-Ça fait longtemps que t'es couché. D'habitude, t'es levé à cette heure ci. Tu vas bien?
Il soulève lourdement sa tête de l'oreiller, les yeux plein de larmes. Bordel, qu'est-ce qu'il est beau. Pourquoi est-ce si beau un homme qui pleure?
-C'est trop bruyant dans ma tête...
-Hey, mon cœur, j'vais m'occuper de toi. T'as pris tes médicaments ?
-Hum... j'les ais pris... Levi, j'en peu plus... c'est l'enfer.
-Ensemble, faire l'amour à l'enfer pour lui donner des airs de paradis. C'est toi qui m'avait dis cette phrase.
Je m'allonge sur le lit et le prends dans mes bras.
-Argh! J'ai trop mal! Elles parlent. Elles parlent et elles s'arrêtent pas! J'en peu plus!
-C'était pareille la semaine dernière, non? Laisse moi m'en occuper. Il c'est passé quelque chose?
Je glisse une main dans ses cheveux et d'une autre j'attrape son poignet.
-Rien de grave... j'ai l'habitude...
-Explique moi, sinon, je ne peux pas t'aider.
Il marque un temps d'arrêt avant de me dire:
- Ils ont dit que j'étais fou... Je déteste les docteurs, je t'avais dit que je voulais pas y aller... Ils ont dit que je devrais me faire interner, que je pourrais être dangereux pour moi même...
-Tch... alors comme ça, ils essayent de te faire croire que tu es nocif, parce que tes blessures te rattrape. Ne prends pas en compte leur avis, tu ne peux pas t'en vouloir, de lutter contre ce qu'on a fait de toi quand tu n'avais pas l'âge de décider de quoi que ce soit. Et s'ils ne le comprennent pas, moi je le comprends.
Je passe lentement mon pouce sur chacune des dizaines de traces blanches qui marque ses avants bras.
- Arrête de faire ça, je sais que tu détestes les voir. Je sais que ça te fait mal.
-Tch. J'pense que la mouvance d'une relation d'avenir commence par un divorce du passé. Après tous, les cicatrices, c'est fait pour se rappeler qu'on s'en est sorti, non? T'sais, en soit ce n'est pas que j'déteste les voir. Au contraire. J'aime me dire que tu ne feras plus ce genre de conneries. J'aime les embrasser, chaque soir, en me répétant que c'est fini que tout ça appartient à avant. J'aime penser que grâce à moi, elles finiront par disparaître et non par se multiplier. Elles me rappellent à quel point t'as souffert, à quel point la vie fait mal et quand je les regarde, j'me souviens aussi à quel point, toi, tu peux m'faire mal.
-Alors, tu ne m'en veux pas d'avoir été stupide?
-Non, je ne t'en veux pas.
- Tu m'aimes?
-Non, Je ne t'aime pas...
Il se relève d'un coup, étonnée.
- Quoi...?
- Non, je ne t'aime pas. C'est bien plus grand que ça, c'est bien plus doux encore, c'est bien plus fort. Comment voudrais-tu que je puisse te dire un mot qui n'est pas né et qui n'existe pas, sauf au fond de mes yeux quand je te regarde.
Il reste bouche bée, puis, après un petit temps de compréhension, il prend un coussin et me le jette à la figure. Je l'attrape en rigolant.
-Idiot! Tu m'as fait peur!
-Alors? Elles parlent encore?
-Non... elles se sont tus pour t'écouter. Je n'entends plus que le son de leur silence.
Je l'observe, cet homme est une merveille.
- Comment on t-il fait pour ne pas voir toutes ces fleurs qui émanent de toi...
-Tu parles... ils ont raison, je suis compliqué, sauvage et aigrie.
- Faux. T'es pas compliqué, t'es exigeant. T'es pas sauvage, t'as du caractère. T'es pas aigri, c'est simplement qu'on ne t'a jamais aimé de la bonne façon.
Intrigué par ma réponse, il me regarde dans les yeux et chuchote:
- Comment ça "aimé de la bonne façon"?
- Une fois, quelqu'un m'a dit, pour être aimé, il faut d'abord s'aimer soi-même.
- Et alors? Où est le problème? je ne me déteste pas.
- Tu es la personne que tu pardonne le moins, voilà le problème.
- Je ne comprends pas.
- Elles disent quoi ces voix dans ta tête?
- Elles me répètent que vivre, c'est dévorer les autres.
- Tu les crois?
- Évidemment que non.
- Pourquoi disent t-elle ça?
- Parce que c'est ce que l'on leur a toujours appris. Se battre pour survivre. Piétiner pour monter. Brûler, déchirer, griffer, arracher pour pouvoir enfin avancer. C'est pas ce qu'on nous inculque? Si, c'est bien ça. Voilà pourquoi, elles cherchent à me faire comprendre que pour me sentir mieux, il faut scalper ces abrutis. Mais je ne suis pas d'accord. Je ne veux pas être plus mauvais que ces gens.
- Tu es en désaccord avec elles. Pourtant, ce sont bien des parties de toi?
- Oui, probablement.
- Alors, pardonne les. Pardonne toi. Si elles envahissent ta tête, c'est simplement pour masquer les voix les plus net. Celles qui te disent la vérité, celles qui te font peur. Les murmures que tu dis soi-disant démoniaque, sont probablement les plus angélique de ton être. Elles te protègent, elles te protègent de tout ce que les autres hurlent. Tu ne peux pas leur en vouloir de s'inquiéter pour toi. Elles-même ne veulent pas être plus brisées qu'elles ne l'sont déjà. Tu n'as qu'à leur dire que tu vas bien et elles s'en n'iront.
J'glisse un regard à l'horloge. 4h05. Tout va bien.
- Promis? susurre t-il.
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Je lève mon bras et tends mon petit doigt vers le ciel dans le vain espoir qu'une main l'attrape.
Mais rien ne vient... Évidemment... Il n'est plus là.Mais comme pour me rassurer, me sentir moins seul peut-être, je souris aux étoiles avant de répondre:
-Promis.