur...
- Nullement.
Heimdall ne comprenait pas. Il avait pour ordre de ne jamais quitter ce pont, et ce depuis des milliers d'années.
- Je ne peux pas. Odin m'a ordonné de surveiller le Bifrost.
- Cet ordre vient aussi de lui. Les dieux vont se réunir pour traiter le cas des Inhumains, et tu es bien évidemment convié. Le roi a des questions à te poser.
Son corps se figea. C'était la fin. Baldr avait dû tout avouer, et il allait se faire exécuter publiquement.
- D'accord, je te suis.
Par un effort surhumain, il parvint à se déplacer jusqu'à la demeure d'Odin, où tous les dieux d'Asgard l'y attendaient.
Lorsqu'il arriva à destination, il balaya rapidement la salle du regard : tous le dévisageaient comme s'il le voyaient pour la première fois, Baldr était installé dans un coin, livide et silencieux, et Odin l'observait du haut de son trône.
- Bien, entama-t-il, maintenant que tout le monde est présent, nous pouvons commencer.
Il se racla la gorge.
- Si je vous ai tous réunis ici aujourd'hui, c'est pour mettre fin aux problèmes que causent les Inhumains. Nous ne savons ni combien ils sont, ni quelle est leur véritable puissance. Toutefois, l'un d'entre eux a commis une erreur, et celle-ci lui sera fatale.
Il désigna son fils avec un sourire satisfait.
- Baldr connaît son identité.
Des voix s'élevèrent dans la pièce, et le principal intéressé releva la tête, les yeux vides.
- Médée... Médée... Médée...
Nanna, la déesse ayant ramené Heimdall, pris la parole.
- Je vous avais prévenu ! Baldr n'aurait jamais dû s’amouracher d'une humaine ! Nous aurions dû nous méfier !
Beaucoup l'applaudirent, et Heimdall la fixait avec intérêt.
« Je m'en souviens, avant que Baldr ne se rende sur Terre et ne rencontre Médée, Nanna et lui avaient pour projet de se marier. Elle doit énormément lui en vouloir. Quoi de plus normal ? »
Le roi des dieux réclama le silence, et la foule s'exécuta. Il se tourna ensuite vers le grand roux.
- Heimdall, n'avais-tu rien remarqué ?
On y était. La question fatidique. Il se répugnait à le faire, mais il n'avait pas le choix.
- Non mon roi.
Celui-ci fronça les sourcils.
- Et comment cela est-ce possible ?
Au point où il en était, autant mentir jusqu'au bout.
- Les Inhumains doivent être protégés par un sort ou quelque chose de la sorte, qui m'empêche de les détecter, même lorsqu'ils commettent un meurtre. Je suis impuissant face à eux.
- Je comprends. Je suppose donc que tu es incapable de retrouver cette Médée ?
- C'est exact, mon roi.
Odin acquiesça, puis réfléchit.
- Tant pis, nous procéderons autrement. Hermòd, rends-toi sur Terre, et ordonne aux humains de retrouver cette sorcière, et de la tuer. Héla l'a affronté aux alentours de la Forêt Noire, elle a sûrement dû se réfugier là-bas. De plus, il me semble qu'Irmin se trouve dans les parages.
Le dieux désigné s'avança et s'agenouilla.
- Bien mon roi. Toutefois, êtes-vous certain qu'ils seront compétents ? Ils sont si faibles...
- Je n'en sais rien. Les humains sont nombreux, ne n'est pas bien grave si quelques uns y laissent la vie.
- Compris.
Heimdall, qui observait la scène sans rien dire, serra les poings, salua Odin puis retourna à son poste accompagné d'Hermòd le messager. Il lui ouvrit, à contre cœur, le portail menant au monde des humains.
Environ deux heures plus tard, Odin lui-même se rendit au Bifrost.
- Mon roi ? Qu'est-ce que...
- J'ai décidé de me rendre sur Terre. Il est temps que je trouve ces Inhumains moi-même.
Heimdall déglutit.
- Bien, mon roi.
Il s'adonnait à sa tâche, quand le Odin reprit la parole.
- Tes sentiments envers cette femme doivent être très puissants pour que tu en viennes à me mentir.
Heimdall se figea.
- Je ne comprends pas...
- Ah... Il rigola. Ne t'en fais pas, je ne vais rien te faire. Tu as suivi ton cœur, et c'est, à mon sens, ce que tout dieu devrait faire. Cependant... Il plongea son regard dans le sien. Ne compte pas sur moi les épargner, elle et ses congénères : je serai sans pitié.
Heimdall se redressa.
- Ils ne se laisseront pas faire.
- J'y compte bien.
Sur ces mots il disparu, laissant le gardien seul à ses réflexions.
« Faites attention, Médée. »


C'était le premier jour de printemps. Grainné et Caïlte se promenaient dans le village le plus proche, pour fêter l'arrivée du beau temps.
- Que dirais-tu d'aller boire un coup, Grainné ?
La jeune femme accepta, tout en admirant les rues animées du petit patelin. Elle s'arrêta soudainement devant un grand arbre aux fleurs roses et abondantes.
- Papa, qu'est-ce que c'est ?
Caïlte se stoppa à son tour et observa l'objet de ce questionnement.
- Ah oui ! Ce sont des étrangers qui ont introduit cet arbre sur nos terres : c'est un cerisier.
Grainné fut extrêmement surprise.
- Un cerisier ? Ça ressemble pas à ça !
- Tu sais, il existe plusieurs types de cerisiers : il y a ceux de notre continent, qui donnent d'excellents fruits, et il y a ceux d'Aoia, un pays du continent obscur, qui sont surtout réputés pour leurs fleurs magnifiques.
- Je vois...
Elle sourit puis s'éloigna.
- En tout cas, c'est très joli.

- Tenez.
- Merci bien !
Caïlte attrapa son verre, et Grainné en fit de même. Il le bu d'une traite puis se tourna vers sa fille.
- T'es devenue une belle jeune femme, et une guerrière accomplie. Tu vas zen faire des envieux !
Elle posa son regard sur lui.
- Ah excuse-moi, je suis juste un peu nostalgique. C'est que... T'es en âge de te marier !
Grainné rougit. Le mariage ? Elle n'y avait jamais véritablement réfléchi. Et puis... avec qui se marierait-elle ? Aucun homme ne s'intéresse à elle ! Quoiqu'il y avait peut-être...
- Ah arrête c'est embarrassant ! S'exclama-t-elle.
- Ok, ok, on oublie pour cette fois... Plaisanta-t-il.
Un silence apaisant s'installa entre les deux individus. Et à son grand malheur, Grainné pu alors saisir quelques échanges provenant d'une table plus au fond.
- Vous avez vu ? Ils organisent une battue demain, dans la Forêt Noire !
- Ouais, j'en ai entendu parler ! Il paraît que les dieux ont enfin retrouver un de ces satanés Inhumains, et qu'il se serai réfugié dans cette forêt ! Comment elle s'appelle déjà ?
- C'est Médée la sorcière !
- Ah oui c'est ça !
Grainné n'en revenait pas. Ils avaient retrouvé Médée ? Ils allaient la tuer ? Non, elle ne pouvait pas les laisser faire. Il fallait qu'elle trouve une solution.
- Grainné...
Caïlte n'avait rien perdu de la conversation, et savait ce que sa fille avait en tête.
- Si tu fais quoi que ce soit, la situation ne fera qu'empirer.
Elle se leva.
- Je suis au courant. Mais tu sais qu'il n'y a pas d'autre alternative. Rentrons, il faut que je me prépare.
Il soupira.
- Comme tu voudras.
Il se releva à son tour, paya et quitta la petite auberge, laissant derrière lui tous ses regrets.

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