Chapitre 19

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Alec

22.12.1696

Ma tête tourna sous le choc et je vacillai. Clignant plusieurs fois de yeux et imposant une main sur ma joue, je peinais à comprendre ce qui s'était produit. Ryan venait de me gifler. Il avait osé me gifler !

Ses beaux yeux avaient viré au foncé et la colère s'y lisait. Il avait deux ans de moins que moi, mais je savais de source sûre que sa vie avait été plus dure que la mienne. J'étais choyé depuis toujours, on s'occupait de moi et on m'obéissait. J'étais admiré par tous, jamais personne n'avait osé lever la main sur moi et pourtant je n'étais pas heureux.

Ryan avait eu raison, ma mère ne me voyait que comme un objet que l'on pouvait manipuler. Ce n'était que grâce à mon père que j'avais reçu l'amour qu'il me fallait pour avancer. Je n'aurais pas pu supporter le dégoût et la déception qu'il aurait ressenti en sachant mon penchant pour les hommes.

Et s'il y avait bien un homme que j'avais aimé, c'était bien en voyant Ryan pour la première fois, et celui-ci venait de me gifler avant de me cracher :

— Regarde-toi enfin ! Tu nous déçois tous ! Alec ressaisis-toi, tu es le Dieu des assassins, le meilleur tueur de la capitale. L'homme que j'ai devant moi n'a rien d'un tueur, tu ressembles juste à un gamin gâté !

Il avait raison, je devais me ressaisir. Laissant ma main retomber le long de mon corps, j'observai Sacha, assise à côté de Kai. J'avais brisé sa vie, je l'avais regardée se débattre tandis que ce conseiller déchirait ses vêtements, je n'avais rien fait. J'avais assisté à cette scène, impassible alors qu'elle me suppliait du regard.

Je n'avais rien osé faire contre ce conseiller, car lui seul savait que j'aimais les hommes et que j'avais une relation avec Enzo. Enzo. Ce jeune homme avait été mon premier amour, et pourtant j'avais rompu avec lui parce que j'en aimais un autre : Ryan.

Je n'avais jamais révélé l'identité de mon ex-amant à Ryan car il le connaissait, Enzo n'était autre que le fils de Monsieur Scott, celui qui avait asservi Ryan pendant de nombreuses années. C'était ainsi que j'avais appris les renseignements utiles sur le jeune Vampire.

— Tu as raison, je suis tout sauf princier, affirmai-je.

— Tu n'es qu'une ordure, et pourtant je ne vaux pas mieux que toi.

Ryan tapotait ses pistolets d'un index. Ce geste, je l'avais compris par la suite, était une manière de se rassurer. Ce jeune homme était un prodige dans son domaine. À dix-sept ans, il surpassait bientôt des assassins comme Kai, qui n'avait pourtant que trente-quatre ans.

Le grand maître n'avait aucun sang noble, mais il l'était plus que moi. Je n'arriverais jamais à son niveau, mais j'avais réussi à me donner contenance et à paraître assuré.

Il y a deux ans, une guerre avait éclaté et non père avait été obligé de partir au front. Ma mère avait alors accédé au pouvoir car à dix-sept ans, je n'étais pas majeur et ne pouvais pas régner. J'avais été évincé du trône, et j'avais alors décidé de me joindre à un ordre d'assassins.

Pourquoi ? Parce que je ne supportais pas l'idée de perdre mon père au combat. Très vite, je m'étais rendu compte que j'avais ça dans les veines et que j'étais né pour tuer. Voir du sang giclé et la vie s'échapper du corps de mes victimes me plaisaient, je m'en réjouissais presque. 

— Que dois-je faire pour que tu me pardonnes Ryan ?

— Ce n'est pas moi qui dois te pardonner, ce sont eux, dit-il en désignant Sacha et Kai.

— Kai ne m'offrira jamais son pardon, il me tuera lorsque nous serons rentrés.

Ryan semblait réfléchir tandis que j'observais l'air à la fois heureux et malheureux de la jeune fille. Me pardonnerait-elle un jour ?

Frères du Croissant d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant