Szymon.

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Szymon est adopté depuis sa naissance, par un couple de polonais, qui ne pouvait pas avoir d'enfant suite à un cancer de l'utérus auquel Katrina a survécu. Elle aimait son fils comme si c'était elle qui l'avait mise au monde et l'aimait d'avantage encore parce que ce n'était pas elle qui l'avait fait naître. Elle vit dans la peur constante que son fils disparaisse ou qu'il lui arrive un accident. Katrina est une mère protectrice à outrance, pour ainsi dire, son fils est cloisonné dans sa chambre. Cette mère se sacrifie pour son enfant, elle se consacre entièrement à lui au point de l'étouffer. Jamais il n'osera lui dire, mais Szymon pense que s'il est à tel point malade c'est de la faute de sa mère, qui l'étouffe.

La famille de Szymon vit à Varsovie depuis toujours, les parents n'ont eut qu'une seule fois l'opportunité de voyager, contrairement à ce que pensait Pablo sur leur richesse, les Kovitz, vivaient avec de petits moyens. C'est avec les dommages et intérêts gagnés après l'accident d'Alekzander, le père, qu'ils ont pu s'offrir ce voyage au Mexique. Depuis petit, Szymon voue un culte pour le Mexique, Katrina voulait réaliser le rêve de son petit.

Szymon ne sait pas que sa mère est au courant de ses pouvoirs, elle l'a découvert il y a bien longtemps, lorsqu'il a déclenché le feu dans la grange, d'une ferme voisine. Elle avait vu également sa manière de parler aux animaux, qui semblaient le comprendre et elle a constaté de nombreuses fois que le corps de son fils était toujours anormalement chaud. Les médecins avaient beau chercher, ils ne trouvent aucune raison à la fièvre permanente du petit garçon.

Katrina Kovitz est une femme très élégante, elle répète tout le temps que ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas d'argent qu'ils ne doivent pas être bien présentables. Elle habille son fils tous les jours avec de beaux vêtements, bien qu'il ne sorte jamais, ou trop rarement, de sa chambre. Monsieur Kovitz est professeur d'histoire de l'art à l'université de Varsovie, il n'a pas une grosse paie, mais sa richesse à lui, comme il le dit si bien, ce sont les artistes qu'il rencontre tous les jours dans sa classe. Il parle de son métier avec passion. Alekzander est bilingue. Il parle parfaitement le polonais, sa langue maternelle et il parle français, il a appris cette langue lorsqu'il a su qu'il allait être papa d'un petit garçon qui venait de France. Son français n'est pas parfait, mais il sait se faire comprendre.

Pour Szymon c'est une grande richesse que de savoir parler plusieurs langue, il a d'ailleurs appris l'espagnol, le portugais, l'italien (qui ressemblent beaucoup au français) et en plus du polonais, il a appris toutes les langues avoisinant son pays. C'est sa rencontre avec Pablo au Mexique qui l'a convaincu, il voulait après ça, pouvoir voyager partout dans le monde et pouvoir communiquer avec toutes les cultures qu'il rencontrerait. Mais sa maladie le cloue au lit. Il n'a plus la force de voyager. Il se contente de lire des livres, de regarder des chaînes telles que « Discovery » ou « Planète ». Il a toute une collection de guides touristiques que son père lui vole à la bibliothèque de la faculté de littérature dans laquelle il exerce.

L'adolescent se sent chanceux d'être autant aimé par ses parents, il a bien conscience que d'autres personnes n'ont pas cette chance mais se sent pourtant prisonnier de cet amour. Il ne se sent pas malheureux, mais ne se sent pas épanoui pour autant, c'est juste qu'il aurait voulu vivre une vie « normale ».

Il en a marre d'être impuissant, utiliser ses pouvoirs lui manquent, il aime tellement maîtriser le feu, maintenant qu'il sait les utiliser correctement, il espérait s'engager dans l'armée ou chez les pompiers. Il avait d'ailleurs un classeur rempli d'articles sur les exploits des pompiers de Paris. Alors que d'autres jeunes de son âge idolâtrent des groupes de musiques comme « Dezerter » ou d'autres groupes de punk, musique très à la mode en Pologne. Lui est fan des pompiers surtout, et un peu des militaires, pour leurs missions de réhabilitations de pays après la guerre, pas les militaires qui tuent gratuitement.

Ses visions se font plus intenses, ce qui le réveille et fait instantanément baisser la fièvre. Ses « frangins » sont désormais à l'intérieur de leur maison, que Szymon visualise en quatre cases bien distinctes. La quatrième étant la sienne. Il l'a reconnu immédiatement en voyant le feu, la caserne et tout le nécessaire de pompier... Il ne manque rien pour allumer et éteindre les feux. Il sait qu'avec son pouvoir il n'a pas besoin de tous ces accessoires, mais il adore s'amuser avec.

Szymon réfléchit à comment rejoindre ses compatriotes dans ces cases, il ne s'est encore jamais téléporté, d'ailleurs, il n'y croit pas vraiment... Seulement, il est là assis sur son lit, sans savoir où il doit se rendre, avec la certitude que ce ne seront pas ses parents qui le conduiront là-bas. Il a la conviction qu'il doit rejoindre ses camarades, il veut en savoir plus sur son histoire. Pourquoi a-t-il des visions de ces jeunes gens ? Il a reconnu Pablo, enfin, il n'est pas trop sûr, mais si c'était lui ? Szymon a un peu de mal à se redresser de son lit, ses muscles sont atrophiés par le manque d'activité physique ces dernières semaines fiévreuses. Tant bien que mal il réussit à enfiler un t-shirt, un caleçon propre, un jogging, ses chaussettes, ses baskets, une petite veste à capuche, remplir son sac d'un change, d'une bouteille d'eau et du contenu de sa tirelire. S'il ne peut pas se téléporter c'est pas grave, quoi qu'il en soit il part de la maison, il l'a décidé et profite de se moment d'accalmie pour fuir cette prison affective.

Ses parents ne se rendent compte de rien, il est discret et silencieux, même lorsqu'il ouvre le frigo et les placards pour chercher de quoi faire des réserves pour le trajet.

Le cliquetis que fait la porte en se refermant, attire l'attention de Katrina installée confortablement sur le canapé devant une romance américaine. Elle relève sa tête mollement puis se plonge concentrée dans son téléfilm, sans prêter plus d'attention. Szymon s'échappe de la maison le cœur léger, il a griffonné un petit mot d'adieu pour la rassurer quand elle se rendra compte de son absence.

Plus il s'éloigne de la maison, plus il ressent quelques changements physiologiques, sa respiration par exemple, ses poumons se remplissent d'air pur, sa peau s'assouplit, ses yeux s'écarquillent. Il ressent à son poignet une chaleur agréable, sa gourmette est lumineuse, des rayons violets, blancs et bleus l'éblouissent dès qu'il ôte la manche de sa veste. Szymon est fasciné, curieux et déterminé à partir à l'aventure. C'était la chose la plus excitante qu'il a fait de sa vie jusque là. Hormis le voyage au Mexique qui restera gravé à jamais dans sa mémoire, il connaissait simplement tous les recoins de Varsovie. Là c'était à l'occasion pour lui de savourer sa liberté fantasmée depuis seize ans.

Il sait pertinemment ou il peut se cacher pour ne pas qu'on le retrouve.

Ce n'est que dans la soirée que les parents se rendent compte de la disparition du malade. Katrina s'écoule de tristesse et d'inquiétude, elle pleure dans ses mains, genoux à terre, le désespoir l'envahit. Alekzander est plus calme, pose sa main sur l'épaule de sa femme en lui disant d'une douce voix :

- Tu le savais que ce jour arriverai. C'est plutôt bon signe cela signifie qu'il est guéri, enfin ! Nous avons fait grandir ce garçon pour qu'il devienne un homme. Laissons lui sa liberté, il sait que nous l'aimons, il reviendra.

Katrina, anéantie ne peut dire un mot. Elle arrive à peine à respirer. Ce qu'elle redoutait le plus est arrivé, elle n'est pas sure qu'elle survivrait à ce chagrin. Elle saisit dans ses longs doigts, ses cheveux lisses, blonds presque blancs, ses yeux bleus azur ne cesse de couler. Son visage d'habitude si pâle, est rouge vermillon à force de pleurer.

Alekzander fidèle à lui-même, dans un calme olympien descend à la cuisine préparer une tasse de thé à sa femme bien-aimée. Conscient de sa peine, il est un peu gêné de ne pas pouvoir la lui porter à sa place. Mais pour lui sa femme à tord de se rendre malade pour quelque chose qu'ils savaient d'avance. Il fait ce qu'il doit faire, soutenir sa femme, lui montrer sa présence et son amour. Il aime la prendre dans ses bras pour la rassurer et la réconforter. Elle se laisse faire. Elle sait que ça lui fait du bien, même si elle n'imagine pas que sa douleur passera, même avec tout l'amour de son mari.

Les oubliés de Missunder [CORRECTION/REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant