Chapitre 5 [1/2]

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Ryan

14.09.1696

Les tombes du cimetière étaient recouvertes d'une brume épaisse, l'atmosphère était glacée, je ne pouvais qu'apprécier ce calme. Mais comme l'on disait souvent, le calme avant la tempête.

Je m'assis sur l'une des tombes, celle d'une certaine Valérie Langey. Sans m'en rendre compte, je caressai les initiales R.A gravées sur mes pistolets. C'était Kai qui me les avait offerts pour mes quatorze ans. Je me souvenais encore de ma réaction, je n'avais pas osé toucher le métal et les pierres incrustées. Je ne pouvais croire qu'on me fasse un tel cadeau, c'était trop, et j'avais refusé de les prendre. Kai m'avait alors dit :

« Prends ces pistolets, et rappelle-toi qui te les a offerts et à qui tu as juré fidélité. »

J'avais été impressionné par cet homme, par l'assurance et la prestance qui émanaient de lui. Il était intransigeant, et n'acceptait aucune erreur de la part de ses propres tueurs.

Pourtant, je sentais que cet homme possédait une véritable gentillesse, et une sollicitude hors norme. Je l'admirais plus que tout, c'était mon mentor, celui qui m'avait sauvé et recueilli. Mais l'homme qui m'avait mis à pieds et cet homme d'antan ne pouvaient pas être la même personne, c'était impossible.

Je ne pouvais pas rester plus longtemps dans cet ordre, j'avais l'impression de ne plus avoir ma place auprès de mon mentor. Je soupirai, je prenais conscience que ma vie d'assassins ne se résumait pas qu'à tuer, j'avais noué des liens forts avec certains membres de l'ordre. Tant pis, dans ce monde, on ne pouvait compter que sur soi-même. Les gens étaient égoïstes, ils ne pensaient qu'à eux.

Un vent froid se leva et balaya mes cheveux argentés. Je me mis à rire, un rire cruel. J'étais né pour tuer, pour faire du mal aux autres, les sentiments ne comptaient pas. La gentillesse en moi était morte il y a bien longtemps.

Une étrange sensation s'éveilla dans ma gorge, j'avais soif. Glissant la main contre ma hanche, je saisis avec douceur l'une de mes lames. Je caressai mes lèvres avec la pointe aiguisée de cet objet, jusqu'à ce qu'elle déchire la fine peau de ma lèvre. Des magnifiques perles de sang glissèrent le long de ma mâchoire, quel bonheur de les sentir. Le fameux Vampire...c'était ainsi qu'Alec m'avait nommé, étais-je si connu que ça ? Visiblement oui, et cela me remonta le moral, je n'avais pas besoin de l'ordre pour exister.

Je me levai et laissai le froid m'habiter, c'était comme si mes os gelaient. Je levai les yeux vers la pleine lune, belle et glacée comme tous les mois. Attendre demain soir serait décidément bien long.

***

15.09.1696

Les talons de mes bottes claquaient sur les pavés de la rue. Je sentais mon coeur battre à tout rompre. Il avait accéléré depuis que j'étais descendu de l'arbre où j'avais passé la nuit, ainsi qu'une bonne partie de la journée. Il était hors de question de retourner dormir au QG, je ne voulais plus y aller.

Il restait quelques heures avant que je ne retrouve Alec à l'auberge du Rubis. C'était probablement à cause de l'excitation que mon coeur battait aussi vite. Je fis attention à ce que mes lames et mes pistolets ne soient pas visibles, et pour ne pas paraitre louche, je ne rabattis pas mon capuchon sur mes cheveux, ce qui était rare. Je ne supportais pas de laisser mon visage exposé aux regards des autres.

L'auberge du Rubis était un bâtiment austère qui se situait près du château. Autrement dit, je ne m'y étais jamais rendu. Les rues alentours pullulaient des nobles et de bourgeois qui se pavanaient dans leurs attraits coûteux. J'étais en avance, et contrairement à ce que je pensais, les allées n'étaient pas vides.

Frères du Croissant d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant