21 novembre 2018

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Aujourd'hui, c'est mon premier jour de travail. Je suis tellement anxieuse, travailler à Monaco est ce que j'appelle "sortir de sa zone de confort". Bonjour les aprioris que j'ai sur cet endroit et les personnes que je vais y rencontrer. En plus de mon angoisse sur le lieu et les individus, je n'ai absolument aucune expérience dans la mission que je m'apprête à commencer. Et comme si cela ne suffisait pas comme stress, je commence à 5h30 du matin. Oui, un réveil à 3h30 c'est la définition même du mot "violence". Bon, j'extrapole totalement. Mais après être restée quasiment dix mois sans trop travailler, ce matin a été très compliqué pour moi. Niveau reprise radicale on est bien je pense.

/J'arrive devant le bâtiment./

    Je vois non loin une femme qui a l'air d'attendre l'heure. Elle cherche du regard l'entrée, peut-être une nouvelle comme moi. Je devrais tenter une approche. Je préfère commencer dès maintenant à parler aux gens, sinon, je me connais, je ne vais parler à personne. Mon côté associable finit toujours par ressortir si je reste dans mon coin. Et, pour une première journée de travail dans un endroit que l'on ne connaît pas du tout, c'est toujours plus facile quand on est deux.
On se dit bonjour et se présentent. Elle l'air gentille même si à première vue, ce n'est pas vraiment le type de personne avec qui j'accroche naturellement. Je passe outre mes jugements et on discute quelques minutes avant de monter au quatrième étage comme nos conseillères respectives nous avaient expliqué. On décide de prendre l'ascenseur et pendant qu'on attendait qu'il arrive, une femme s'approche de nous. Elle doit sans doute travailler au même endroit que nous.
Inconnue - Salut, vous êtes nouvelles ?
Moi - Salut, oui.
Inconnue - Moi c'est Fanny, enchantée.
Moi - Ophélie, enchantée.
Séverine - Séverine, de même.
Fanny - Vous allez voir c'est pas compliqué ce qu'on fait. Je vous préviens juste mais les filles sont un peu toutes folles pour venir travailler à une heure pareil mais ça va le faire.
Ca promet. C'est sur que dit comme ça, je suis de suite mise en confiance. Bon, on va essayer de respirer et arrêter de stresser. Tout le monde est passé par là, il faut un début à tout.

On arrive au quatrième étage et on passe les portes. Il y a tellement de monde, je suis assez impressionnée car je n'ai jamais travaillé dans un endroit comme cela. La seule chose que je dois avoir en tête, en ce moment, c'est de faire bonne impression professionnellement parlant et de garder, pour de bon, un emploi. Je n'en peux plus de ne rien faire de ma vie. Alors oui, ce travail n'est pas ce dont je rêvais. Qu'on se le dise, travailler en usine, ce n'était pas ce dont j'espérais pour mon futur. Mais comme on dit, et penser le contraire me répugne, il n'y a pas de sous-métiers. Donc, je me concentre sur mon travail, même si je n'ai aucune idée de combien de temps cela va durer. Je vais faire tout mon possible pour que cela se passe au mieux et faire le maximum pour bien m'entendre avec mes collègues. Sans faire de la lèche non plus, ce n'est pas le but et cela ne me correspond pas le moins du monde.

Après quelques minutes à avoir attendu, le responsable nous assigne des postes pour la journée et les sous-responsables nous expliquent comment le travail doit être fait.
Je dois avouer que pour l'instant, rien ne semble compliqué comme nous l'avez dit Fanny. Je m'attendais tellement à ce que ce soit très rigoureux, qu'on ne puisse pas en placer une mais en réalité l'ambiance est plutôt bon enfant. Même si l'on doit rester sérieux, ce qui est normal.

/Deux heures après le début de cette matinée de travail./

    En allant chercher une caisse pour mettre les pièces que je devais assembler, je croise le regard d'un homme, un italien. Je suis assez nulle pour donner un âge à quelqu'un mais, à première vue, il a l'air d'être dans la quarantaine. Il me donne l'impression d'être gentil et drôle. Il ne semble pas se prendre la tête, contrairement à beaucoup d'anciens collègues que j'ai eu par le passé. Pour une première impression, je dois dire qu'elle est plutôt bonne. C'est assez rafraichissant, si je peux dire ainsi.

Je me ressaisi et repense que je dois trouver une caisse mais je ne trouve pas l'endroit où elles sont entreposées. En me voyant chercher quelque chose, il vient me parler. Je dirige mes yeux sur lui et son regard m'a directement interpellé. Va savoir pourquoi mais dans ses yeux je décèle une impression de "je suis un petit coquin, j'aime bien taquiner les autres, ça m'amuse beaucoup". Oui, je peux lire énormément de choses dans les yeux des autres. C'est fou, non ? C'est vrai, c'est idiot mais j'ai vraiment ce ressenti-là à son sujet.
Je m'approche de cet homme en lui rendant le sourire qu'il aborde en me regardant avancer.
Moi - Salut, tu sais où je peux trouver une caisse ? J'en ai besoin.
Inconnu - Ciao, viens suis-moi je vais te montrer.
Je le suis gentiment, comme la petite fille sage que je suis. Pas du tout mais cela me fait plaisir de dire que je le suis. Il me tend une caisse avec, encore une fois, ce très beau sourire.
Moi - Merci beaucoup !
Inconnu - De rien ! Pour la prochaine fois, tu peux te servir et s'il n'y en a pas, tu viens me voir je t'en trouverai une avec plaisir.
Il continue de me sourire tout en me regardant dans les yeux. J'avoue être un peu mise à nue quand il me regarde. J'ai l'impression qu'il sait tout de ce que je me dis tout bas. Malgré notre grande différence d'âge, il a quand même un petit charme. Ce n'est pas le plus beau, il faut se le dire mais il se petit truc qui pourrait faire craquer une femme. "Petit truc" que je ne saurai expliquer. Je crois que tout se joue dans le regard. C'est assez perturbant. Habituellement, je n'ai aucun problème à regarder les autres droit dans les yeux. Au contraire, je m'en amuse puisque, la plupart du temps, les personnes en face de moi n'arrivent pas à soutenir mon regard qui a tendance à être perçant. Mais à cet instant précis, et juste avec lui, je sens que c'est différent.
Moi - D'accord, je m'en souviendrai !

Je retourne m'asseoir à mon poste et continue mon travail, avec en tête le souvenir frais de son sourire et de son regard narquois. Peut-on dire le mot "narquois" pour décrire un regard ? Je n'en ai aucune idée mais cela me parait plutôt adéquat.

/Le moment de la pause est arrivé./

    J'étire mes bras et me lève. Ah ! Le temps m'a paru interminable alors que ce n'est que la première journée de travail, ça promet !
Je descends les escaliers en compagnie de mes nouveaux collègues et la femme de ce matin que j'ai pu retrouver. On se pose à quelques mètres de l'entrée de l'immeuble et on discute de cette matinée tout en allumant nos cigarettes. On est un petit groupe de fumeur à parler, les nouveaux essaient de sociabiliser comme ils peuvent, moi comprise. J'avoue que ce n'est pas l'activité dans laquelle j'excelle le mieux mais avec les années je fais de réels progrès. Il y a au moins quelque chose dont je peux être fière dans ma vie. Quelle tristesse. Mes pensées me tueront un jour, je pense trop, tout le temps. Soit.
Le temps de la pause n'est décidément pas le même que celui du travail. C'est passé à une vitesse hallucinante. Il est déjà temps de remonter travailler.

/Quelques heures plus tard, cette matinée de travail est terminée./

Je rentre chez moi, dans mon petit village de montagne. Je monte les quatres étages et met les clés dans la serrure de la porte. Tout en jetant mon sac à main sur le canapé, je me dirige vers la salle de bain pour prendre une bonne douche. En ouvrant le débit d'eau, je me remet à penser à cet italien dont je ne sais rien mais qui a hanté mes pensées une bonne partie de la matinée. J'ignore même comment il s'appelle mais cela n'a pas d'importance. Rien ne sert de se prendre la tête, je finirai par connaître le nom de mes collègues, lui y compris.

Laisse-moi t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant