Chapitre 17 :

189 19 5
                                    

Après de longues minutes silencieuses, j'atteignis une pente raide. Je le montai d'un pas rapide, si rapide que je me heurtais à un homme de haute taille. Je marmonnai une vague excuse, mais m'immobilisai en découvrant le visage de l'homme qui se tenait devant moi.

-Gandalf ! m'écriai-je, interloquée.

-Blanche ! s'écria-t-il, presque aussi surpris que moi. Que fais-tu ici ?

Je lui racontai toute l'histoire, depuis mon départ de Fondcombe à ma fuite d'Erebor, en passant par l'attitude de Thorin, et bien évidemment mon passage dans la Forêt Noire. A la fin, Gandalf s'assit sur un banc et alluma sa pipe, le regard éteint.

-Et vous, que s'est-il passé ? Où êtes-vous allés ? lui demandai-je.

Il poussa un long soupir résigné.

-Je suis allé à Dol Guldur. Et je l'ai vu. Une immense armée d'orques, se préparant à attaquer la Montagne Solitaire. Ils seront là à l'aube.

-Non... murmurai-je.

C'était impossible, c'était tout bonnement impossible. Un sentiment d'étouffement m'envahit brusquement, ma bouche s'assécha comme jamais auparavant, ma tête devint lourde.

Une attaque d'orques. Demain matin. Mon intuition ne m'avait pas trompé. Je l'aurais tant espéré...

Gandalf brisa le silence :

-Tu l'as vu ?

Mon corps se tendit imperceptiblement, et mon cœur se mit à cogner dans ma poitrine.

-Je l'ai croisé, répondis-je évasivement.

Je sentis le magicien hausser les sourcils à côté de moi, mais il s'abstint de tous commentaires. Il continua :

-Bilbon est déjà ici. Et il a donné l'Arkenstone au roi Thranduil. Ils pensent tous que Thorin donnera les gemmes au roi en échange de cette pierre.

-Mais vous ne le pensez pas ?

-Je n'ose imaginer à ce que fera Thorin lorsqu'il découvrira ce que Bilbon a fait. L'Arkenstone compte plus que tout pour lui.

-Je le sais.

-C'est pour cela qu'il doit partir. Et toi aussi.

-Pourquoi ? m'écriais-je. Thorin ne me fera rien. Je ne fuirai pas, je ne suis pas ...

Ma voix se troubla sur le dernier mot :

- ... lâche...

-Il n'y a pas que cela. La guerre est proche, et tu...

-Gandalf, vous perdez votre temps.

Je me levai et commençai à m'éloigner lorsque j'entendis Gandalf m'appeler :

-Blanche, tu sais que... tu ne dois pas mourir.

Cette simple phrase eut sur moi un effet dévastateur. Je continuai à avancer, les yeux vides, tel un pantin.

Gandalf a raison, comme toujours. En tant que dernière descendante d'Elwe, si je disparais, la Letrion sera livré tout entière à son actuel dirigeant, mon... J'ai toujours du mal à le considérer comme mon grand-père, mais c'est ce qu'il est. Si je meurs, c'est tout un peuple qui sombrera. Je n'ai pas le droit de mourir, c'est simple, on m'interdit de disparaître.

Je n'ai jamais été en Letrion. Enfant, ma mère m'a longuement décrit la cité souterraine, le palais de cristal enfouie au plus profond des roches, là où il fait une chaleur étouffante l'été. Les mines de sel, dont les murs recèlent de cristaux sculptés des milliers d'années auparavant, par les Hauts Elfes du Premier Age. Puis les vallées verdoyantes, qui s'étendent presque sans fin, juste à l'endroit où le soleil disparait, vers l'est, jusqu'à la plage où les vagues azur s'échouent mollement sur le sable blanc. J'ai imaginé ce paysage des milliers de fois, j'en ai rêvé, je l'ai dessiné encore plus, mais je ne l'ai jamais eu sous les yeux. Pourtant, on m'a toujours répété que mon destin était de m'y rendre, de devenir reine et tout ce qui s'ensuit.

Puis ma mère a disparue. Personne n'a jamais su si elle était morte ou vivante, cachée dans les monts du Rhudaur, sur la Terre Ancienne d'Elwe. Si c'est le cas, elle ne m'a jamais adressé un signe, de là où elle est. Rien. J'ai vécu chez les Nains d'Erebor, cachée au plus profond des mines de diamants parmi la centaine d'enfants de mines. Dès que j'ai pu, au bout de trois ans de travail acharné et de solitude, je me suis enfuie. Je suis retourné au Royaume Sylvestre, et le roi Thranduil m'a pris sous sa tutelle.

Mais ensuite, ... Je ne supporte pas d'y penser. Je ne comprends pas pourquoi. Sans doute que c'est rouvrir une plaie déjà cicatrisé avec le temps, et pourtant, si présente dans mon esprit sans que je ne l'ose me l'avouer. A chaque fois que me revoie vivre ces moments-là, une brûlure intense se met à parcourir tout mon corps, et j'ai envie de fracasser ma tête contre un mur. Alors, je saute sur Almaria et me lance au galop, l'air vif me fouettant le visage. Alors, une autre journée commençait, et je pouvais continuer à ... vivre, tout simplement. Mais, en ce moment, je n'y arrivais pas. D'ordinaire, je trouvais seule les réponses à mes questions, mais, là... Je ne sais pas.

Je finis par trouver une cabane abandonnée, en ruines depuis sans doute l'arrivée du dragon. Une petite fille d'une dizaine d'années dormait là, les joues pâles et couvertes de suie, son corps maigre disparaissant presque dans la couverture qui l'enveloppait. Je souris malgré moi, puis m'assis à même le sol, et sombrait aussitôt dans un sommeil sans rêve.


Non, vous ne rêvez pas.

Je suis vraiment désolé de ne pas avoir publier pendant aussi longtemps. Ça ne se reproduira plus, j'essaierai de publier au moins une fois par semaine, mais j'avais une grosse panne d'inspiration, et avec la reprise des cours, ça a été un peu compliqué.

P-S : Vous avez vu "Les crimes de Grindelwald"

Non ?

Eh bah... Allez-y !

Non, je ne suis absolument pas obsédée.

Le Hobbit : L'enfant SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant