Chapitre 10 :

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Tôt le lendemain matin, alors que j'étais sous la tonnelle, perdue dans mes pensées, Dame Galadriel vint me rejoindre. Gandalf était parti à l'aube rejoindre la compagnie, et je ne lui avais pas reparlé.

Après quelques instants en silence,la Dame de Lorien dit d'une voix douce :

-Je sais que Gandalf vous a parlé.

-Ne vous y mettez pas vous aussi,s'il vous plaît.

-Je comprends pourquoi vous avez refusé.

-Vous êtes bien la seule.

-Je ne le pense pas.

J'avalai difficilement ma salive,et battit des cils pour chasser mes larmes. Je refusai de laisser voir à quiconque à quel point j'étais perdue.

-Vous vous doutiez bien qu'il vous faudrait y retourner un jour ? me demanda-t-elle.

J'hésitai un peu.

-Oui... Je savais que je ne pouvais pas fuir éternellement. Je savais que je devrais y retourner un jour. Mais dans mon esprit, c'est dans longtemps que je dois y retourner, dans aussi longtemps que le moment où je monterais sur le trône de Letrion. Pas maintenant.

Il y eut un silence. Puis je demandai d'une voix rauque :

-Que dois-je faire ?

-Faites ce qui vous paraît être juste. Ce que vous choisissez, pas ce que nous avons choisi. Mais si vous n'y allez pas, vous pourriez le regretter toute votre vie.

Elle partit d'un pas léger. Je fermai les yeux, abattu. A sa dernière phrase, j'avais compris qu'elle ne parlait pas uniquement de la mission que m'avait confiée Gandalf. Puis je pris le temps de réfléchir. Et le soir venu, j'avais pris une décision.

Je montai dans la plus haute tour de la cité, baignée de la lumière du couchant. J'y trouvai le seigneur Elrond et Dame Galadriel. Je les saluai de la tête et leur dit tout à trac :

-J'ai décidé d'accepter.

Ils semblaient tout deux surpris,bien que Dame Galadriel eût un sourire mystérieux qui laissa penser qu'elle se doutait de ma décision.

-Je vous en prie, ne me posez aucune question. Je partirai demain matin à l'aurore, et je commencerai par me rendre au Royaume Sylvestre. Ensuite, je reviendrai.

Sur ces mots, je tournai les talons,et redescendit les escaliers.

Pourquoi avais-je changé d'avis ?Je ne le savais pas vraiment, en fait, ou plutôt je ne voulais pas me l'avouer Je pense que c'est en parti à cause de ce que Dame Galadriel a dit, à propos du fait que je pourrais le regretter amèrement. Et je sais qu'elle a raison. J'ai été contrainte de m'éloigner deux fois de la Forêt Noire. Je ne prendrais pas ce risque une troisième fois. Et puis, c'est important que le roi Thranduil sache ce qu'il se passe dans le monde extérieur, qu'il sorte un peu de son royaume. Pour le reste... je verrai bien une fois là-bas.

Je suis retourné dans ma chambre et j'ai commencé à préparer mes affaires, un peu angoissée.

Le lendemain matin, je partis tôt,comme je l'avais indiqué. Une légère brume flottait dans l'air.Je passai par les pentes abruptes et raides qui longeaient la vallée,et débouchait sur le bois. Je cheminais durant plusieurs jours sur mon cheval, sans arrêt, excepté quelques heures la nuit. J'avais emporté peu de choses, je n'en aurais pas l'utilité.

Quatre jours plus tard, j'arrivai à l'entrée de la Forêt Noire. Je détaillai les hauts arbres sombres, le bois dense et touffu. Je serai les dents. Je n'aurais plus le choix une fois entrée. Je restai quelques minutes devant la forêt, le cœur branlant, hésitante. Maintenant que j'étais devant le fait, je ne savais que faire. Je commençai à avancer légèrement, les jambes tremblantes. Puis, sans réfléchir, sans véritablement songer à ce que je faisais, je pénétrais dans le Royaume Sylvestre, marchant telle une automate, en m'efforçant de ne pas songer à ce que je trouverais à l'intérieur, et à ce que je ressentirais.

Je marchais depuis quelques heures,sans but précis. Je m'étais efforcé de ne pas suivre le sentier caillouteux qui traversait le bosquet. Les elfes doivent se perdre pour trouver l'entrée du royaume. J'avançai en regardant droit devant moi, sans penser à rien. Une anxiété pesait sur mon cœur.Je n'en serai débarrassé qu'une fois sortie de cet endroit.

Soudain, j'entendis un léger bruit derrière moi. Je me retournai. Personne. Je continuais à avancer. Un nouveau bruit interrompit mon parcours. Je fermai les yeux. Je me doutai de ce qu'il se passait. Mon cœur se mit à battre plus fort, il était prêt à exploser. Je me retournai vivement pour que le plus dur passe rapidement. Mes jambes flageolèrent, mais je me repris.

Devant moi se tenait un elfe grand,mince, de haute stature, aux longs cheveux blonds et lisses et aux yeux bleus de glace. Il me toisait de toute sa hauteur de son regard froid et hostile. Pourtant, je me doutai de ce qu'il ressentait au fond de lui.

Nous nous regardâmes durant de longs instants. Je me sentais incapable de prononcer une seule parole tellement j'avais la gorge nouée. Enfin, l'elfe prit la parole :

-Que fais-tu ici ? me demanda-t-il.

La dureté de sa voix me fit comme un coup au cœur, mais elle ne me surprit pas. Je m'éclaircis la gorge et dit :

-Je me doute que tu ne veux pas me voir, mais je dois parler à ton père. C'est important. Je ne resterai pas longtemps.

Il inclina la tête de côté,acquiesça silencieusement et se mit à marcher, me faisant signe de le suivre. Je m'avançai derrière lui, dans un silence troublé.

J'allais retourner dans le Royaume Sylvestre. Je n'aurai jamais pensé le revoir un jour.

Le Hobbit : L'enfant SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant