Chapitre 41 : Un peu plus.

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Benedict achève son créneau sur la rue qui longe sa maison et se tourne vers moi lorsqu'elle coupe le moteur.

— Alors ?

Je feins une moue douteuse avant de répondre :

— Pas ouf, hein.

Son enthousiasme retombe aussitôt.

— Heureusement que j'en ai rien à faire de ton avis, alors ! rétorque-t-elle.

Et j'éclate de rire. En sortant du lycée tout à l'heure, le soleil a rapidement décliné et sous la peinture orangée qui se dessinait derrière les nuages, je lui ai proposé de prendre le volant après qu'elle m'ait avoué les raisons de son permis encore jamais achevé.

Pour elle, l'an dernier était synonyme de déprime après la mort prématurée d'un de ses amis, le restaurant et ses dépenses n'ont ensuite rien arrangé, puis encore une fois la mort de sa tante a sonné comme le coup de grâce au milieu de sa famille ; et ça m'a étonné car j'ai toujours cru voir de l'insouciance et rien d'autre derrière la bonne humeur de Benedict. Je me rends compte encore aujourd'hui que sa vie n'est pas aussi rose que prétend son sourire.

A l'intérieur, la musique défile à travers la radio et on se terre derrière la voix nébuleuse de Lana Del Rey, qui ne fait que repousser le moment où il faudra rentrer. Je me lasse pas de l'observer redessiner les lignes de ma main sous ses doigts raides à cause du froid. Plus qu'avant, j'ai les sens exacerbés à chaque fois qu'elle me touche et me regarde, comme elle fait là, tandis qu'elle relève les yeux par-dessous ses cils qui battent avec la même grâce qu'un cygne prêt à s'envoler.

Je m'approche d'elle et l'embrasse. Toujours plus passionnément que la dernière fois, de peur que ce soit à chaque fois la dernière. Elle est enfin avec moi, je suis avec elle, et je veux plus jamais qu'un rien nous éloigne maintenant que je suis sûr de mes sentiments.

On s'embrasse assez longtemps pour qu'une autre chanson de Lana joue, que nos ceintures se détachent, et quand sentir tout entier le corps de l'autre devient vital, alors que mes mains s'aventurent sur sa cuisse et que les siennes s'agrippent à mon sweat, je me prépare, le cœur battant, à ce qu'elle enjambe le frein à main pour se mettre sur moi. On toque tout à coup sur la vitre et ma lèvre manque de se couper.

— Joe... Joey ! hoquette ma copine, la seconde suivante.

Elle m'échappe et je m'enfonce dans mon siège tandis que je me planque vainement derrière ma capuche. C'est son frère, merde. Benedict sort de la voiture et lorsque je fais pareil moi aussi, celui-ci lance de l'autre côté :

— Salut, beau-frère !

Je daigne un signe de la main sans arriver à réprimer ce sourire qui tire le coin de mes lèvres. Il a totalement fait retomber mes ardeurs et sans doute aussi les siennes.

— Bref. Tu m'passe les clefs, sœurette ? Histoire que vous retourniez fissa à vos affaires !

— Roh, tais-toi ! fulmine Benedict.

Elle lui remet le trousseau de clefs et il esquive habilement cette bourrade qu'elle manque de lui donner. Mort de rire, Joey passe la porte de la maison derrière moi lorsque de l'autre côté de la voiture sa sœur traîne pour se retourner face à moi. Benedict s'efforce, en vain, de me regarder dans le blanc des yeux, les lèvres plissées. Pas de bol, je suis carrément gêné moi aussi.

— Salut, le copain de Benee !

Cette fois, le plus petit de ses frères me fait un signe de main, mais il ne me laisse pas le temps de réagir qu'il passe déjà la porte lui aussi, trop absorbé par la musique à fond dans son casque. 

Un miroir à travers le regard.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant