En Chine impériale, lorsque l'on découvrait un corps inerte, on lui bouchait les oreilles, le nez puis la bouche, afin d'empêcher l'âme d'en sortir. On faisait cela avec la certitude profonde que cela permettait de garder la personne en vie, sans savoir qu'en réalité, on l'avait étouffée.
Vouloir faire le bien, ce n'était pas forcément bien faire.
C'est ainsi pour cette raison déraisonnable que je crus naïvement qu'accueillir Ha-Yun était une bonne chose.
En effet, il s'agissait du retour de la médecin. Les employés se tassaient dans les couloirs, les patients les moins récents s'agglutinaient près des larges baies du bâtiment. On avait accroché des fleurs incarnadines sur les murs, reliées par une banderole bisque sur laquelle on distinguait les cinq lettres du prénom de la jeune femme. Les enfants du service pédiatrie s'étaient déguisés pour l'occasion, chacun vêtu du costume de leur rêve d'avenir. Quand on déambulait dans les allées, un parfum de jacinthe s'élevait dans l'air, alors on levait les yeux et on y trouvait des bouquets dans chaque recoin. Personne n'avait rien omit, rien oublié, comme personne ne semblait avoir oublié Ha-Yun. Elle était aimée. Tant adorée.
Soudain, j'entendis une exclamation collective, des voix s'écrier avec merveille «Elle est là, elle est arrivée ! », suivi d'un mouvement de foule incontrôlable qui se ruait vers l'entrée. Je profitai alors de l'espace libérée pour me rapprocher des fenêtres et observée l'objet de cet attroupement. La nuée du café brûlant entre mes doigts brouillait ma vue et me poussait à plisser nonchalamment des yeux.
Je devinai le véhicule de Jimin se garer occasionnellement devant l'hôpital. Il y eut quelques secondes de suspend, puis, il en sortit rapidement avant de contourner le capot afin d'ouvrir la portière passagère. Mes phalanges se resserrèrent malgré moi autour du gobelet bouillant. Puis l'image fondit dans une lenteur piteuse. Une figure angélique encadrée d'une chevelure aniline, un sourire ravageur et la peau céruse. Sa peau de lin contre celle du noiraud, sa main fine enveloppée dans la sienne et ses orbes candides dans ceux de Jimin. Une brise souleva le volant de ses cuisses laiteuses, un cri fendit l'atmosphère. Le sien. Un éclat de voix, une bribe aussi douce qu'un nuage qui se transforma en un rire d'embarras lorsque la main habile du chirurgien vint remettre le tissu sur sa cuisse d'un geste vif. Et c'est à cet instant, spécifiquement, que la buée de ma boisson devint une fumerolle sombre et funeste.
- Jalouse.
Un ton cynique dans mon dos se fit entendre. Je me retournai abruptement, manquant de faire déborder ce que j'avais entre les doigts. Je fronçai les sourcils lorsque je tombai sur une figure étrangement familière, Kim Daejung, le médecin à la cicatrice.
- Vous. Je fis d'un ton las
A l'entente de cette appellation, je distinguai un léger rictus s'étirer sur ses lèvres, mon regard dévia sur une fossette creusant sa joue. Je n'avais pas eu le temps de l'observer plus en détail jusqu'ici. Je le jaugeai scrupuleusement, toujours ces mêmes cernes cobalts et ces prunelles sépias. Ses cheveux bruns étaient sobrement décoiffés, retombant imperceptiblement sur ses sourcils droits et aiguisés. Il avait une mine blâme et les pommettes marquées. Sa figure insinuait le sarcasme désinvolte, il incarnait une élégance impudente qui me rappelait la grâce insolente de Jimin.
- Ravi de te voir aussi. Il se mit à ricaner
- Quoi ? Je soufflai, en allant droit au but
- Ne sois pas aussi sur la défensive. Je t'ai évitée une vilaine brûlure en t'interpellant, j'ai bien cru que tu allais broyer ce gobelet en plastique.
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Paradoxe | P.JM
Fanfiction"Vous êtes prétentieux, docteur Park.." Kim Soo est une jeune femme déterminée, ne tolérant aucun échec de sa part depuis sa plus petite enfance. Ses années de labeur la conduisent à être acceptée en tant qu'interne dans un des hôpitaux les plus pr...