- chapitre 5

1.2K 108 37
                                    

- Je suis heureux de pouvoir un peu apprendre à te connaître. souria l'interne devant moi

Je souriai légèrement. Voilà bien longtemps que je ne m'étais pas retrouvée assise à une table face à un parfait inconnu. Le jeune homme devant moi avait l'air d'un enfant, un rictus scotché aux lèvres à chaque instant, ainsi que deux yeux pétillant de vie. Je pris une gorgée d'eau, avant de relever les yeux vers lui, quand il reprit la parole.

- Ah, et moi c'est Shin. se présenta-t-il, enjoué

J'hôchai doucement la tête. Je ne lui avais même pas posé la question, et je me sentais d'ores et déjà mal à l'aise d'être passée pour une impolie.

- Hum, dis moi, tu as des animaux de compagnie ? demanda-t-il, comme si cela lui importait réellement

Je levai un sourcil. Alors c'était donc comme ça, qu'allait se dérouler le repas ? Je n'aimais pas les conversations sans fond, parler histoire de parler, décorer les silences par des dires inutiles. Bien que Shin avait l'air d'être un gentil garçon, son sourire d'idiot constamment scotché au visage m'ennuyait terriblement. Je secouai la tête, rapportant mon attention sur mon plat.

Shin me racontait sa vie. La vie de ses potes, de sa sœur, de ses parents, de ses voisins. Il me racontait des choses que je n'écoutais pas. À vouloir être sociable je m'en brûle encore une fois les ailes. Je me posais souvent la question si le problème venait de moi, ou si un jour il viendrait à s'envoler.

- Soo ? me sortit-il de mes pensées

La joue contre la paume de ma main, je le fixai. Il semblait bien timide tout-à-coup.

- Hum, je me demandais si tu voudrais bien finir pour moi un des devoirs sur les cordages du cœur pour demain, enfaite ce soir j'ai une soirée et-

- Non. le coupai-je

Il s'arrêta instantanément de parler. Peut-être s'attendait-il à ce j'acquiece bêtement. Il resta là, la bouche entre-ouverte, m'interrogant du regard.

- Tu as voulu manger avec moi pour ça ? fis-je, arquant un sourcil

Il secoua la tête, gêné. Je pouvais voir qu'il jouait avec ses doigts. Le corps trompe souvent la parole, malheureusement il semblait l'avoir oublié. Je regardais ma montre, avant de me lever. Je réajustai mon col, avant de le toiser durement.

- T'as quel âge ? Parce que j'ai l'impression d'avoir un vrai petit fils à papa devant moi. Les gens comme toi tombent comme des pions, car ils refusent de travailler pour être des personnes honorables. dis-je en le prenant de haut

Je le reluquai méchamment, avant de tourner les talons hors de la cafétaria. Je me sentais un peu vide. Un peu fatiguée, qu'on ne s'intéresse qu'à moi pour mes notes. Moi j'aimerais rester éveillée des nuits entières à parler de tout et de rien sous la lune, j'aimerais qu'on me pose des questions avec du sens, des questions auxquelles je ne pourrais répondre que dans mille ans. Oui, parfois j'aimerais qu'on me rappelle à quoi je ressemble vraiment. M'entendre dans mes réflexions.

Énervée, voilà comment j'étais. Ainsi je marchai rapidement dans les couloirs en direction de la bibliothèque. Une salle de repos remplit de livres évidemment tous basés sur l'humain. Nous n'échappons aussi facilement à la réalité, messieurs dames. Tout ce que nous sommes capable de faire pour tout oublier, c'est rêver. Mais encore faut-il trouver sommeil.

Au hasard, je pris un livre d'une des étagères avant de m'asseoir brusquement dans un des fauteuils présent dans la salle. Dans la violence de mes gestes, je pouvais encore sentir mon sang bouilloner à l'intérieur de moi. Je fermai les yeux, calmes-toi, Soo, tu vaux bien plus qu'un imbécile.

- Je ne sais pas ce qui vous rends si agressive, mais évitez de déchirer les pages.

J'ouvris brusquement les yeux. Je reconnaissais cette voix entre mille, pourtant je ne l'avais entendu que très peu de fois. Mes iris rencontrèrent les siennes, lorsque je relevai la tête. Docteur Park se tenait assit face à moi, les jambes croisées, un large livre entre ses mains. Je baissai les yeux. Un peu honteuse qu'il m'ai vu dans cet état là. Non, moi je voulais avoir cette image de la fille impénétrable, qu'on n'atteindrait pas, même en utilisant les mots les plus durs. Je ne lui répondis donc pas, tentant d'apaiser mon âme comme je le pouvais.

- Qu'est-ce-qu'il vous arrive ? questionna-t-il

Je refermai l'ouvrage entre mes mains.

- Ne faites pas comme si cela vous intéressait, c'est encore pire que ne rien dire.

Je l'entendis ricaner. Sa voix résonnait joliment dans mes oreilles, pourtant elle aurait pu m'énerver davantage.

- Effectivement, ça ne m'intéresse pas. rétorqua-t-il

Je soufflai. Je n'en attendais pas moins. Encore une fois, mon regard croisa le sien. Et encore une fois, je me fis la remarque qu'il était un très bel homme. Il parraîssait même irréel. Docteur Park avait des yeux finement tracés, des pupilles noires dans lesquelles n'importe qui pourrait s'y perdre. Il avait des lèvres pulpeuses, et bien que cela puisse être surprenant, elles lui allaient divinement bien. Son visage sortait d'un livre, d'un compte.

- Ne me dites pas que votre déjeuner en amoureux s'est mal terminé ? dit-il d'un air joueur

Je serrai les poings. Je ne voulais pas rentrer dans son jeu.

- Dois-je comprendre que vous me surveillez ? souriai-je

Il reprit son sérieux, ne s'attendant certainement pas à mes réponses. Il sembla réfléchir quelques instants, le bout de ses doigts effleuraient sa tête.

- Vous aimez bien être insolente, Kim Soo. fit-il en tournant une page de son bouquin

Je croisai mes jambes, imitant la même posture que la sienne.

- Vous êtes bien pire, docteur Park. murmurai-je

Sa bouche s'entre-ouvrit, ainsi le silence prit place dans la pièce. Nous ne parlions plus, seulement nos yeux parlaient le faisaient. Sa blouse blanche était ouverte sur une chemise légèrement déboutonnée au commencement de son torse. C'était un homme d'une élégance sans fin, je ne pouvais pas le nier. Je m'attardai sur le livre qu'il tenait. Il parlait des troubles de la personnalité, je clignai plusieurs fois des yeux. Il lisait ce genre de choses ?

- Vous vous intéressez aux maladies psychologiques ? demandai-je, intriguée

Il pinça ses lèvres, je savais qu'il analysait mon faciès pour voir si je me moquais de lui ou non. Sa langue passa un rapide instant entre ses lèvres. Il regarda son ouvrage, puis moi.

- Et vous ? fit-il

Je me surpris à hôcher timidement la tête. Je regardai ailleurs, embarrassée. Je ne me reconnaissais plus dans ces sentiments. J'entendis un léger rire de sa part, un rire plutôt amusé, et non moqueur. Doucement, je souriai. C'était une bien curieuse relation que nous avions, si on pouvait appeler cela comme ça. Il faut dire que c'était un personnage assez étrange, et bien difficile à cerner.

- Pourquoi vous intéressez-vous à ça ? dit-il soudainement

Je réfléchis un instant.

- Parce que ça me rend plus humaine, je suppose. répondis-je d'un air presque triste

Le téléphone de docteur Park se mit à sonner. Cela nous sortit de notre calme. Il semblait être énervé d'être dérangé. Je devais moi aussi faire face à une frustration inconnue de ne pas pouvoir échanger plus avec lui.

- J'arrive. dit-il à l'interlocuteur

Il se retourna ensuite vers moi. Il avança doucement, en me fixant. Je restai immobile, le toisant. Je sursautai, quand je sentis sa main prendre la mienne. Je regardai la sienne, et je le vis poser son livre dans ma paume. Je le regardais à nouveau, il souriait, c'ètait la première fois que je le voyais sourire. Peu importe si il était réel ou faux.

- Faites moi le plaisir de le lire, s'il vous plaît. sussura-t-il

Paradoxe | P.JMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant